3. La reconnaissance

La conception selon laquelle il existe différents processus responsables de la reconnaissance a surtout été formalisée dans les années 70 et début des années 1980. Les cognitivistes ont développé les modèles à deux processus ou « dual-process models » qui postulent que deux processus distincts participent à la reconnaissance épisodique : la familiarité et la récollection (par ex., Atkinson & Juola 1974 ; Jacoby & Dallas 1981 ; Mandler, 1980 ; Tulving, 1985). La récollection se distingue de la familiarité par la récupération d’informations contextuelles en mémoire épisodique. Au contraire, la reconnaissance par familiarité correspond à un simple sentiment de déjà vu.Le postulat de départ est qu’un item ancien est, en moyenne, plus familier qu’un item nouveau, l’item paraissant le plus familier étant alors jugé ancien. Mais, le sujet peut récupérer en mémoire certaines informations contextuelles ou spatio-temporelles susceptibles de faciliter la reconnaissance.

En dépit du succès initial de ces modèles de reconnaissance à deux processus, les théories dominantes de cette période ont supposé que la reconnaissance reflétait seulement un processus unique de familiarité, sans accepter l'idée que la récollection puisse jouer un rôle dans la reconnaissance. Dans les modèles à un seul processus, la reconnaissance est souvent décrite par la théorie de la détection du signal (TDS). L’idée fondamentale est que les items étudiés sont en moyenne plus familiers que les items anciens, car la distribution de la familiarité des items anciens se superpose partiellement à celle des items nouveaux (Figure 2). La réponse résulte alors d'une règle de décision qui consiste à accepter comme anciens les traces dont la familiarité est supérieure à ce critère de décision et à rejeter comme nouveaux celles dont la familiarité est inférieure à ce critère (Swets, 1964 ; Murdock, 1972 ; Macmillan & Creelman, 1991). L’avantage de ce modèle est que la reconnaissance peut être modélisée par un paramètre unique qui est la distance entre la distribution des items anciens et celle des items nouveaux. Depuis les 20 dernières années, les modèles à un processus se sont considérablement sophistiqués et ont ajouté de nouvelles hypothèses sur la nature de la représentation des traces mnésiques et de leur stockage en mémoire. Les modèles les plus connus issus de ce courant sont des modèles d’appariement global à trace composite (par ex., TODAM, Murdock, 1982) ou à traces multiples (par ex., MINERVA, Hintzman, 1986). Ils ont pour caractéristique que les indices de récupération au cours de la reconnaissance n’accèdent pas à une trace isolée en mémoire. Ils combinent, plutôt en parallèle, l’ensemble des traces qui se trouvent en mémoire, d’où le terme d’appariement global ou « global matching ». Bien que des hypothèses spécifiques différencient ces différents modèles, ils postulent tous que la reconnaissance s’effectue sur la base d’un seul processus, la familiarité. Depuis les 10 dernières années, les limitations de ces modèles à un processus sont devenues de plus en plus évidentes (pour une revue : Clark & Gronlund 1996 ; Ratcliff, Sheu, & Gronlund, 1992 ; Yonelinas, 1994) et les modèles à deux processus ont connu un nouvel intérêt.