5.2. Effet du type de reconnaissance

Dans une situation de reconnaissance de visage, dans laquelle le contexte perceptif (expression ou arrière-plan) est non pertinent pour la reconnaissance, on peut s'attendre à ce que les sujets contrôles se basent principalement, sinon exclusivement, sur la familiarité globale du visage. On devrait donc observer des x-ROCs curvilinéaires symétriques, comme le prévoit la TDS classique, ou éventuellement légèrement asymétriques (Yonelinas, 2001b ; Yonelinas & Jacoby, 1996b). Si c'est effectivement le processus de récollection qui est perturbé chez les patients schizophrènes, leur reconnaissance devrait résulter également d'une estimation de la seule familiarité du visage. Dans ces conditions, la forme des x-ROCs des patients schizophrènes devrait être similaire à celle des sujets contrôles. L'hypothèse antagoniste est que les patients schizophrènes échouent, partiellement ou totalement, à atteindre un sentiment global de familiarité indépendant de la familiarité du contexte perceptif, c'est-à-dire de l'expression ou de l’arrière-plan. Cette plus ou moins grande difficulté à inhiber une information contextuelle non pertinente, et le conflit qui en résulte, les conduiraient alors à s'engager dans un processus de récollection du contexte perceptif originel (Hemsley, 1987). Si tel était le cas, la forme des x-ROCs devrait être alors différente pour les patients schizophrènes de celle des x-ROCs obtenues par les sujets normaux : elles pourraient être curvilinéaires asymétriques, et peut-être même linéaires.

Par ailleurs il est classique d'observer, chez les sujets normaux, une contribution relative plus importante de la récollection dans les situations de reconnaissance de contexte (Yonelinas, 2002 ; Yonelinas et al., 1996a). Dans cette situation, en effet, il est nécessaire de prendre en compte le contexte perceptif pour réaliser correctement la tâche. Les x-ROCs obtenues en reconnaissance de contexte devraient donc être, pour les participants contrôles, curvilinéaires mais avec un degré d'asymétrie plus prononcé qu'en situation de reconnaissance de visage. Les patients schizophrènes devraient continuer à se baser, en reconnaissance de contexte, sur la récollection. La forme des x-ROCs présentées par les deux groupes devrait ainsi se rapprocher en situation de reconnaissance de contexte. Autrement dit, si l'on postule un déficit de la récollection chez les schizophrènes et une plus grande implication de la récollection dans les tâches de reconnaissance de contexte, on peut prédire que la différence de processus (et les x-ROCs associées) entre les deux groupes devrait être maximale en reconnaissance de contexte. Au contraire, si l'on suppose un déficit de la familiarité chez les schizophrènes et une plus grande implication de la familiarité dans les tâches de reconnaissance de visage, on peut alors prédire que la différence de processus (et les x-ROCs associées) entre les deux groupes sera maximale en reconnaissance de visage.