1. « Le climat de notre époque » 591

Les sections rassemblées dans Les Matinaux sont relativement hétérogènes. Y domine cependant une énonciation simultanément détachée des circonstances historiques et proche de l’échange dialogué, de la vie et des êtres 592 . Aussi le recueil donne-t-il l’impression d’associer à la légèreté de ton le caractérisant une hauteur de perspective qui l’éloigne de la contestation politique. Toutefois, le rapport à l’époque annoncé dans le Bandeau des « Matinaux », suggéré dans la « Mise en garde » de La Sieste blanche, est lisible dans certains poèmes de cette même section. On le distingue également dans L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil. Ces passages viennent rappeler sur quelle toile de fond s’enlèvent les questionnements et refigurations de l’existence et du temps dans le recueil.

Le Bandeau des « Matinaux » dénonce explicitement l’époque (« notre temps ») et lui oppose la poésie (« la seule vérité poétique »). La syntaxe de l’énoncé inscrit cette opposition dans le balancement des propositions relatives :

‘Premiers levés qui ferez glisser de votre bouche le bâillon d’une inquisition insensée – qualifiée de connaissance – et d’une sensibilité exténuée, illustration de notre temps, qui occuperez tout le terrain au profit de la seule vérité poétique constamment aux prises, elle, avec l’imposture, et indéfiniment révolutionnaire, à vous.’

Dans la « Mise en garde » de La Sieste blanche, la dénonciation est plus discrète, mais tout aussi virulente : « En un temps où la mort, docile aux faux sorciers, souille les chances les plus hautes, nous n’hésitons pas à mettre en liberté tous les instants dont nous disposons. » On remarque ici que les excès de l’époque (« les faux sorciers ») sont directement mis en relation avec l’omniprésence de la mort dont le recueil se fait l’écho par ailleurs. Le temps présent est bien impliqué, négativement, dans les projets de liberté, de répit aussi, que se fixe l’écriture.

Dans les poèmes de La Sieste blanche, la corrélation entre le choix d’une poétique de la légèreté, dont on verra les implications éthiques, et la condamnation d’une époque émerge dans les traces de dénonciation qui parcourent le recueil. Aucun poème n’entre tout entier dans ce registre mais presque tous s’en rapprochent. Deux formes d’énonciation dominantes prennent en charge cette relation critique à l’époque. La première met en scène, dans un récit ou une description, une opposition entre une figure qui résiste et une collectivité. La seconde implique un « nous » dans une adresse directe à des destinataires pris à partie.

Le poème d’ouverture, « Divergence », est exemplaire du premier type d’énonciation. Les sèmes du titre se prolongent dans le poème par le partage entre le poète et « le cheval à la tête étroite », relayé métonymiquement par les « gens patients » des fermes.

‘Le cheval à la tête étroite
A condamné son ennemi,
Le poète aux talons oisifs,
À de plus sévères zéphyrs
Que ceux qui courent dans sa voix.
La terre ruinée se reprend
Bien qu’un fer continu la blesse.
Rentrez aux fermes, gens patients ;’

Ce n’est qu’au détour d’un vers que l’opposition entre la « folie » consumatrice du poète et la patiente thésaurisation paysanne montre l’arrière-plan qui la fonde. Allusivement s’entend dans la « terre ruinée », qui « se reprend », le désastre de la guerre et l’effort qui le suit. Le vers suivant, dans l’image d’une blessure continue (« Bien qu’un fer continu la blesse »), établit de son côté une analogie avec la poursuite de la crise après la guerre. Pas d’attaque directe, ici, contre les contemporains, mais dans un style simple comme celui d’une fable, le maintien d’une conscience de la situation de l’époque. De même, le poème suivant, « Complainte du lézard amoureux » rappelle, au sein même de l’univers heureux de la « prairie », « boîtier du jour » (feuillet 175), la présence de la destruction et du mal : « L’homme fusille, cache-toi ;/ Le tournesol est son complice./ Seules les herbes sont pour toi,/ Les herbes des champs qui se plissent. » Cette « blessure continue » (« Divergence »), cette « minuscule plaie » (« Mise en garde »), que représentent ces vers dysphoriques par rapport à l’ensemble du poème, ont un statut déterminant. La blessure n’est pas secondaire : c’est d’elle, de l’existence du mal chez l’homme, que la terre et « ses secrets », que l’univers de la fable et du simple, tirent leur valeur dans l’œuvre.

Le long poème des « Transparents » est exemplaire de cette mise en cause de l’époque par le développement et l’affirmation d’un univers prenant valeur de contre-modèle. La présence de la destruction et de la souffrance y est encore plus marginale que dans « Divergence » et dans « Complainte du lézard amoureux ». Mais elle oriente l’ensemble des courts échanges dialogués. C’est en effet à partir de la menace de sa disparition que se déploie le monde des Transparents :

‘Les Transparents ou vagabonds luni-solaires ont de nos jours à peu près complètement disparu des bourgs et des forêts où on avait coutume de les apercevoir. Affables et déliés, ils dialoguaient en vers avec l’habitant, le temps de déposer leur besace et de la reprendre.’

