Chapitre 7. Les Matinaux

Publié deux ans après Fureur et mystère, en 1950, le recueil formé par Les Matinaux occupe une position singulière. Fureur et mystère annonçait la fin d’une période : l’engagement du sujet dans le temps de l’histoire et l’action collective s’est heurté, après-guerre, à « l’intolérance » des « hommes d’aujourd’hui » (« Argument » du Poème pulvérisé) ; la conscience d’être « soustrait au naufrage » (Arrière-histoire) a imposé l’élaboration d’autres rapports au temps après la faillite de l’histoire et la persistance chez les contemporains de « cette préoccupation fatale de se détruire par son semblable » (« Argument »). Après avoir « assez creusé, assez miné sa part prochaine » (« Assez creusé »), le sujet réclame une pause, une « sieste blanche », tandis que les poèmes affichent un détachement et une distance à l’égard des circonstances. Faut-il parler d’un désengagement ? Après la « fureur » des poèmes du temps de guerre, la parenthèse se referme-t-elle ? Pourtant, la relation critique à l’époque demeure vive. Le recueil est dans le prolongement de la crise de la guerre par sa dénonciation de l’oppression et de l’intolérance. Comment comprendre cette tension entre une insouciance revendiquée et une vigilance politique maintenue ? Avec Les Matinaux, le rôle du poète et de la poésie dans la société se pose en de nouveaux termes.