6) Quelles sont les structures cérébrales impliquées dans ces déficits ?

a. L'hypothèse d’un déficit hippocampo-temporal

Danion et al. tentent d'expliquer le déficit de récollection qu'ils observent chez les schizophrènes en invoquant une perturbation du mécanisme de liage (« binding »). Ils supposent que les schizophrènes présenteraient un déficit d'encodage des relations entre l'information cible et les informations contextuelles, en particulier celles qui définissent la source de la trace mnésique. Mais l'hypothèse d'un déficit du liage à l'encodage peut conduire tout aussi bien à prédire une perturbation de la familiarité qu'une perturbation de la récollection. En effet, de nombreuses recherches montrent que l'hippocampe semble associé à un encodage rapide et automatique d'associations arbitraires entre une cible à mémoriser et son contexte (Gluck, Meeter, & Myers, 2003 ; Paller & Wagner 2002). L'hippocampe pourrait donc avoir une fonction de différenciateur mnémonique. Le néocortex, au contraire, encoderait les traces en les liant à leurs différents contextes, il assurerait ainsi une fonction de généralisation. (pour une revue : 0'Reilly & Rudy, 2001 ; 0'Reilly & Norman, 2002). Les fonctions d'encodage attribuées à ces deux structures cérébrales sont ainsi symétriques de celles qui leur sont attribuées, lors de la récupération, en reconnaissance : l'hippocampe est en effet souvent associé au processus de récollection et le cortex temporal médian et inférieur à la familiarité (Aggleton & Brown, 1999 ; Eichenbaum, Otto & Cohen, 1993 : pour une revue : Yonelinas, 2002). Autrement dit, l'échec à éprouver la familiarité, que nous avons observé, pourrait être la conséquence d'un échec du liage de l'information et de son contexte ayant pour conséquence un codage ou/et un stockage défectueux de l'information mnésique dans le néocortex temporal (Mayes, 1988, 1992). Cette hypothèse est à rapprocher des données obtenues en résonance magnétique structurale qui montrent, chez les patients schizophrènes, une perte de volume dans le lobe temporal impliquant l'amygdale, l'hippocampe et les régions parahippocampiques (Wright & al. 2000). En IRMf, on a pu également montrer que, dans le rappel de mots (impliquant nécessairement une composante récollective), les patients schizophrènes ne présentent pas l'augmentation d'activité frontale, observée chez les participants normaux, mais présentent, en revanche, une augmentation de l'activation du lobe temporal, notamment de l’hippocampe (Heckers et al. 1998) qui, elle, est absente chez les participants normaux (pour une revue : Mitchell & al. 2001).