Téléphone, tambours et langues sifflées, choix de la bande de fréquence

Le problème de la voix humaine est qu ‘elle ne porte pas très loin, même dans sa version criée et même si elle est canalisée par des guides d’ondes comme cela fut réalisé dès 1785 Gauthoy et Biot avec des tubes acoustiques permettant de transmettre des sons intelligibles jusqu’à 400 m. C’est pourquoi l’invention du téléphone révolutionna les communications acoustiques humaines. Même si Bell, développa un système appelé « Harp telephone » (qui fait penser aux instruments parleurs, cf. Annexe B.1), les avancées principales de la technologie de la téléphonie tiennent en partie à l’utilisation de méthodes de réduction de la bande de fréquence dans le canal de transmission. Les langues sifflées et que les langages tambourinées sont également efficaces de ce point de vue, avec des stratégies naturelles. La raison en est que, plus la bande de fréquence d’un système de communication est étroite plus le signal peut être transmis loin sans risquer d’être dégradé.

Les tambours utilisent un domaine de fréquence qui se place dans le bas des domaines de fréquences utilisés par la voix, à la limite inférieure de la bande du téléphone, et que la largeur de leur bande de fréquence est d’environ 200 Hz 7 . Par contre les langues sifflées se placent dans un domaine de fréquence dans le haut de la bande de fréquence du téléphone (vers 2000 Hz) et utilisent bande de fréquence d’une largeur de 1500 Hz environ. Leurs stratégies respectives utilisent différemment les propriétés de l’acoustique qui ont toutes été utilisées pour le téléphone :

Les langues tambourinées ont une portée qui peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres en plaine et une dizaine de kilomètre en forêt car les basses fréquences sont moins perturbées par les objets rencontrés par les ondes sonores. Les percussions inharmoniques, qui ont une bande de fréquence très étroite sont facilement distinguées du bruit de fond de la nature qui est lui aussi principalement dans les basses fréquences (cf. Annexe D.8 pour plus de précision sur les techniques de transposition phonétiques des langages tambourinés).

Comme nous l’avons vu, les langues sifflées optent pour une stratégie un peu différente, elles maintiennent une bande de fréquence relativement étroite située dans une zone ou la perception humaine est optimale et elles se placent au-dessus du bruit de fond de la nature. Par rapport au tambours, la langue sifflée a l’avantage d’être extrêmement souple car elle est utilisable à tout moment sans autre outil que la bouche et la technique de production du son sifflé. Elle a aujourd’hui perdu un avantage qu’elle a longtemps conservé par rapport au téléphone : celui d’être portable. Elle reste cependant gratuite, ce qui d’après certains siffleurs de la Gomera est un facteur de maintien.

Notes
7.

Les données sur les langues tambourinées que nous présentons ici sont issue d’un corpus que nous avons constitué parallèlement au corpus sur les langues sifflées. Deux langages tambourinés ont été partiellement analysés à ce jour : le langage bora d’Amazonie péruvienne et le langage ewe du Ghana.