Techniques d’observation du signal des langues sifflées

La notation musicale

Les premiers observateurs des langues sifflées n’avaient pas à leur disposition les facilités technologiques permettant les enregistrements. Pour garder une trace du signal entendu, ils ont souvent adopté la notation musicale. Les limitations d’un tel système tiennent à trois facteurs principaux : tout d’abord la dextérité musicale de l’auditeur, d’autre part, le système employé est forcément culturellement marqué ce qui risque de faire perdre une certaine précision dans le repérage des intervalles rythmiques et tonals. Enfin, la notation classique musicale n’est pas tout à fait adaptée à la précision des glissandos caractéristiques des modulations sifflées. « La hauteur y est tellement fixée qu’un compositeur comme Bartok a dû introduire un nouveau symbole musical pour représenter les effets de glissement que l’on trouve dans les mélodies populaires » (Dodane 2003, p.42).

Quedenfeldt relate une expérience qui illustre la difficulté de reproduire fidèlement le sifflement de la Gomera en notation musicale. Il recruta des musiciens qui notèrent des phrases sifflées. Les notations musicales furent ensuite re-sifflées à d’autres siffleurs avec un taux de succès de 0%. Busnel et Classe (1976) reproduisirent l’expérience à partir des notations de Quedenfeldt : « at first they did not realize that they were attempts at the Silbo and when they did, had a low opinion of them”(Busnel et Classe, 1976, p.8) En comparant le spectrogramme et la notation musicale de la Figure 1, on observe que le musicien n’a transcrit que les voyelles. Il a omis le [o] de « hoy » car celle ci est incluse dans une diphtongue et donc dans une modulation.

Figure 1 : Exemple de phrase demandée aux locaux par Quedenfeldt

(a) Notation musicale originale puis des représentations issues de sonagrammes réalisées par Busnel et Classe afin d’expliquer les limites de la notation musicale pour caractériser les modulations sifflées (Busnel et Classe 1976, p. 9).

Tout un ensemble d’éléments sont codés en termes de formes modulées en fréquence et en amplitude, « It follows that Quedenfeldt ‘s musicians could be expected to produce only notations of vowels “normalized” by being forced into the western musical scale with only the vaguest indications of consonants, if any. This would make the interpretation of their signals by whistlers not merely uncertain but practically impossible” (Busnel & Classe 1976, p.8). Les mêmes problèmes risquent d’être rencontrés pour des langues tonales utilisant des ton modulés. Les trauvaux répertoriés dans Sebeok et Umiker-Sebeok (1976) montrent que les modulations ne sont pas non plus reproduites en notations musicales. Au niveau rythmique, des considérations similaires sont en jeu.