5. « L’énergie du désespoir »

Cette formule, qui apparaît dans une note du poème « La main de Lacenaire » et qui sera supprimée en 1945 128 , énonce bien la situation de la poésie une fois affirmés le scandale du monde tel qu’il est et le désir radical de destruction. Comme pour les surréalistes qui au lendemain du premier conflit mondial trouvent dans la révolte absolue un exutoire à la tentation du suicide 129 , le désir d’anéantissement se double d’un élan vital qui, chez Char, transparaît dans les potentialités d’avenir déployées par les destructions et les cataclysmes eux-mêmes. Ce qui précisément fera la crise d’après-guerre, c’est la mise en question d’une possibilité d’issue à la catastrophe. Et ici la divergence avec Breton sera très nette : alors que ce dernier témoignera d’« un optimisme largement anticipatif » 130 , Char de son côté cherchera à redéfinir un rapport au temps et une éthique de l’action qui puisse s’accorder à un pessimisme radical.

Au moment du Marteau sans maître, une temporalité linéaire, comme dans le poème « La luxure », débouchant sur un anéantissement cataclysmique, entre en tension avec un autre type de temporalité, qu’on pourrait qualifier de « révolutionnaire ».

Notons d’abord que l’anéantissement n’est jamais le terme ultime des bouleversements mis en scène dans ces poèmes. Les « meurtres » sont « productifs » (« La luxure ») : ils visent, selon une logique, fréquente dans l’écriture de Char, qui fait naître une chose de son contraire, « l’imputrescible », ou « l’impérissable », réservé aux carnassiers :

‘Seuls aux fenêtres des fleuves
Les grands visages éclairés
Rêvent qu’il n’y a rien de périssable
Dans leur paysage carnassier
(« Les observateurs et les rêveurs »)’

Mais ce qui est issu de ces bouleversements est présenté comme étant d’un autre ordre. Dans la dernière strophe de « Drames », l’« impérissable » se définit par « un monde sans aspect » où se déploient « tous les loisirs de la vapeur », vapeur à laquelle il faut associer l’insensibilité dont la charge le poème « Crésus » lorsqu’il évoque une « filante vapeur insensible ». « Immobilité » ou insensibilité, « monde sans aspect » : pour une part les grands bouleversements fondent un monde sans temporalité. Significativement, l’Hommage à D.A.F. de Sade développe une image de cette immobilité qui n’est pas sans évoquer l’état d’insensibilité, ou d’« apathie », recherché par les héros des romans de Sade :

‘Ces bouleversements derrière les paupières nous conduisent infailliblement à une mare dure et glissante où dort sous une nuée de mouches vertes l’immobilité au diapason. 131

Cet horizon d’insensibilité reste cependant relativement isolé dans les poèmes de cette période 132 . Il y a plus souvent un acquis du cataclysme selon les termes d’un passage du texte Paul Éluard, daté de 1932 et non repris dans les Œuvres complètes :

‘Il reste toute la sourde tendresse de l’éclair pour hâter l’éclosion des dernières planètes de soie dans cette nuit de papillons, dans cette nuit de chocs retentissants où le moindre météore soulève et entraîne dans le sillage de ses feux, un volume de cendre égal à l’acquis d’une ère de cataclysmes. 133