La locution temporelle « de nos jours », placée à l’ouverture de ce poème, inscrit les propos des Transparents dans un univers référentiel relié au présent de l’énonciation. L’embrayage énonciatif de ce texte liminaire est l’élément qui permet de faire du poème un discours d’opposition. Mais en dehors de ce préambule, l’opposition reste indirecte. Le poème est une mise en scène de figures qui incarnent une force d’opposition, il n’interpelle pas directement les contemporains. Seul le texte liminaire est en prise immédiate sur l’univers des destinataires.

La parution préoriginale des « Transparents » dans Le Mercure de France 593 rendait plus visible ce statut énonciatif de l’introduction et son rôle dans la valeur d’opposition du poème :

‘De même que certaines espèces cessent d’être comptées et disparaissent du sol et de la curiosité des vivants, les vagabonds libertaires, encore nombreux au début du siècle, ne trouvent plus grâce aujourd’hui devant les exigences sociales, politiques et policières de l’État moderne, ce mendiant colosse.
Le vagabond est de moins en moins aperçu dans nos campagnes, même les plus altruistes. Renouvelons à ces camarades poètes bientôt exterminés l’assurance de notre sincère solidarité.’

L’embrayage énonciatif est renforcé par le mode injonctif et l’implication du destinataire dans la première personne du pluriel de la dernière phrase. D’autre part, cette première version rend explicite la dénonciation, qui n’est, dans la version ultérieure des Matinaux, que le corollaire du déploiement du monde des Transparents. Ici l’horizon politique du poème est évident : les vagabonds sont « libertaires » et leur façon de vivre, libre de toute attache, figure leur refus de « l’État moderne ». Cette introduction est la position la plus radicale que l’on trouve dans les textes de Char écrits après la guerre. Elle est toutefois dans la continuité des dénonciations du machiavélisme des organisations politiques dans les textes de presse et dans Recherche de la base et du sommet. Char revient souvent en effet sur la subordination des moyens aux fins, par laquelle le devenir d’une action politique se dénature. C’est le sens de sa mise au point sur le communisme dans sa lettre plus tardive à Georges Mounin : le communisme, « s’il est juste à sa racine, est faux à son sommet, par le mouvement naturel de la dialectique » 594 . En s’adressant dans le texte liminaire des « Transparents » aux « camarades poètes », Char reprend à dessein le vocabulaire communiste pour en affirmer le sens premier, contre le sens dévoyé par l’évolution du parti et de sa politique. Le parti communiste est en effet, pour Char, aussi « policier » que l’État qu’il dénonce. Dans cet hommage aux vagabonds, il rappelle la liberté originelle que réclamait le communisme et il l’oppose implicitement à ce qu’elle est devenue. Mais Char dénonce aussi dans ce texte le danger totalitaire de tout État et ne vise pas seulement les dogmes de « l’Église communiste ». Comme il l’écrira en 1952, dans son entretien avec Pierre Berger 595  : « Nous nous sommes crus, en 1945, sortis de l’esprit totalitaire… Souvenons-nous que ce cancer, sous le nom de fascisme, a commencé par dévorer une nation, puis une autre. Il est maintenant tapi dans l’inconscient des hommes, en particulier de ceux qui s’en déclarent ses pires ennemis. […] » Face à ce danger, l’exigence primordiale de Char est celle d’une liberté, qui peut prendre, comme ici, la forme d’une revendication libertaire. Dans le texte liminaire de la préoriginale des « Transparents », il faut donc entendre aussi une condamnation de la société et de la politique de l’époque comme persistance d’une forme déguisée d’esprit totalitaire.

Le texte liminaire de la version de 1950, dans Les Matinaux, est moins explicitement politique. La référence à l’État a disparu. Restent deux éléments : la caractérisation des Transparents comme vagabonds, et leur progressive disparition. Le deuxième élément contient la critique implicite d’une société devenue incapable de tolérer ces figures de liberté. Le premier exemplifie la liberté comme mouvement répété de départ. Sur ce point, la figure des Transparents offre de nombreuses analogies avec celle du poète. On verra alors que ce poème témoigne aussi d’une prise de position quant à la place et à la fonction de la poésie « de nos jours ».

Dans la deuxième partie de La Sieste blanche, la critique de l’époque ne passe plus par une représentation de l’opposition mais s’inscrit directement dans l’énonciation des poèmes. Le ton n’est plus le même. Il se rapproche de celui du texte liminaire de la préoriginale des « Transparents ». Le destinataire, pris à partie, est impliqué dans la condamnation d’une situation contemporaine du présent de l’énonciation.

