1. PROBLEMATIQUE

L’objet de notre étude consiste à fournir des éléments de réponses sur les raisons du fort intérêt des populations africaines à détenir 49 un téléphone mobile et d’analyser son processus de diffusion en tant qu’innovation technique dans la société africaine.

Il nous importera donc de creuser dans cette diffusion du téléphone portable, pour mettre en lumière les différents usages qui en découlent, afin de mesurer son impact social : notamment sa capacité à créer des liens. Ou, cas inverse, celle à couper le cordon ombilical entre les individus, c’est-à-dire à désintégrer la société.

L’une des questions fondamentales autour de laquelle s’articule notre recherche peut être formulée comme suit : le téléphone mobile, aujourd’hui moyen de communication prisé en Afrique, est-il un simple instrument de revalorisation sociale, un moyen de reconstruction de liens sociaux ou peut-il aussi contribuer au développement ? Il importe donc ici de soupeser les facteurs positifs du téléphone mobile et d’y voir in fine (s’il y a lieu), leur contribution au développement. La question des apports des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication dans le développement est donc soulevée.

Mais il n’y a pas que cela, notre problématique nous conduit aussi à nous poser un certain nombre d’autres questions dont voici les plus saillantes :

  1. Pourquoi une telle euphorie pour le téléphone mobile en Afrique ?
  2. À quel type de manque répond cette innovation ? Quand on sait que toute innovation technique vient généralement pallier les carences de la technologie qui la précède ! Pourrait-on dire dans le cas d’espèce, que la téléphonie mobile en Afrique est un palliatif à l’insuffisance en lignes téléphoniques filaires ?
  3. Y a-t-il un modèle autonome de développement du téléphone mobile à l’africaine, ou un certain mimétisme de l’Occident ?
  4. Les Africains disposant traditionnellement de moyens de communication qui leurs sont propres, par quoi ces moyens auraient-ils été supplantés ? Et, de quelle manière la téléphonie mobile prend-elle le relais de ces moyens de communication dits traditionnels ?
  5. Comme nous nous intéressons aux modes d’acquisition des téléphones mobiles, il nous importera de nous interroger sur la manière avec laquelle les usagers procèdent, loin des grandes firmes de fabrication, et parfois avec des revenus ne pouvant pas supporter le coût d’un sac de rizLe coût d’un téléphone portable au Gabon dépasse de six fois celui d’un sac de riz de 50 Kg qui s’élève à 25 000 Fcfa soit environs 39 euros. de 50 kg nécessaire à l’alimentation d’une famille, pour s’acheter un téléphone cellulaire ?

Par la même occasion, il conviendra de recenser les différents circuits de distribution pour en élucider les modes d’opération. Car pensons-nous, ce n’est qu’à partir de cela que nous espérons pouvoir nous déterminer sur l’existence ou non d’une réglementation dans ce commerce.

Pour mieux appréhender le trafic, il sera nécessaire (dans la mesure du possible) de comptabiliser le nombre de téléphones en circulation. Ce, non seulement pour en saisir la portée en termes de flux de communication, mais aussi en ce qui est des bénéfices engrangés par les différents opérateurs de téléphonie. Une fois tout cela vérifié, il conviendra de voir de quelle façon se concrétise le contrôle de tous ces circuits commerciaux. Ce sera donc l’occasion de nous rendre compte de la maîtrise ou non de l’état de cet ensemble de flux commerciaux.

De cette ruée vers le mobile, deux questions seront au cœur de notre problématique : celle de savoir quels sont les principaux utilisateurs du téléphone mobile, et pour quels usages ?

Dans cette perspective, deux modes d’opération guideront notre approche : il conviendra de distinguer d’une part, ce qui relève de l’usage professionnel c’est-à-dire, -dans le cadre du travail, et d’autre part, ce qui relève de - l’usage personnel (usage privé).

Avec un intérêt particulier pour l’usage professionnel du portable, usage qui pour nous, a un lien de cause à effet avec le développement économique. Le nœud du problème ici étant la question de la place de la structuration d’un espace public d’information et de communication dans le processus de développement.

C’est dans cette perspective que nous nous attellerons à analyser les éventuels liens existants entre les NTIC et le développement. Cela, dans le but de comprendre si cet usage massif du téléphone mobile porte les germes d’une marche vers le développement 51 . En clair, il s’agit de vérifier si cet engouement constaté dans l’usage du téléphone portable peut contribuer au développement d’un pays comme le Gabon ? Au quel cas, la technologie du mobile serait considérée comme une clef du développement.

Enfin, partant du postulat selon lequel la manière dont la technique s’insère dans la société est souvent à l’origine d’une « construction sociale », il conviendra de voir si le téléphone mobile peut être considéré comme un élément de redéfinition des relations sociales. Avec à la clef, une éventuelle contribution à la consolidation des liens sociaux ? Notre problématique présentée, il convient maintenant de formuler quelques hypothèses.

Notes
49.

Dans certains cas et pour certaines personnes, détenir un mobile a même valeur que s’en servir.

51.

Comme c’était déjà le cas pour l’usage du téléphone fixe, dont le nombre total dans un pays pouvait servir de baromètre du niveau de développement.