6.3.2. Schizophrénie : Familiarité et récollection

La seconde question que nous nous sommes posée était de savoir si le dysfonctionnement mnésique des schizophrènes perturbait la familiarité et/ou la récollection. Pour cela, le modèle DPSD tente d'ajuster une équation prédictive de la performance basée sur deux paramètres de mémoire : R, pour la récollection et d', pour la familiarité, intégrant la variabilité du critère de décision. L'expression de la certitude en reconnaissance permet d'estimer la position du critère de décision et de construire une ROC qui prend donc en compte le critère de décision (c) dans l'estimation de la récollection et de la familiarité. La forme d'une telle ROC permet alors des inférences sur la nature des processus cognitifs sous-jacents.

En reconnaissance de visage les x-ROCs des participants contrôles sont curvilinéaires et symétriques lorsque l’encodage a été profond et curvilinéaires et très légèrement asymétriques lorsque l’encodage a été superficiel. Cela signifie que pratiquement seule la familiarité détermine leur réponse. C'est uniquement dans la reconnaissance d’expression, et après un encodage profond (jugement d'honnêteté), que les participants normaux présentent une x-ROC curvilinéaire et asymétrique, ce qui signifie que leur réponse est alors déterminée par la familiarité et la récollection. Le contraste est important avec les x-ROCs des patients schizophrènes qui, elles, sont curvilinéaires et asymétriques en reconnaissance d’expression ou lorsque le contexte expressif n’est pas modifié en reconnaissance de visage, et linéaires lorsque le contexte expressif a été modifié. Les schizophrènes utilisent donc systématiquement la récollection aussi bien pour reconnaître l'occurrence épisodique du visage que sa source expressive avec une discrète contribution de la familiarité. L’étude des z-ROCs confirme ces conclusions.

L'analyse de la variation des paramètres R et d' permet de préciser les constatations précédentes. La contribution de la récollection à la reconnaissance (Ra) est plus importante pour les schizophrènes que pour les sujets contrôles, principalement en situation de reconnaissance de visages. Au contraire la contribution de la familiarité à la reconnaissance est plus importante pour les sujets contrôles que pour les patients schizophrènes. On constate que la contribution de la récollection à la reconnaissance d’expression diminue pour les schizophrènes. On constate aussi que le changement de contexte modifie à la fois la récollection et la familiarité, en perturbant leur contribution à la reconnaissance. Le niveau de profondeur de l’encodage exerce un effet similaire sur les contrôles et les schizophrènes. Les schizophrènes, qui se basent essentiellement sur la recollection, voient sa contribution augmenter lorsque l’encodage devient profond en reconnaissance de visage. Il en est exactement de même chez les contrôles avec la familiarité, sa contribution augmente. En reconnaissance d’expression par contre c’est la contribution de la familiarité qui augmente chez les schizophrènes après un encodage profond alors que c’est la récollection qui augmente chez les contrôles.