Au sein de La Sieste blanche un groupe de poèmes correspond plus particulièrement à cette forme d’allocution directe. De « Conseil de la sentinelle » à « La vérité vous rendra libres », la plupart des poèmes, par leur tour injonctif et leurs locutions exclamatives, désignent un espace d’indignation et de révolte commun aux coénonciateurs. « Conseil de la sentinelle » se présente comme une liste de vocatifs s’achevant sur cet impératif mi-ironique, mi-sérieux : « Désertez ! Désertez ! » Ironique, en raison du caractère hyperbolique du verbe « déserter » et de sa répétition. Mais la familiarité des scènes suggérées dans les vers précédents ancre cette injonction dans une vraisemblance. En effet, des syntagmes comme « Fruit qui jaillissez du couteau », « Amants qu’on veut désassembler », « Femme qui portez tablier » ou encore « Ongle qui grattez la muraille », renvoient par métonymie à un univers quotidien. Dès lors, ce « conseil de la sentinelle », s’adressant, d’un point de vue grammatical, à cette liste de noms placés en position de vocatif, s’adresse aussi, d’un point de vue énonciatif, à l’ensemble des destinataires qui peuvent se reconnaître dans cette série de scènes quotidiennes. Du même coup, le poème dénonce le danger qui pèse sur cet univers dont les membres sont appelés à « déserter ». Implicitement, la dénonciation vise la menace de disparition que ce monde, comme celui des « Transparents », doit endurer. Or cette menace est imputable à une forme de violence, que le lexique du poème laisse percevoir : « couteau », « tenailles », « désassembler », « murailles ». Le verbe « déserter » lui-même connote un état de siège ou plus généralement de conflit armé. Cet ensemble de traits lexicaux et énonciatifs apparente le poème à un « placard », et l’inscrit dans un univers de référence caractérisé par la poursuite d’une violence de temps de guerre, qui se tournerait non pas contre un ennemi, mais contre les citoyens eux-mêmes de cet univers quotidien.

Les autres poèmes de ce cycle central de La Sieste blanche maintiennent la forme de l’allocution, tout en décrivant des univers qui sont porteurs d’une dénonciation indirecte. Tantôt l’univers dénoncé prend la forme d’un tableau, d’une figuration au second degré ; tantôt c’est la description d’un univers idéal qui fait voir par un contraste implicite les manques du monde auquel s’oppose le poème.

« La vérité vous rendra libres » appartient au premier groupe de poèmes. Il tient ensemble l’allocution directe et la représentation. Le titre, singulier par sa forme de proposition, est une adresse à un « vous » interpellé directement. En raison de son thème (la liberté), cet énoncé ressemble à celui d’un tract ou d’un slogan qui s’inscrirait dans l’espace public en temps de guerre. À l’opposé de cette forme énonciative, le corps du poème s’adresse non à un allocutaire collectif impliquant un contexte politique, mais à un « tu » proche de ce destinataire, femme ou poésie, dont les poèmes font leur coénonciateur le plus fréquent. Autour de sa figure, le poème déploie un univers mis sous les yeux du lecteur par l’anaphore du démonstratif :

‘Tu es lampe, tu es nuit ;
Cette lucarne est pour ton regard,
Cette planche pour ta fatigue,
Ce peu d’eau pour ta soif, […]’

Ces indices textuels rapprochent le poème de la description d’une scène qui pourrait être celle d’un tableau. On songe au « Prisonnier » de Georges de La Tour, à la « clarté » de la bougie, à la femme dont les paroles « met[tent] au monde » ou encore « donnent naissance », selon les termes du feuillet 178 qui décrit ce tableau : « Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore. » La description du cachot dans le poème de La Sieste blanche s’éclaire de cette image d’une parole libératrice prononcée au cœur de l’enfermement. La femme, « détenue », « Mariée », rend libre ; et parce que sa parole côtoie les valeurs de « vérité », d’« inespéré » qui sont celles de la poésie dans les textes de Char de l’époque, elle incarne, aussi bien, la force libératrice de la parole poétique. Par son écho avec le feuillet 178, ce poème suggère une continuité de la situation du temps de guerre, il dénonce la même privation de liberté, et une même attente dans l’aide que peut apporter la poésie, « constamment aux prises, elle, avec l’imposture » (Bandeau).

Dans un deuxième groupe de poèmes, il faudrait placer « Qu’il vive ! » et « Cet amour à tous retiré ». Ils ont en commun de décrire un univers qui tire sa valeur de son opposition à un aujourd’hui décevant. Le premier le fait sur le mode de l’utopie, au sens d’idéal politique, le second cherche son contre-modèle dans le passé. On verra quelle fonction de la poésie présuppose cette écriture contre, contre-modèle ou « contre-sépulcre » comme la nomme l’épigraphe de « Qu’il vive ! » Notons seulement à présent les éléments sur lesquels porte la critique que sous-tend cette écriture d’opposition. Le premier élément est affaire de relation au temps. Sous une forme métaphorique, celle du « printemps » et des « fruits » de l’arbre, Char reprend ici la dénonciation d’un idéal dont l’accomplissement est repoussé dans un avenir indéfini : « Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. » Dans son entretien avec Pierre Berger, Char dira, au sujet de l’idéal de bonheur proposé par le communisme : « On a coutume pour nous tenter, d’allonger l’ombre claire d’un grand idéal devant nous. Pourtant, l’âge d’or promis ne pourrait l’être que dans le présent. La perspective d’un paradis a bouffé l’homme ! » 596 Conjointement dénoncés, l’idéal communiste et le paradis chrétien laissent dans le poème la trace du rejet qu’ils suscitent. « Qu’il vive ! » comporte aussi une dimension éthique par la description qu’il fait des relations entre les êtres : « Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému », « Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. » De ce pays, le mal qui détruit est aboli : « Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée. » À quoi s’ajoute le refus d’une justification de l’existence par ses résultats ou par sa perpétuation : « Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n’avoir pas de fruits. » La description de ce pays idéal est assez complète, par l’ensemble des dimensions de l’existence et de la vie en société qu’elle aborde, mais elle est aussi de forme essentiellement négative : chaque alinéa énonce, explicitement ou implicitement, ce que n’est pas ce pays idéal, et fait le portrait en creux du pays bien réel auquel il s’oppose.

