3. METHODOLOGIE

Le cadre épistémologique de notre recherche étant axé sur la sociologie des usages, il convient de rappeler les grands courants qui gravitent autour de cette recherche. Nous en décelons deux. Le premier, de loin le plus répandu, a pour axe de recherche l'évaluation, au-delà de l'aspect statistique de la diffusion. Il étudie les effets des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur l'organisation et le changement social.

En clair, ce courant analyse la manière dont la technique influe sur le socioculturel, l'économique, et éventuellement le politique. Ce champ d'investigation peut dans une certaine mesure, être considéré comme une étude d'«impact.» C'est la démarche dans laquelle nous nous inscrivons dans le cadre de cette thèse.

La seconde approche quant à elle fait la critique de la première.

C'est d’une certaine manière la négation du déterminisme technologique dans la mesure où elle considère que ce ne sont pas les techniques qui conditionnent les modes de vie, mais bien l'inverse. Pour ce courant et ses penseurs, la société elle-même dans son fonctionnement fait le tri. Elle finit toujours par accepter, transformer ou rejeter les nouvelles technologies. Ses théoriciens vont d’ailleurs plus loin car ils procèdent même jusqu'à une schématisation de la manière dont les technologies rentrent dans les usages sociaux.

Pour dire un mot sur cette étude sur la manière dont les usages rentrent dans les habitudes sociales, il convient de retenir dans un premier temps que : les habitudes et les systèmes de valeurs sociaux sont répertoriés en vue de l'évaluation (dans un second temps) du «degré d'acceptation» dont pourra bénéficier l'innovation technologique. Alors que pour la précédente approche c'est «la technique qui modèle le changement social», ici c'est la reproduction des formes sociales qui conditionne le développement technologique.

Pour notre part, notre recherche ayant pour vocation de faire une évaluation multidirectionnelle des implications politiques, économiques et sociales du concept de communication de développement, elle se veut être une étude socio-économique de l’innovation technologique et aura pour cadre méthodologique l’analyse théorique et pratique des données sur les télécommunications en Afrique subsaharienne. À l'intersection des deux principaux courants sur la sociologie des usages, nous coupons la poire en deux et considérons qu'il n'y a ni déterminisme technologique intrinsèque, ni reproduction sociale totale.

Par contre, nous admettons que les NTIC produisent des usages, des représentations et des comportements sociaux.

Voilà pourquoi il conviendra de mettre un accent particulier sur la question des représentations. Car nous dit Herzlich (1969), travailler sur les représentations c’est observer comment cet ensemble de valeurs, de normes sociales et modèles culturels est pensé et vécu par des individus de notre société : étudier comment s’élabore, se structure, logiquement et psychologiquement, l’image de ces objets sociaux

En nous appuyant (méthodiquement) sur des analyses documentaires, et sur des observations personnelles, notre corpus sera constitué d’entretiens directifs et semi-directifs. Pour les besoins de l’analyse, il nous a paru nécessaire de procéder à une enquête qui a porté sur l’intensité de la communication, les principaux correspondants et les motifs des appels. Ce qui nous a permis d’avoir des renseignements sur les représentations des enquêtés, ainsi que sur la richesse de la diversité des usages du téléphone mobile au Gabon en particulier, et en Afrique en général.

Une analyse comparée des différents flux de communication : messages écrits ou SMS, messages téléphoniques sur répondeur, etc., nous aurait davantage aidé à éclairer notre lanterne en nous fournissant des renseignements sur les origines sociales des personnes qui communiquent. Cette variable évolue plus largement et explique une bonne partie des écarts de l’activité communicationnelle. Dans le but de bien appréhender le phénomène, nous nous sommes engagé à ouvrir « la boîte noire » du téléphone mobile en formulant un questionnaire cf. annexe, qui nous a servi de point d’appui pour notre entretien. Ce questionnaire qui a, de façon générale, été ciblé sur deux types de populations : les personnes ayant une activité professionnelle et ceux n’ayant pas d’activité professionnelle, a pour ambition de mettre à plat les caractéristiques des activités des utilisateurs du téléphone mobile telles qu’elles apparaissent depuis la dynamique des échanges de paroles, jusqu’à l’approche qu’ont les usagers de l’objet lui-même.

L’objectif ici étant d’appréhender les usages, selon qu’ils agissent dans le cadre strictement professionnel (appels utiles dans le cadre du travail), ou dans un cadre privé (communications banales).

À l’heure où le téléphone mobile devient un objet de plus en plus plurifonctionnel, enrichi d’applications diverses (SMS, wap, service météo, etc.), il nous a aussi paru intéressant de procéder à une étude contextuelle des acteurs de la communication de développement. Sachant que la théorie de la communication de développement est sollicitée et mise en pratique dans la gestion des transitions démocratiques notamment.