Le terme de « cendre » utilisé dans ce texte, est récurrent dans les recueils pour désigner de manière tout alchimique les virtualités que recèle la destruction. Le cataclysme entre dans l’isotopie de la transmutation alchimique dans un poème comme « L’instituteur révoqué », où le syntagme de « pierre catastrophique » associe la catastrophe à la pierre philosophale : « Devant vous, le champ de dix hectares dont je suis le laboureur, le sang secret et la pierre catastrophique ». Il est remarquable, en outre, que la phrase commence par l’ouverture d’un horizon placé en avant (« devant vous ») comme si l’avenir était à penser à partir de la catastrophe. La pensée alchimique qui fait de la destruction, l’œuvre au noir, une étape du Grand Œuvre, permet ainsi de penser le cataclysme sur un autre mode. La métaphore de la cendre dans les recueils de cette période vient signifier le déploiement, au sein même de l’anéantissement des êtres et des choses, de toutes leurs virtualités. L’étape de la putréfaction consiste en une dissolution sous l’effet de la chaleur conduisant à une « pure poussière, voire […] une poudre impalpable ». Mais « au même temps la matière se dissout, se corrompt, noircit, et conçoit pour engendrer : parce que toute corruption est génération, laquelle noirceur doit être toujours désirée. » 134 Le modèle alchimique permet alors d’échapper à une conception linéaire du temps puisque, dans les opérations de transmutation alchimique, un état de la matière est toujours potentiellement présent dans un autre. Les alchimistes insistent en effet sur l’unité de la matière et décrivent la succession des opérations comme un changement des rapports entre ses principes, le fixe et le volatil. Ainsi rien n’est créé : les étapes du magistère ne sont que des changements de l’état de la matière première. Celle-ci est le point de départ des opérations et les alchimistes prenaient d’abord soin de la retrouver et de l’enfermer dans « l’œuf philosophique ». Or la matière première n’est pas d’une nature différente des autres corps. Elle en est seulement la purification, c’est-à-dire, pour les alchimistes, la séparation en deux principes, le soufre et le mercure, dont l’union en diverses proportions forme tous les corps de la nature. Dans chaque étape, la potentialité d’une autre forme de la matière réside dans la présence de ces deux principes dont il suffit que les rapports se modifient pour que la matière change de forme : « La matière se différenciait d’abord en soufre et en mercure, et ces deux principes s’unissant en diverses proportions formaient tous les corps. » 135

Grâce à ce modèle alchimique devient possible la pensée d’une descendance sans héritage, pensée indispensable pour un poète en lutte contre l’oppression familiale. Issue d’une destruction, la descendance, rendue possible grâce aux virtualités d’avenir contenues dans la catastrophe elle-même, sera une descendance sans héritage, parce que sans création : un passage de Propositions-rappel associe précisément le lexique alchimique et « la mort du créateur » : « Ici l’image mâle poursuit inlassablement l’image femelle ou inversement. Quand elles réussissent à s’atteindre, c’est là-bas la mort du créateur et la naissance du poète. » 136 Cette descendance sans création ni héritage est une « descendance révolutionnaire » pensée à partir d’une temporalité elle-même révolutionnaire, sans linéarité ni relation causale. Le même texte, paru dans Le Surréalisme au Service de la Révolution de décembre 1931, fait de l’immobilité ce dont doit sortir le mouvement (« c’est ainsi qu’on doit voir le mouvement sortir de l’immobilité »), tout en évoquant le retour aux « cendres primitives ». Le corollaire de cette temporalité non successive est en effet la coïncidence du passé le plus lointain, le primitif, avec l’invention du mouvement en avant. La dernière proposition du texte, « Descendance révolutionnaire », suit immédiatement cette évocation des « cendres primitives. » Quand le primitif n’est pas désigné en avant de soi, c’est qu’il est considéré dans sa valeur d’achèvement, comme dans cette phrase de Paul Éluard : « De la même époque la perfection du poète et l’humanité primitive. » 137 Cette idée d’un achèvement, au sens d’un accomplissement, à situer du côté de l’origine et non pas à l’horizon d’un progrès futur, fait toute la différence entre la conception hégélienne de l’histoire selon Breton et la conception de Char.

Cet autre rapport au temps impliqué par l’écriture de Char donne son sens à la dimension prophétique de ces poèmes aux développements visionnaires, dont de très nombreux passages utilisent un futur qui est celui de la prédiction :

‘On finira bien par retenir
La direction prise par certains orages
Dans les rapides du crépuscules
(« Le cheval de corrida »)
A la longue
Le sang emplira les crevasses de si naturelles habitations de boue
(Ibidem)
Mères excessives
Toujours à creuser le cœur massif
Sur vous passera indéfiniment le frisson des fougères des cuisses embaumées la crosse brûlante des angles]
On vous gagnera
Vous vous coucherez
(« Les observateurs et les rêveurs »)
Dans l’animation de l’amour
Lorsqu’elle passera devant le soleil
Peut-être le dernier simple incarnera la lumière
(« A la faveur de la peau »)
Etc.’

