1.1 les télécommunications en afrique : des Progrès substantiels

Le secteur des télécommunications en Afrique s'est fortement développé. Même si la téléphonie classique qui a tissé sa toile en Afrique dans les années soixante-dix traîne depuis près de deux décennies une image déplorable (services insuffisants proposés par les opérateurs souvent inefficaces à des prix prohibitifs, etc.) il n'en demeure pas moins que l'arrivée de la téléphonie mobile au cours des années quatre vingt dix a été perçue comme une véritable « révolution technologique » en Afrique. Ce nouveau "concurrent" a, de l’avis des experts, donné un sérieux coup de vieux aux réseaux fixes du continent.

Pour ne citer que l’exemple de la Côte d’Ivoire 64 dont les données nous ont été disponibles, le réseau des télécommunications se caractérise (d’ailleurs comme au Gabon 65 ) par - la faiblesse de la télé densité téléphonique,- par des disparités importantes entre d’une part, Abidjan et l’intérieur du pays,- et d’autre part, entre les zones urbaines et rurales. Preuve des progrès observés dans le secteur des télécommunications, le taux de pénétration ou télédensité qui représente le nombre de téléphone pour 100 habitants était d’environ 2,5 % en 2001. Celui-ci est passé (Afrique subsaharienne) de 0,82% en 1990 à 5 % en 2002. Ce taux est estimé à 10% à l’horizon 2005 66 . Le téléphone mobile nous le verrons par ailleurs, porte tous les espoirs. Le nombre de portables est en hausse constante. L’Afrique est passée de 2 millions en 1998, 30 millions en fin 2001 et cent millions de téléphones portables sont prévus pour 2005 67 . S’agissant de la connectivité à Internet, en cinq ans l’Afrique est passée de 11 pays accédant à Internet à 53 en 2001 68 .

Le fait est indéniable, le secteur des télécommunications connaît des progrès substantiels en Afrique. Dans les zones rurales, grâce l'attrait des populations locales pour le téléphone mobile, la télédensité est passée de 0,1 % en 1995 à environ 0,7 % en 2002. Les prévisions de 2005 l’estiment à 1,5 %. Le taux de demandes satisfaites quant à lui était d’environ 40 % en 2001 et 2002. Les données sur la téléphonie en Côte d’Ivoire fournies par le tableau infra confirment d’ailleurs ce constat d’embellie.

Tableau n° 1 : Données sur les abonnés en Côte d’Ivoire
Année Abonnés cellulaires Abonnés fixe Population Pourcentage du taux de pénétration
1997 36005 142 322 15 292 000 1, 17
1998 91 212 171 001 15 854 000 1, 65
1999 257 134 219 283 16 377 182 2, 91 %
2000 (mai) 322 500 240 000 16 917 629 3, 32 %

Source : rapport sur l’Éducation et les TIC en Côte d’Ivoire réalisé par Georges Kadia, (g.kadia@softhome.net), juin 2003.

Sur la base des données fournies par le tableau ci-contre nous mesurons combien les pays africains ont accordé une priorité au secteur des télécommunications pour non seulement améliorer la pénétration rurale mais aussi pour assurer le trafic transafricain. Peut-être convient-il de rappeler que le coût d’un appel téléphonique transafricain est plus élevé qu'un appel d’un pays d’Afrique vers la France 69 . Et qu’il est plus facile, de Libreville, de joindre Paris que Yaoundé. Les progrès en cours si l’on en croit les experts, conduiront à terme à une modernisation et à l’extension du réseau des télécommunications.

En outre, s'il est vrai que l'expansion du téléphone cellulaire est plus remarquable 70 que celle du téléphone fixe dont beaucoup reste à faire pour satisfaire les besoins des populations rurales. Force est de constater que le réseau filaire n'est pas totalement en marge de cette dynamique observée dans le domaine des télécommunications.

Depuis dix ans en effet, les opérateurs africains ont procédé à l’installation de réseaux x.25 71 afin de répondre à la demande des multinationales voulant transférer des fichiers ou mettre en place des applications télématiques.

