2.1. Existe-t-il un trouble spécifique de la mémoire chez le schizophrène ?

La neuropsychologie de la mémoire est longtemps restée un domaine de recherche peu développé. C’est dans les années 1970, et sous l’influence de la psychologie cognitive, que l’étude des troubles de la mémoire est devenue un champ de recherche très actif. Au cours des dernières décennies, les difficultés mnésiques des patients schizophrènes ont été largement étudiées grâce notamment aux moyens et aux concepts développés par la neuropsychologie de la mémoire (pour une revue : Aleman et al., 1999 ; Heinrichs et Zakzanis, 1998 ; Landro, 1994 ; Saykin et al, 1991). Les résultats d’études longitudinales montrent que ces déficits sont différents de ceux qui affectent la mémoire dans les conditions habituelles. De plus, ces déficits ne sont pas induits par le traitement médicamenteux pris par le patient, ne sont pas la conséquence, directe ou indirecte, de troubles attentionnels et, enfin, leur importance n’est pas affectée par la durée d’évolution de la maladie et sa sévérité.

La méta-analyse réalisée par d’Aleman et al. (1999), portant sur 70 études, montre qu'un déficit mnésique est observé chez les schizophrènes, quel que soit le mode de récupération en mémoire (rappel libre, rappel indicé ou reconnaissance), l’intervalle de rétention (immédiat ou avec délai) ou le type de stimulus (verbal ou non-verbal). De plus, ce déficit mnésique n’est pas spécifique à une modalité perceptive ou à une catégorie de matériel (Tableau 3).

Tableau 3. Méta-analyse d’études comparant la mémoire de patients schizophrènes et celle de participants contrôles (Adapté de Aleman et al, 1999, p 1360)
Tableau 3. Méta-analyse d’études comparant la mémoire de patients schizophrènes et celle de participants contrôles (Adapté de Aleman et al, 1999, p 1360)

On peut donc se demander si les troubles mnésiques observés chez les schizophrènes portent sur un ou plusieurs mécanismes cognitifs nécessaires à l'encodage et/ou au stockage de l'information au moment de l'étude, ainsi qu'à sa récupération au moment du test de rétention et ceci quelles que soient les modalités de l'étude et du test. De multiples processus cognitifs sont impliqués dans la mémoire (encodage, révision mentale, stockage, organisation, récupération, décision). Elles peuvent être étudiées au moyen d'outils issus de la psychologie cognitive qui permettent d'isoler la fonction plus spécifique qui est atteinte chez ces patients.