Il est significatif de noter dans un poème de L’Action de la justice est éteinte l’association de ce rapport au temps pensé sur le modèle de l’alchimie avec la notion de prophétie. Dans « Sommeil fatal », la prédiction est « autorisée » par la couleur noire de l’avenir, couleur d’une étape de l’œuvre, celle de la putréfaction, qu’il n’est pas étonnant de trouver chez Char associée à l’avenir, au sens où elle donne à penser l’avenir comme actualisation des potentialités du présent, sur le modèle de la temporalité impliquée par la transmutation alchimique :

‘(L’homme se refuse à ne pas croire à la sincérité des lettres qu’une inconnue lui écrivait lorsqu’il était enfant. Celle-ci lui dévoilait le côté prophétique de son écriture. La couleur précisément noire de l’avenir l’autorisait à formuler une prédiction [...] )’

Le sens de la prophétie est à comprendre dans le contexte d’une conception pour ainsi dire télescopique du temps, elle n’est pas une simple annonce d’un avenir conçu sur le modèle d’une temporalité linéaire. Char est ici très proche d’une pensée de type messianique, que l’œuvre d’un auteur comme Benjamin permet d’approcher. Pour ce dernier en effet, il s’agit de « désensorceler l’avenir » lorsqu’il « asservit ceux qui s’informent auprès des devins. » 138 Tout autant que cet avenir de devin, Benjamin rejette l’avenir prédictible des philosophies modernes de l’histoire, selon lesquelles le modèle du temps physique invite à calculer, suivant le principe du déterminisme, les conditions futures à partir des conditions présentes. Pour Benjamin au contraire, le présent est vécu comme « une réactualisation permanente du passé » ; ce qui entraîne comme son corollaire, une anticipation de l’avenir au sein même du présent. Et « si le présent contient en lui l’image vraie de l’avenir », ce n’est pas « parce qu’aujourd’hui est la cause dont demain sera l’effet, mais parce que les forces secrètement groupées dans la constellation présente sont la préfiguration virtuelle de celles qui se manifesteront dans telle ou telle constellation future » 139 . D’où le surgissement d’un nombre incalculable de possibles au cœur même du présent, la notion de possibles désignant, chez Char également, la formulation de l’exigence fondamentale d’un rapport libre à l’avenir. Comme chez Char, l’opposition à Hegel est nette : contre « l’histoire des vainqueurs », Benjamin recourt aux concepts issus de la mystique juive pour « donner une nouvelle chance à tout ce qui dans le passé a été écrasé, oublié, ou laissé pour compte ». Aussi l’espérance messianique n’est-elle pas la visée d’une « utopie » destinée à se réaliser à la fin des temps, mais une « extrême vigilance, pour déceler à chaque instant, ce qui laisse entrevoir ‘l’énergie révolutionnaire’ du nouveau » 140 . Cet autre modèle de l’histoire et de l’avenir, rien ne permet de dire que Char en ait eu connaissance ; toutefois une même critique de la continuité temporelle, de la causalité historique, et de l’idéologie du progrès, une même conviction que « le nouveau ne surgit pas de l’écoulement sans fin des instants, mais de l’arrêt du temps, de sa césure » 141 , rapprochent indubitablement ces deux œuvres.

Dans ce contexte prend sens le premier projet de composition du Marteau sans maître qui prévoyait de clore le recueil par un poème alors intitulé « Abondance viendra » et qui, réécrit sous le titre de « L’éclaircie », deviendra le premier poème de la dernière section. Le choix initial de terminer le livre par cette annonce prophétique est moins l’expression d’un optimisme forcené ou d’une parole oraculaire de poète prophète qu’un écho significatif à une phrase du récit de rêve « À quoi je me destine », paru en revue peu de temps avant ces projets d’organisation et de publication du Marteau sans maître 142 . On lit en effet, vers la fin du récit, cette phrase, dont l’italique désigne, selon Char, « des impressions de réveil qui se sont imposées à mon esprit au fur et à mesure de la transcription du rêve » :

‘Autour de moi il pleut de la suie et du talc. Signes d’une conjonction d’astres dans le ciel favorable et défavorable à moins que le jour et la nuit écoeurés du conformisme de l’actuelle création n’aient enfin conclu le grand pacte d’abondance.’