De même, la description de « Cet amour à tous retiré » se fait tout entière au passé, et présuppose la disparition de cet espace présenté comme idéal. L’imparfait n’y a pas la même valeur que dans « Les premiers instants » (La Fontaine narrative), où l’on a vu la force de présence que ce temps est capable de provoquer. C’est que, dans ce poème de La Sieste blanche, les dernières strophes au présent indiquent leur situation d’énonciation et rejettent dans un passé révolu les strophes précédentes. Au contraire, dans « Les premiers instants », aucun présent d’énonciation ne venait marquer l’écart avec l’imparfait. Par sa construction en deux parties, « Cet amour à tous retiré » fait de la description du début un idéal disparu. Son univers est caractérisé par le lien qui unit entre eux les êtres et les choses, la « foudre » et le « ruisseau », la « vigne » et « l’abeille ». C’est un lieu dont l’homme n’est pas absent ; celui-ci s’insère sans solution de continuité dans l’harmonie de l’ensemble. Comme dans « Qu’il vive ! », une éthique se glisse dans « un grêle devoir d’amitié ». Et, ce qui est le plus important, la violence et la mort, intégrées à cet univers, possèdent une place semblable à celle d’un élément naturel : « La violence était magique, / L’homme quelquefois mourait, / Mais à l’instant de l’agonie, / Un trait d’ambre scellait ses yeux. » Comme le mal, qui est « utile » selon Char lorsqu’il n’est pas absolu, la violence et la mort ont leur place dans ce monde.

Enfin, la dénonciation du mal ne se limite pas à un état présent de la société, désigné indirectement par un contre-modèle idéal, mais se généralise avec le poème « Le Permissionnaire ». Ici encore, une énonciation directe implique simultanément l’énonciateur et son destinataire, dans les deux derniers vers : « Ah ! s’il pouvait nous confier/ Qu’il est le valet de la Mort. » Mais le Mal, figuré sous les traits de « l’ogre », est étendu à l’ensemble de la condition humaine :

‘L’ogre qui est partout :
Sur le visage qu’on attend
Et dans le languir qu’on en a,
Dans la migration des oiseaux,
Sous leur feinte tranquillité ;
L’ogre qui sert chacun de nous
Et n’est jamais remercié,
Dans la maison qu’on s’est construite
Malgré la migraine du vent ;
L’ogre couvert et chimérique ; […]’

Ce poème opère le passage de la dénonciation d’un mal situé historiquement à la suggestion d’un mal intrinsèque à l’être humain. Cette évolution fait écho à celle que laissent percevoir les textes critiques d’après-guerre. Mais en même temps, comme dans ces textes, Char ne revient pas à une tradition de moraliste dénonçant la nature humaine. Il invite à envisager ce mal selon une temporalité dynamique. Le souhait final (« Ah ! S’il pouvait nous confier/ Qu’il est le valet de la Mort ») est un potentiel, qui présente l’avenir comme incertain. Il est important en effet que la présence du mal ne soit pas admise une fois pour toute. L’examen des manuscrits montre, sur une première version 597 , la présence significative de deux vers, ensuite supprimés :

‘Ah ! s’il <pouvait→ peut> nous confier
Qu’il est le valet de la Mort [,
L’angoisse <se résignerait→ se résigne>.
Mais le désert <s’établirait→ s’établit>.]’

Dans cette version du poème, la reconnaissance du mal entraîne la fin de l’angoisse. Mais en même temps, reconnaître l’omniprésence du mal et l’accepter (« se résign[er] ») entraîne la fin du mouvement de la vie, l’installation du « désert ». Le risque de la certitude du mal est de conduire à la résignation, alors que le doute, lui, permet de continuer le mouvement en avant. La version finalement retenue pour ce poème, « Ah ! S’il pouvait nous confier/ Qu’il est le valet de la Mort », maintient l’incertitude, et garde l’avenir ouvert.