Parallèlement, à défaut d’une liaison complète à Internet, plusieurs autres réseaux ont été mis en place afin d’offrir l’accès au courrier électronique (E-mail). La connexion à ces réseaux transitait par l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique du Nord, ce qui induisait des coûts de communication très élevés. En conséquence, la plupart du temps, seule la communauté universitaire et scientifique avait accès au courrier électronique grâce à l’aide financière d’organisations et de réseaux internationaux, comme le réseau RIO 72 ou le réseau REFER 73 .

Si l’ensemble du continent semble touché par cette fièvre de modernisation des réseaux, cinq pays d'Afrique, à savoir  l'Île Maurice, l'Afrique du Sud, l'Égypte, la Tunisie et le Maroc ont selon l'Union Internationale des Télécommunications (U.I.T), le mieux tiré leur épingle du jeu en atteignant en 2002 74 une télédensité égale ou supérieure à 10%. Le champion du continent dans ce domaine (téléphonie fixe) étant l'île Maurice. Celui-ci a atteint un taux de couverture de 25%, suivi de l'Afrique du Sud, qui occupe la deuxième position avec 13%.

Le défi qui s’impose au continent africain dans le domaine technologique consiste, aux dires de certains experts, à moderniser les réseaux, à réaliser la convergence entre techniques des télécommunications et de l'information, en somme, à réduire ce qui est désormais convenu d'appeler « la fracture numérique». Si la connectivité ne couvre pas encore la totalité du continent, les progrès enregistrés ces cinq dernières années font apparaître des améliorations substantielles dans le domaine des télécommunications en Afrique. Ces progrès se mesurent au volume de l’expansion et de la modernisation des réseaux qui laissent apparaître notamment un accroissement de lignes principales de l'ordre de 10 % par an 75 . Les résultats sont assez éloquents. Vingt deux pays en 1999, contre huit en 1996, comptent plus de 10 lignes fixes pour 1000 habitants. Qu'en est-il alors du mobile ?

Après un démarrage tardif, la très forte croissance du marché africain du mobile suscite toujours bien des convoitises (Chéneau-Loquay 2001). Depuis son arrivée le mobile progresse de manière impressionnante. En 1990, une demi-douzaine de pays africains (Égypte, Gabon, Kenya, Tunisie, République Démocratique du Congo, Sénégal) étaient déjà dotés d'un réseau de téléphonie mobile. Le nombre d'abonnés sur l'ensemble du continent africain qui oscillait autour de 22 000 en 1990 dépassait les 11 millions en 2001 76 .

Sur l'ensemble de l'Afrique, le taux de croissance de ce secteur reste «l'un des plus élevés au monde, supérieur à 40 % 77 .» En réalité, même si les couches aisées de la population africaine furent les premières à s'équiper, le téléphone mobile s'est largement diffusé et continue de l'être.

Au Gabon si la détention d’un mobile suscite encore de l’admiration, être détenteur d’un téléphone portable ne fait plus mystère. Tout le monde ou presque peut en disposer, à condition soit, de « se serrer la ceinture » en économisant afin d'atteindre le prix 78 d'un téléphone, soit de solliciter l'aide d'un proche 79 .

En matière de développement du mobile, Telekom, l'opérateur public d'Afrique du Sud, est la première société de communication d'Afrique. Cela étant, près de la moitié des abonnés au téléphone mobile du continent est sud-africain. D'après l'UIT 80 , le nombre de lignes de téléphonie mobile a atteint 33 millions en 2002, contre 23 millions de lignes fixes. En 2000, le nombre de lignes fixes était déjà de 20 millions, contre 15 millions pour le cellulaire.

Un réseau panafricain de téléphonie mobile est, au regard de son expansion, en train de voir le jour : il s’appelle Celtel ! Créé il y a cinq ans par un ingénieur soudanais Mohamed Ibrahim 81 , cette société est présente en téléphonie dans treize pays africains au travers de ses filiales au Burkina, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée, Malawi, Niger, Ouganda, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad et Zambie.

