Conclusion

L'objectif général de ce travail était d'examiner la nature des déficits mnésiques de patients schizophrènes lors d’une tache de reconnaissance épisodique de visages. Plus particulièrement, le but des deux expériences menées était d'étudier, chez de tels patients, les effets de deux types d'encodage, profond et superficiel, et les effets de deux types de modifications contextuelles, intrinsèque et extrinsèque, sur les sous-processus hypothétiques de familiarité et de récollection impliqués dans la reconnaissance de visages. L’ensemble des données recueillies nous montre que les schizophrènes ont des performances inférieures à celles des contrôles et que les facteurs manipulés n’agissent pas toujours de la même manière sur les deux populations. Mais ce qui semble différer essentiellement chez ces deux groupes de participants, c’est leur façon de mettre en oeuvre les processus de récollection et de familiarité lors de la reconnaissance.

Lors de l’expérience manipulant un contexte intrinsèque (l’expression du visage), et si l'on s'en tient à l'essentiel, les schizophrènes diffèrent, à plusieurs égards, des sujets contrôles : 1) dans les conditions de reconnaissance de visage et si on les compare aux sujets contrôles, les schizophrènes se basent davantage sur la récollection que sur la familiarité ; 2) dans des conditions difficiles de reconnaissance d’expression la différence entre schizophrènes et contrôles tend à s'estomper pour la récollection mais à se maintenir pour la familiarité ; 3) les schizophrènes effectuent une recherche en mémoire sur des items nouveaux et mettent en oeuvre un processus de récollection du type « (ne pas) rappeler pour rejeter » (« Don't recall to reject ») lorsque l’encodage est profond et que la reconnaissance porte sur les visages. Enfin, nous observons : 4) que la profondeur d’encodage a un effet significatif lorsque le test de reconnaissance porte sur les visages mais que cet effet disparaît lorsqu’il porte sur le contexte.

Ces observations soulèvent plusieurs questions : 1) pourquoi la reconnaissance des visages chez les patients schizophrènes est-elle principalement basée sur le sous-processus de récollection alors que, chez les participants contrôles, elle est basée essentiellement sur la familiarité ? 2) Chez les schizophrènes, en quoi consiste la récollection quand elle porte sur des items qui n'ont pas été présentés antérieurement ? 3) Pourquoi la différence entre les patients schizophrènes et les participants contrôles s’atténue-t-elle dans leur utilisation des sous-processus de familiarité et de récollection lors de la reconnaissance de contexte ? 4) Pourquoi la nature de l’encodage influence-t-elle la reconnaissance du visage mais pas celle du contexte ? 5) Pourquoi, les modifications contextuelles intrinsèques n’ont-elles pas d’effet différentiel sur les deux groupes de participants alors que ce n'est pas le cas pour la modification contextuelle extrinsèque ? 6) Quelles sont les structures cérébrales impliquées dans ces déficits ?