Ces deux derniers vers du manuscrit font écho à une exigence politique. « L’angoisse » et « le désert » sont en effet précisément les termes mis en relation dans une critique que Char formule dans un entretien de 1950 598 , contre la volonté de tout simplifier à son époque et le refus de la diversité : « Mais ces antagonismes que l’homme vraiment libre perçoit sont inévitables ; ils sont une condition nécessaire de la Vie. Aux yeux du poète ils deviennent une tragédie lucide. Sans eux la vie ne serait que mer morte : le désert s’installerait partout. » Et un peu plus loin, au sujet de « l’idéologue» et de son « trafic d’arguments destiné à s’arroger les esprits », selon les termes du journaliste, Char répond : « Ceux qui croient fuir ainsi l’angoisse du doute en feront les frais terribles. » Reconnaître la présence du mal en l’homme, mais sans en conclure à une attitude de résignation, ne pas « fuir l’angoisse du doute », c’est le moyen de maintenir la « diversité », la complexité des antagonismes, leur vertu productive. On voit bien la position qu’essaie de tenir Char ici. Il s’agit de ne pas céder à l’optimisme forcené des « idéologues », optimisme déjà dénoncé dans « Faut-il brûler Kafka ? », mais de ne pas céder non plus à un pessimisme qui risque d’inhiber l’action, lorsqu’on reconnaît l’existence du mal en l’homme, de ce « cancer […] tapi dans l’inconscient des hommes » et non limité à la période fasciste. Car ce serait alors procéder à la même simplification dangereuse et « satanique », à la même certitude débarrassée du « doute », que celle à laquelle ces idéologues, « directeurs de l’époque », conduisent les hommes. 599 Reconnaître au contraire l’existence du mal, tout en conservant la possibilité d’incertitudes et d’antagonismes afin d’éviter « l’installa[tion] » du « désert », maintenir ainsi le mouvement en avant : voilà l’alchimie du poète, qui dénonce une époque, refuse l’idéologie de l’histoire et cherche le moyen d’ouvrir l’avenir.

Ainsi, en dépit de son apparente légèreté, de son appartenance à un genre mineur, revendiquée dans la « Mise en garde » (« pièces presque banales »), La Sieste blanche est un recueil politique. Mais les attaques contre l’époque n’y ont pas le ton de dérision et la forme pamphlétaire des allusions de la période surréaliste. En comparaison de Fureur et mystère, l’énonciation est à la fois plus proche de l’interpellation et médiatisée par son appartenance générique. L’embrayage du discours est impliqué par les préfaces ou les autres paratextes qui construisent la « scène d’énonciation » (Maingueneau) du recueil, embrayage relayé dans les poèmes eux-mêmes par la présence d’un allocutaire. Mais La Sieste blanche se réfère aussi au genre de la chanson, au monde de la fable, à la construction d’un pays simplifié, parfois idéalisé, qui met de la distance entre l’univers de l’allocutaire et le poème. C’est essentiellement par ce détour que La Sieste blanche est un recueil situé contre son époque.

Il faut ici faire une place à L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil. Non seulement la pièce est intégrée à la première édition des Matinaux, mais sa relation à l’époque passe par des procédés proches de ceux de La Sieste blanche, et les amplifie. D’une part, en effet, l’argument oppose un individu, « l’homme qui marchait dans un rayon de soleil », à une double collectivité, celle des « passants » et celle des « jurés ». D’autre part, tout en étant distincte de l’allocution journalistique ou paratextuelle, l’énonciation de la pièce se caractérise par une démultiplication d’instances, en particulier par son adresse au public.

Comme dans La Conjuration, que Char lui-même rapprochait de L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil 600 , le drame se construit sur une opposition. Celle-ci est toutefois dédoublée ici, entre l’individuel et le collectif, l’homme et les jurés, d’un côté, entre l’homme et la jeune fille, la lumière et l’ombre, d’un autre côté. Le dispositif singulier de la pièce consiste en effet, en un premier temps, à montrer une action, dont le personnage principal est « l’homme qui marchait dans un rayon de soleil », sous les yeux d’un groupe de personnages, formant un jury, appelé à juger cette action au moment où elle se produit. Le personnage du « Grand Audiencier », qui n’existe pas dans la préoriginale des Temps modernes et n’apparaît que dans la version des Matinaux, insiste sur la particularité de la situation : « Messieurs, Mesdames, la vertu de votre originalité réside dans ce fait : vous jugez ici en toute connaissance subjective de cause. Appréciez l’admirable simultanéité… Vous connaîtrez l’acte grâce à l’homme ! Un acte entre vifs ! » 601 La situation de procès met d’abord en question la possibilité pour une collectivité de juger l’action d’un individu. La simultanéité de l’action et de son observation permet de faire l’économie de la reconstitution des faits. Il s’agit, pour ainsi dire, d’une situation idéale de jugement. Or la première évidence que dégage la pièce est celle de l’iniquité de ce jugement. L’observation directe de l’action ne suffit pas à sa compréhension. Tel est le sens de l’intervention du « juré rebelle » 602 , qui se lève au moment de la condamnation du protagoniste et de la jeune fille : « Solitude… Solitude toujours condamnée… Solitude toujours incomprise… ». Ainsi les jurés sont-ils renvoyés à la singularité de leur propre point de vue ; leur nombre, leur vision non parcellaire de l’action n’est pas une garantie de justice. « Par principe, je condamne ce qui n’est pas clair. Je suis loyal », s’exclame le douzième juré, tandis que le dixième avoue : « Je ne comprends goutte à tant d’étrangeté… » Ce que les jurés expriment collectivement, ce n’est encore qu’une opinion les renvoyant à eux-mêmes : ils jugent « en toute connaissance subjective de cause ».