La stratégie de Celtel si l’on en croit à ses dirigeants, est d' être  « une société africaine, avec la volonté de créer un réseau panafricain ».  « Nous avons décidé d'avoir le même nom, Celtel, dans les différents pays où nous sommes présents 82 », avait confié le fondateur de Celtel à l'hebdomadaire Jeune Afrique l'Intelligent. Qu’en est-il alors du fameux WWW « Wide World Web» ?

Comme la téléphonie mobile, le réseau Internet est lui aussi présent dans tous les pays d'Afrique. Mais très majoritairement dans les grandes villes (capitales des pays). Les villes moyennes (grandes villes de l'intérieur) n’étant que faiblement connectées. Seules demeurent les laissés pour compte, les petites villes qui restent déconnectées. Depuis cinq à six ans, la situation a donc de façon globale beaucoup évolué sous l’effet des nouveaux investissements.

Notes
64.

Les données ci-dessus sur la Côte d’Ivoire ont été tirées sur http : www.f-i-a.org/fia/article.php3 (Fête de l’Internet 2003 en Afrique), du 14 mars au 13 avril 2003. « Bref état des lieux des TICS en Côte d’Ivoire.»

65.

Avec 40 000 abonnés "fixes" chez Gabon Télécom en 2003 pour une population estimée à 1,3 millions d'habitants, la télé-densité du Gabon est de l'ordre de 3,1/100 habitants. Cette statistique est «très en-deça du niveau de télé-densité auquel pourrait prétendre le Gabon, compte tenu de son PIB/hab.» Données fournies par la Mission Economique régionale de l'Ambassade de France au Gabon, novembre 2003.

66.

http://www.RFI.fr/fichiers/MFI/Economie/Dvpmt/1052.asp

67.

Cf. L’Afrique : 2001, l’Odyssée des télécommunications, in http://www.int-evry.fr/ostic/2001/afrique-space.htm.

68.

Idem.

69.

Autre aberration, le coût (la minute) d’un appel téléphonique du Gabon-France est de 1500 Fcfa (2,29 euros) contre 654 Fcfa (1 euro) ou moins en sens inverse (France-Gabon). Source : Service économique Ambassade de France au Gabon, nov. 2003.

70.

Le nombre des mobiles dépassait celui des fixes dans 19 pays en 2000 et dans 31 pays en 2001 et en 2002. (Annie-Chéneau-Loquay, CEAN-AFRICANTI 2004.

71.

X .25 Protocole de communication à commutation de paquets en mode connecté mais ne répondant pas aux normes TCP/IP d’Internet.

72.

Réseau Inter tropical d'Ordinateurs.

73.

Le Réseau Électronique Francophone pour l'Éducation et la Recherche (REFER) est un nouvel outil mis à la disposition des scientifiques francophones.

74.

Voir sur ce point, J.A.I n° 2207, p. 62.

75.

Marché Tropicaux n° 2918, p. 2044.

76.

Voir sur ce point, www.itu.int/AFRICA2001/press Le "boom" du téléphone mobile.

77.

"Les Dossiers de «l'Intelligent», Télécoms, J.A.I n° 2207, du 27 avril au 3 mai 2003.

78.

Les prix varient de 88,41 euros pour le plus basic des Motorola à 836,95 euros pour un Motorola V80 bluetooth avec camera.

79.

De nombreux téléphones en circulation en Afrique sont le fruit d'un don (collatéraux, époux, amis, etc.)

80.

Op. cit., J.A.I. n° 2207.

81.

Ancien directeur technique chez Cell-net, filiale de British Telecom, fondateur de MSI-Cellular Investments (MSI). Voir biographie détaillée dans «Le Dossier Télécoms de J.A.I» mai 2003.

82.

Dr Mo : le choix du cellulaire, J.AI., n° 2207, avril-mai 2003, p. 64.