L’« abondance », dans ce passage, prend le contrepied de toute manne biblique ; opposée à « l’actuelle création », elle en désigne négativement l’économie, fondée sur une alternance, « favorable et défavorable » ; et en appelle à un dépassement de celle-ci, à un « grand pacte », y mettant fin. Le « grand pacte d’abondance » permet alors de lire dans « Abondance viendra » une démarcation ironique de la prophétie biblique, bien sûr, mais pas uniquement. « Abondance viendra » n’est pas une pure antiphrase ; il ne s’agit pas de dire que l’abondance ne viendra pas ; Char va plus loin, en opposant à « l’économie de la création », selon une expression de l’Argument de L’Avant-monde, une abondance que le « conformisme » ne peut qu’illusoirement promettre ; reprenant, donc, l’idée d’abondance pour l’opposer à son démenti dans « l’actuelle création ». Derrière la critique de la prophétie religieuse, il y a ainsi en même temps chez Char un usage spécifique de la forme prophétique.

La première version du poème « Abondance viendra », dont le manuscrit a été conservé 143 , permet de mesurer l’étroite articulation entre un rapport prophétique à l’avenir et le schème temporel du renouvellement. L’isotopie prophétique, indépendamment du titre initial, est lisible dans le personnage du prêtre chaldéen, dont le peuple, les Chaldéens, est précisément le plus cité par le Livre du prophète Jérémie 144 . La première version d’« Abondance viendra » est d’autre part caractérisée par un grand nombre de verbes au futur qui resteront très prégnants ultérieurement, mais se verront aussi compensés par une forme d’organisation temporelle où se fait jour l’image d’un renouvellement. Un certain nombre d’éléments y contribuent : le passage de la locution négative « ne … pas » à « ne … plus », l’utilisation du passé composé, présentant comme accompli le procès des verbes (par exemple : « Absolue aridité, tu as absorbé toute la mémoire individuelle en la traversant », ou encore : « La perforation des cellules de l’éponge permettra d’arriver jusqu’à l’intacte chrysalide qui recouvrera ses propriétés […] » devenant ensuite : « L’intacte chrysalide a recouvré ses propriétés agissantes de vertige »), la présence récurrente du préfixe re (dans « recouvrera », « redeviendra », « renouvelé »), et l’organisation temporelle générale confrontant un passé décrit à l’imparfait, un présent désigné par « de nos jours », et un « âge futur ». Ici aussi, l’avenir, envisagé sur le mode de la prophétie (dont la dernière version garde de nombreuses traces), se pense comme renouvellement à partir du passé. Une évolution se fait donc jour, entre une temporalité pensée comme rupture dans Arsenal et une temporalité du renouvellement, dans ces versions d’« Abondance viendra » ; elle est corroborée par la transformation de la place et de la fonction de ce poème : ouvrant prophétiquement l’avenir à l’issue d’un recueil, il devient le premier d’un autre recueil, que le prolongement par une série de poèmes peut faire voir comme une étape, ou placer dans la perspective d’un développement ou d’un renouvellement, les deux termes apparaissant d’ailleurs dans la dernière phrase : « Le sort de l’imagination adhérant sans réserves au développement d’un monde en tout renouvelé de l’attractif […] ». Enfin, un des titres envisagés pour le deuxième manuscrit, « La solution », souligne également, par ses connotations alchimiques, l’idée d’un processus, d’une étape dans une forme de temporalité alchimique, où l’avenir se fabrique à partir de l’actualisation au présent des potentialités non encore aperçues d’un état antérieur de la matière.

Il s’agit donc bien de continuer. La forme du poème en prose fait passer au second plan l’incidence de la rupture, si forte dans les recueils précédents, et souligne la prégnance d’un continuum maintenu en même temps que « l’éclair » et la « fulguration » : « La perforation des cellules du rayon, la traversée de la cheminée anathématisée, la reconnaissance des créances oubliées se poursuivent à travers les éclairs, le grésillement, et la révélation de l’espèce fulgurante de grain solaire. » 145 Où l’on peut reconnaître, sur un plan temporel, une des images de la « parole en archipel » (préfigurée ici dans les « archipels de l’estomac »), une continuité tenue par delà et en même temps qu’un principe de rupture ; mais où s’affirme aussi, propre à ce recueil, une forme singulière de continuité, celle du franchissement, de la traversée. La locution prépositive « à travers » apparaît en effet comme un pivot sémantique de ce poème. Elle est déclinée sous diverses formes dans l’ensemble du texte : on la retrouve comme préfixe dans « perméable », ou encore dans la « perforation » ; elle se transforme par la paronomase en [vR] dans le participe « traversant » qui développe le sens de la préposition, la traversée s’associant alors à la métamorphose, celle du vers de la « chrysalide » qui, en se transformant, devient « vertige ». Poursuivre en franchissant, retrouver dans la rupture affichée la possibilité d’une continuité fondée sur un rappel du passé, qui s’actualise dans un renouvellement, telle est « l’énergie du désespoir » à l’œuvre chez Char.