L’horizon de compréhension de chacun étant ainsi borné, l’action semble devoir échapper au jugement de justice. « J’eus peur simplement de me tromper », avait écrit Char peu de temps avant, au sujet des procès de la Libération, dans le quatrième Billet à Francis Curel. L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil s’inscrit dans ce contexte d’après-guerre, et la question du jugement que soulève la pièce ne peut manquer de faire songer aux interrogations de Char sur l’épuration. Son « refus de siéger à la cour de justice », formulé dans le même Billet, se fonde précisément sur l’idée que l’action n’est jamais imputable dans sa totalité à une responsabilité : « L’action, ses préliminaires et ses conséquences, m’avaient appris que l’innocence peut affleurer mystérieusement presque partout : l’innocence abusée, l’innocence par définition ignorante. Je ne donne pas ces dispositions pour exemplaires. J’eus peur simplement de me tromper. » Ce qui n’implique pas pour autant de renoncer à agir contre les « criminels » avérés. Char fait une place à part pour les crimes commis au nom de la « terreur » et de « l’application du Nada » : ils ne sont pas proportionnés à l’idée même de châtiment, à la possibilité de peser les responsabilités. Une note du Billet à Francis Curel concernant le procès de Nuremberg explique cette position : « L’étendue du crime rend le crime impensable, mais sa science saisissable. L’évaluer c’est admettre l’hypothèse de l’irresponsabilité du criminel. Or, tout homme, fortuitement ou non, peut être pendu. Cette égalité est intolérable. »

Si les jurés du procès de L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil ne sont pas réellement en mesure de juger l’action du protagoniste, ce que le verdict exprime alors, c’est l’opposition de la société à un individu, que tout met à part. Cette longue épithète, « qui marchait dans un rayon de soleil », le singularise, tout comme le caractère exceptionnel de son sort, de son univers, dans lequel il ne pleut jamais, ce qui crée de l’irritation parmi les jurés. Le premier juré s’emporte : « C’est invraisemblable ! Lorsqu’il pleut, il pleut pour tout le monde… » Plusieurs répliques traduisent ainsi l’origine politique et sociale, la fonction de contrôle et de pouvoir que revêt le jugement des jurés. La volonté de domination et la haine qui motivent le jury de cette cour sont exprimées sans détours dans cette image : « L’apprenti sorcier sous notre talon, tel un chien écrasé ! Louée soit notre justice ! » L’intolérance est le ressort final de la condamnation, prononcée en raison de l’« anomalie » que représente la seule existence de l’homme qui marchait dans un rayon de soleil : « Contre ce baladin dont l’existence est une provocation, une anomalie obscène, un étalement sinistre, je réclame le maximum… »

Avec ce verdict, le jury accomplit sa tâche de « répression », annoncée dès le début de la pièce dans le discours du Grand Audiencier : « Messieurs, Mesdames, le monde que vous administrez, en dépit de votre sagesse, est étranglé et saigné par les contradictions. Votre répression lui est nécessaire au même titre que la viande et le pain. » La nature de l’action y est elle-même qualifiée de criminelle, avant même le jugement : « […] un délit va se commettre devant vos yeux sur la gravité duquel vous aurez à vous prononcer », et quelques phrases plus loin : « Vous êtes aujourd’hui, dans une localité où le crime, la turpitude, le manquement, pour le châtiment ou l’absolution duquel vous êtes réunis, va se produire. » Le juré semble bien être l’instrument de cet « État moderne, ce mendiant colosse », avec ses « exigences sociales, politiques et policières », dénoncées dans la préface de la préoriginale des Transparents. L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil montre le conflit de la cité et de l’individu, quand ce dernier, par sa singularité, met en péril l’uniformité sociale. La pièce possède de ce point de vue une indéniable dimension politique, aussi bien par son thème que par sa fonction de dénonciation et de révélation. Comme Le Soleil des eaux, L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil, dont il n’est pas anodin que la préoriginale ait été publiée dans Les Temps modernes, semble bien assumer cette « fonction sociale » réclamée par Sartre pour la littérature dans la Présentation de sa revue. 603

