2) Chez les schizophrènes, en quoi consiste la récollection quand elle porte sur des items qui n'ont pas été présentés antérieurement ?

Sur quoi porte la récollection de type « recall-to-accept » ou « don't recall to accept » ? On ne peut bien sûr écarter totalement la possibilité de récollections non critérielles, résultant par exemple du jugement d'encodage (Yonelinas & Jacoby, 1996). Par exemple au moment de la reconnaissance, les participants pourraient se rappeler des détails non pertinents pour la réalisation de la tâche (par exemple ils pourraient se souvenir qu’ils avaient jugé le visage comme honnête lors de l’encodage). Mais, dans la situation où le contexte est intrinsèque, la récollection est plus probablement une tentative d'évocation mentale de la trace épisodique du visage encodé et de son association spécifique (de son « liage ») avec le contexte expressif originel. On serait tenté de parler ici de « récollection discriminative » en l'opposant à la « récollection associative ». Alors que les sujets contrôles basent leur reconnaissance sur la seule familiarité globale du visage (« je reconnais, ou non, ce visage »), les patients schizophrènes semblent adopter un traitement plus analytique de l'origine de leur sentiment de familiarité (« je reconnais, ou non, ce visage et/ou je reconnais, ou non, son expression »). Et quand l’expression est modifiée en reconnaissance de visage, la reconnaissance des patients schizophrènes résulte entièrement d'un processus de récollection. Ce processus de récollection est non seulement de type « recall-to-accept », mais il inclut également une composante de type « don't-recall-to-reject » (« si j'avais vu, lors de l'étude, un visage avec une telle expression, ou une telle expression, je m'en souviendrais ») (Rotello et al., 2000). Cela implique que le patient schizophrène doit être beaucoup plus sensible aux relations de similitude entre une nouvelle et une ancienne expression. Lorsque le contexte manipulé est extrinsèque, cette fois, les participants contrôles adoptent une stratégie perceptive en se basant à la fois sur une familiarité perceptive et sur une récollection de type discriminatif, mais uniquement lorsque l’encodage a été superficiel. Lorsque le traitement à l’encodage a été profond, les contrôles ne se basent plus que sur une familiarité perceptive globale du visage pour les reconnaître. Les patients schizophrènes adoptent de nouveau une stratégie différente. Lorsque l’arrière-plan est identique ou lorsqu’il est modifié, mais encodé de manière profonde, ils se basent à la fois sur une familiarité perceptive et sur une reconnaissance discriminative (« je reconnais, ou non, ce visage et/ou je reconnais, ou non, cet arrière-plan »). C’est uniquement quand l’encodage a été superficiel et l’arrière-plan modifié que les schizophrènes engagent de nouveau, comme dans le cas où le contexte était intrinsèque, un processus de récollection de type « recall-to-accept » ou de type « don’t-recall-to-reject » (« si j'avais vu, lors de l'étude, ce visage avec un tel arrière-plan, je m'en souviendrais »). Cette interprétation est en accord avec celle de Weiss et al. (2002) qui suggèrent que les patients schizophrènes sont capables de rejeter des items nouveaux en basant leur réponse sur les « heuristiques distinctives » (Dodson & Schacter, 2001, 2002 ; Schacter et al., 1999). Ces résultats et leur interprétation sont ainsi différents des données observées dans la littérature qui sont tous en faveur d’un déficit de la récollection chez les patients schizophrènes (Danion et al., 1999 ; Huron & Danion, 2002 ; Huron et al., 1995 ; Huron et al., 2003 ; Tendolkar et al., 2002).