Notes
128.

« Les mondes éloquents ont été perdus* / *Je lisais l’Album d’un pessimiste quand cette phrase est venue s’interposer entre le texte de Rabbe et moi avec l’énergie du désespoir », texte reproduit dans René Char. Dans l’atelier du poète, op. cit., p. 159.

129.

Comme le rappelle Marie-Paule Berranger, dans son livre Le Surréalisme, Paris, Hachette, 1997 : « Le surréalisme naît d’un constat désespéré et d’un élan vital simultanés contre les forces d’anéantissement et d’oppression réaffirmant inlassablement la volonté de réunification de l’homme », p. 61.

130.

Entretien cité par Marie-Paule Berranger, op. cit., p. 60.

131.

René Char. Dans l’atelier du poète, op. cit., p. 140. Voir aussi « l’état de léthargie » évoqué dans Artine.

132.

Et dans l’œuvre de Char prise dans son ensemble : quand après-guerre resurgira l’image d’une catastrophe recelant la possibilité du nouveau, ce sera comme dans Les Matinaux, avec l’idée d’un mouvement en avant. Notons également, dès Poèmes militants, un texte comme « À la faveur de la peau » où l’on pourrait lire en filigrane le passage d’un univers baudelairien, que son figement - figement de la « Beauté clouée » montrée à un « hypothétique [appelant phonétiquement l’hypocrite] lecteur » - rejette dans le passé, à un univers rimbaldien suggéré par le « désir de prendre congé » « sur l’atlas des déserts », ainsi que par l’image du « dernier simple », reprise après-guerre dans le poème adressé à Rimbaud : « Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! » « […] pour le commerce des rusés et le bonjour des simples. » On ne peut pas ne pas mettre en rapport ces échos à Baudelaire et à Rimbaud avec l’idée, développée en 1956, dans le texte « Arthur Rimbaud », que se joue, dans le passage de l’un à l’autre, un changement de civilisation : « Baudelaire est le génie le plus humain de toute la civilisation chrétienne. Son chant incarne cette dernière dans sa conscience, dans sa gloire, […] dans son apocalypse ». Après avoir cité un passage de Hölderlin affirmant que « les poètes se révèlent pour la plupart au début ou à la fin d’un règne », Char dit de Rimbaud qu’il « est le premier poète d’une civilisation non encore apparue, civilisation dont les horizons et les parois ne sont que des pailles furieuses ». L’insistance sur le cataclysme et la prise en compte d’une histoire à grande échelle dans les recueils du Marteau sans maître est aussi à comprendre comme un passage de cet ordre (ou plutôt une césure) entre deux civilisations.

133.

René Char. Dans l’atelier du poète, pp. 168-169.

134.

Nicolas Flamel, Écrits alchimiques, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Aux sources de la tradition », 1993, p. 45.

135.

Albert Poisson, Théories et symboles des alchimistes, Paris, Bibliothèque Chacornac, 1891, reproduit en fac-similé par les Éditions traditionnelles, Paris, 1991, p. 12.

136.

René Char. Dans l’atelier du poète, op. cit., p. 165.

137.

René Char. Dans l’atelier du poète, op. cit., p. 169.

138.

Pour la pensée de l’histoire chez Benjamin, nous suivons le commentaire de Stéphane Mosès, L’Ange de l’histoire. Rosenzweig, Benjamin, Scholem, Paris, Éditions du Seuil, 1992, deuxième partie : « Walter Benjamin. Les trois modèles de l’histoire », pp. 95-181.

139.

Ibid., p. 178.

140.

Ibid., p. 156.

141.

Ibid., p. 158.

142.

Sur le détail de ces projets, voir Jean-Claude Mathieu, op. cit., vol. I, p. 222.

143.

Les différentes versions de ce manuscrit sont reproduites en annexe de l’ouvrage de Jean-Claude Mathieu, op. cit., vol. II, p. 299.

144.

Les visions de Char dans Le Marteau sans maître ne sont d’ailleurs pas sans points communs avec ce Livre dont la première moitié est un discours de dévastation, annonçant l’anéantissement de Jérusalem, et le renouveau qui suivra.

145.

Nous soulignons.