La version de la pièce dans Les Matinaux propose des ajouts qui, certes, accentuent l’opposition entre les jurés et les protagonistes de l’action, mais donnent aussi aux spectateurs un statut complexe, tout en introduisant une réflexion sur la place du poète. On a vu, avec Le Soleil des eaux, la prise de conscience que Char attendait de la représentation théâtrale ou cinématographique. Avec L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil, l’enjeu s’est légèrement déplacé. La préface atténue d’abord l’appartenance du texte au genre dramatique et la dimension sociale qu’elle implique : « Dans le volume d’une tête, qu’on appellerait pour la circonstance théâtre, peut se jouer le drame de l’Homme qui marchait dans un rayon de soleil. » De la caractérisation comme « mimodrame » à la suite du titre, on est passé à « Sédition en un acte » : la référence au théâtre est toujours présente mais vient après la mention de la révolte. La préface remet aussi en question la complétude d’une intrigue propre à l’argument théâtral classique : « Le thème de l’œuvre ne parviendra probablement pas jusqu’à son lointain dénouement, ou plutôt, il bifurquera, sollicité par quelque urgence sur laquelle personne n’avait compté… » L’image d’une « bifurcation » vient faire contrepoids à l’idée d’une fin déterminée d’avance. On y reconnaît le refus de Char devant l’assignation d’un but à l’existence humaine, son geste d’ouverture des possibles, la nécessité de reconnaître un « terme épars ». Rougeur des Matinaux affirme par exemple : « […] ouvrir dans l’aile de la route, de ce qui en tient lieu, d’insatiables randonnées, c’est la tâche des Matinaux » (VIII). Et la préface de l’Homme qui marchait dans un rayon de soleil prend soin de souligner la présence à l’ouverture du rideau d’un « imminent inconnu (dans le pressentiment de certains) ».

Parallèlement, cette version de la pièce propose pour les spectateurs une place singulière, annoncée par le Grand Audiencier dans le prologue. La position des jurés, placés en observateurs de l’action qui se déroule devant eux, redouble la situation des spectateurs de la pièce, mais d’une manière qui s’oppose à eux. Le parallèle entre les uns et les autres est proposé à deux reprises, dans le prologue, et par l’un des jurés. Au cours de l’action, le deuxième juré, « tourné vers le public », interroge : « Pourquoi le public ne proteste-t-il pas ? » À quoi le premier juré, « désapprobateur », réplique : « Le public n’est pas le jury. S’il protestait, nous exigerions qu’on évacue la salle. » Dans le prologue, le Grand Audiencier, s’adressant aux jurés, a distingué l’assemblée qu’ils forment, de l’autre assemblée, celle des spectateurs :

‘[…] Ne prenez pas trop vif souci de quelque rumeur qui viendrait à s’élever dans votre dos. (Il montre de l’index le public dans la nuit de la salle.) Là se tiennent les complices sentimentaux, les amis inconnus de celui que votre verdict, tout à l’heure, affectera. Rien ne les émeut tant que la réalité que menace la fiction. Leur âme est attachée à une justice particulière ennemie de la vôtre. Ils exultent quand vous ou moi sommes abusés ! Pour eux, vous ne serez jamais que des garde-frontières dont ils souhaitent la disparition. Au cours du temps, ils se sont bien élancés quelquefois pour franchir l’accès que vous interdisez… Mais ils ne sont pas persévérants. Les larmes ou l’ennui ont finalement raison de leur vocation.’

La pièce inscrit ici en elle une image explicite des spectateurs, et les place en relation d’opposition avec le jury. Ce discours liminaire insiste sur leur connivence avec le protagoniste de l’action. Aussi la pièce ne fonctionne-t-elle pas exactement comme un miroir qui renverrait aux spectateurs une image satirique d’eux-mêmes par l’intermédiaire des jurés. La relation est plus complexe. Les spectateurs sont eux-mêmes placés du côté de la singularité, celle qui s’oppose à la société incarnée par les jurés. D’après l’image qu’elle donne des spectateurs, la pièce ne s’adresse pas à ces derniers comme à une communauté politique et sociale. Ils sont à part : « leur âme » est « attachée à une justice particulière ».

En s’adressant, dans le prologue, à une catégorie de spectateurs « particulière », placée du côté du « baladin », de son existence anormale, la pièce est, à un autre niveau énonciatif, une incitation pour le spectateur réel à s’identifier à ce public, et à condamner les jurés discrédités par la plupart de leurs répliques. Ce portrait du public, donné par le Grand Audiencier, est en fin de compte politique. En condamnant l’incompréhension du jury, la pièce condamne une société qui refuse toute singularité, et elle donne à cette dénonciation le relais d’une connivence établie avec les spectateurs, invités par le prologue à prendre parti en faveur de l’homme qui marchait dans un rayon de soleil. La pièce peut ainsi se comprendre comme un appel lancé aux spectateurs, avec l’espoir qu’ils comprendront cette « Beauté » que l’homme et la jeune fille ont manifestée dans la rencontre qui fait le scénario de « l’Action ».

