3. Claire

Claire est le troisième des projets de film de cette époque, après Le Soleil des eaux et Sur les hauteurs. Comme ces derniers, il est transformé en pièce de théâtre, puis il est publié, en 1949 chez Gallimard, dans une version un peu différente de celle qui sera recueillie en 1967 dans Trois coups sous les arbres. Sa principale originalité par rapport aux deux autres scénarios réside dans l’abandon d’une intrigue unique et complète au profit d’une succession de scènes ou « tableaux » sans liens narratifs apparents. Des « moments » successifs, significatifs de « drames personnels », font le matériau de ce film qui semble dresser le portrait d’une population à travers des personnages typiques, « l’ouvrière », « Madame », l’épouse de l’ingénieur, « la jeune fille », « le notaire ». Mais la scène centrale du scénario, qui donne à l’ensemble de la pièce ses coordonnées référentielles (« 1943. La France-des-Cavernes »), inscrit les tableaux dans le contexte des événements historiques récents. Char semble revenir, plus encore que dans Le Soleil des eaux, à un sujet politique. Toutefois, en choisissant une construction par succession de scènes indépendantes, plutôt que le développement d’une intrigue, en limitant le nombre de personnages dans chaque scène, il remet en cause la continuité qui faisait une histoire collective dans Le Soleil des eaux. Dans le même temps, la fonction de dévoilement confiée à la pièce, dans le premier tableau, par l’allocution de Claire, maintient l’horizon de la communauté à laquelle elle s’adresse.