Or cette « Beauté » invoquée par le juré rebelle à la fin de la pièce n’est pas étrangère à l’objet de la poésie elle-même, à la Beauté à laquelle « toute la place » est faite dans le dernier des Feuillets d’Hypnos. Le désir de l’homme qui marchait dans un rayon de soleil pour la jeune fille est désir pour « la part attractive, toujours aimée en vain, de la solitude, la grande Passante sans gage » que décrit le Récitant. Il est proche de cette tentation de « l’impossible » évoquée dans « Madeleine qui veillait ». C’est un désir qui l’« arrach[e] à lui-même » et dans « un effort d’une violence extrême » lui fait accepter le risque de la mort. Comme « l’homme à la peau de miroir », dans la strophe IV de La Conjuration, l’homme qui marchait dans un rayon de soleil, avant de s’abattre à terre, mime une « danse des pouvoirs impossibles, du pouvoir élu de l’amour », « un adieu aux formes à jamais fixées dont un plaisir permanent se détourne », « une quête du vertige » (La Conjuration). L’Homme qui marchait dans un rayon de soleil donne à voir, comme La Conjuration, l’opposition de la lumière, celle du « rayon de soleil », à l’obscurité, « cercle sombre » tracé par la jeune fille, et leur « antinomie insoluble ». La tentative de l’homme évoque, dans le même recueil des Matinaux, le « risque » nommé dans le poème « Grège » (Le Consentement tacite), son « grand emportement contre un ordre avantageux pour en faire jaillir un amour », sa tentative pour « se jeter dans l’irréalisable de la Fête », avant « le retour à la mort », en des termes qui évoquent « l’extrême du possible », auquel la poésie peut être, bien que contradictoirement, une voie d’accès selon Georges Bataille 604 .

D’autre part, à l’écart du drame mais à côté de lui, le maçon, qui est aussi le Récitant, continue son travail : « (Sereinement, il bâtit et améliore.) » Char a pu confier à ses interlocuteurs qu’il se reconnaissait dans la figure de ce maçon 605 . Le poète serait alors celui qui témoigne du drame, qui ne résout pas l’antinomie, mais « bâtit » à côté d’elle. Le poète est à côté, du « pays d’à côté », comme Char l’écrira un peu plus tard, dans « Pourquoi la journée vole » (Poèmes des deux années). Il n’appartient pas à une communauté déterminée :

‘Le poète s’appuie, durant le temps de sa vie, à quelque arbre, ou mer, ou talus, ou nuage d’une certaine teinte, un moment si la circonstance le veut. Il n’est pas soudé à l’égarement d’autrui. Son amour, son saisir, son bonheur ont leur équivalent dans tous les lieux où il n’est jamais allé, où jamais il n’ira, chez les étrangers qu’il ne connaîtra pas.’

Notes
591.

La formule se trouve dans l’entretien avec Pierre Berger : « À l’instant que nous vivons – et je pense surtout à ceux qui vivent dans cette hypnose toute particulière que répand le climat de notre époque – […] », in Pierre Berger, « Conversation avec René Char », La Gazette des Lettres, 15 juin 1952, n°21, pp. 8-14.

592.

C’est cette contradiction que notait Georges Bataille dans un article de 1949 consacré à Fête des arbres et du chasseur et au Soleil des eaux : « Je suis frappé de l’opposition entre une apparente exigence de la poésie, qui sépare le poète du mouvement ordinaire de la vie, et une force contraire qui l’y mêle plus violemment que d’autres hommes. », in « L’œuvre théâtrale de René Char », Critique, n°40, septembre 1949, repris dans Georges Bataille, Œuvres complètes, vol. XI, Paris, Gallimard, 1988, p. 529-531.

593.

Cette préoriginale est citée dans la section des « Notes » de l’édition des Œuvres complètes, op. cit., p. 1373.

594.

Lettre à Louis Leboucher, 20 mai 1954, BLJD, Fonds René Char 881, Ae-IV-7bis.

595.

Pierre Berger, art. cit., p. 10.

596.

Pierre Berger, ibid.

597.

BLJD, Fonds René Char 722, Ae-IV-13.

598.

Jacques Charpier, « Une matinée avec René Char », Combat, 16 février 1950, p. 4. L’entretien est publié à l’occasion de la parution des Matinaux, annoncée dans la même page.

599.

Ibid.

600.

Voir les entretiens avec Jean-Jacques Jully, dossier manuscrit déposé à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet sous la cote Ms Ms 42 341.

601.

Nous citons la pièce dans la version de l’édition originale des Matinaux (Paris, Gallimard, 1950) qui comporte quelques variantes, peu nombreuses, par rapport à celle des Œuvres complètes. La version pour Les Temps modernes (n°41, mars 1949) en revanche diffère sensiblement des deux autres. Le texte est à peu près le même mais sa prise en charge énonciative y est beaucoup moins complexe : l’action n’est pas présentée dans le prologue par le grand Audiencier, et n’est pas racontée par le personnage à l’écart de la scène, le maçon.

602.

Ce personnage apparaît dans la liste qui ouvre la pièce dans l’édition des Matinaux de 1950, p. 115.

603.

Présentation des « Temps modernes », repris in Situations II, Paris, Gallimard, 1948, p. 16.

604.

Cette notion est au cœur de L’Expérience intérieure, que Char a lu pendant la guerre. La proximité de pensée entre Char et Bataille a été développée par Paule Plouvier dans son article « La souveraineté », in Char dix ans après, op. cit., pp. 85-98.

605.

Voir les entretiens avec Jean-Jacques Jully, loc. cit.