1.1.3 L'Afrique devient l’objet de tous les appétits

La faiblesse des capacités de connexion (télé-densité), et les importantes disparités dans la répartition des réseaux (« bicéphalisme technologique ») entre d’une part, les capitales et d’autre part, les villes de l’intérieur, offre une configuration bancale au réseau.

Cette connectivité à deux vitesses (écarts entre villes et campagnes), ainsi que les insuffisances constatées dans le réseau des zones connectées constituent des opportunités aux grands groupes de télécommunications. Le dynamisme dont fait preuve, depuis sa libéralisation, le secteur des télécommunications est à l’origine du fait que le continent africain devient un marché porteur pour les pays industrialisés qui eux, disposent de moyens pour donner une nouvelle santé aux réseaux des pays pauvres. L’ouverture à la concurrence des télécommunications a notamment entraîné une course au raccordement qui tend à homogénéiser les conditions d’accès aux réseaux (équipements informatiques et connexion aux réseaux de télécommunications).

Cela étant, l’Afrique fait l'objet de nombreuses convoitises. Assurément, les carences des réseaux de télécommunication africains ont transformé ce continent en un véritable champ de bataille sur lequel s’affrontent les grandes industries (Alcatel) et les grands équipementiers des télécommunications 93 .

Le marché africain attire depuis la libéralisation des télécommunications intervenue à la fin des années 90, et consécutivement, grâce aux bons chiffres du secteur du mobile.

L'enjeu dont fait l'objet le marché africain est donc double pour les opérateurs occidentaux, en tête desquels se trouvent dans certains pays les Français. Le premier enjeu est d'abord consécutif au sous-développement technologique.

En effet, les insuffisances dont fait preuve le réseau africain constitue à en point douter, une aubaine pour les investisseurs occidentaux qui ont surtout misé sur les services des pays les plus rentables.

Le cas du Sénégal cité par A. Chéneau-Loquay 94 est ici spécifique. Le Sénégal a su passer d’un monopole public à un monopole privé au profit de France Télécom, une société française. D’ailleurs les données infra, fournis par l’Observatoire sur les Systèmes d’Information les Réseaux et les Info routes au Sénégal (OSIRIS 95 ) confirment bien l’état de dynamisme technologique du Sénégal.

On le voit, en misant sur les pays les plus rentables les repreneurs trouvent donc vraisemblablement leur compte dans la mesure où cette prise de contrôle de sociétés publiques leur permet d’étendre leurs activités. Ce qui est sans nul doute bénéfique pour leurs propres industries 96 .

Ensuite, le second enjeu dont fait l’objet le marché africain repose sur les bouleversements observés sur le marché mondial des télécommunications aussi bien au niveau de l'offre des services qu'au niveau de l'innovation productive. Ces bouleversements qui, tout naturellement, n’ont pas conduit à la stabilisation du marché à l’échelle planétaire ont donné un peu plus d’intérêt au marché africain.

Résultat, Orange, la filiale mobile de France Télécom, est présente au Botswana, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, à Madagascar et en Égypte, avec Mobinil. Mais là aussi, du fait de la dette record de France Télécom, Orange a plutôt tendance à se replier sur la France et la Grande-Bretagne, après une période euphorique d'extension tous azimuts.

Dans un tel contexte de tumulte économique, il n'y a point de doute à considérer que le constat d'un sous-développement technologique 97 africain aiguise les appétits. Comme nous le faisait remarquer un Ingénieur en techniques de télécommunications Gabonais, en parlant de l'état des réseaux de télécommunications, celui-ci admettait sans réserves que «tout reste à faire 98 en Afrique». C’est dire combien le retard accusé par le continent africain en matière de réseaux continuera à attirer les investisseurs étrangers. En l’état actuel, les nouveaux investisseurs africains devront désormais, à la fois s'adapter à la situation du continent dans son ensemble. Mais aussi accepter de se frotter aux spécificités de chaque pays.

Toutefois, les difficultés auxquelles reste confronté le marché africain en proie aux restructurations laissent penser que l'Afrique du XXIe siècle est d'ores et déjà un enjeu essentiel non seulement pour ses partenaires habituels (Français), mais aussi pour l'ensemble de l'industrie mondiale des télécommunications.

En conclusion à ce chapitre, disons que les enjeux des NTIC pour l’Afrique peuvent se résumer comme suit : très peu d’usagers 99 , des débits très faibles, et des coûts de communication très élevés.

Pour le cas du Gabon qui nous intéresse le plus, le caractère élevé du coût des communications pourrait s’expliquer par le fait que les entreprises (Libertis, Celtel, Telecel) qui en sont les opérateurs voudraient rentabiliser leurs investissements. À cela, nous pouvons dire que de nombreux obstacles minent encore le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) en Afrique.

Quoiqu’il en soit, en dépit de ces carences ( absence de réseau à certains endroits, coût élevé du matériel informatique et des communications, des débits très faibles), qui constituent bien des écueils à l’éclosion des NTIC, le continent africain n’est pas totalement à l’écart de la « révolution de l’information » créée par les innovations technologiques en matière d’informatique et de télécommunications.

Des progrès se font jour, et une nette embellie s’observe dans le domaine des télécommunications. Avec un taux de croissance de 36% 100 , l’Internet se répand à une vitesse deux fois supérieure à la moyenne mondiale.

Mobilisés autour d’un programme continental dit Initiative société africaine à l’ère de l’information (AISI), les pays africains, étroitement encadrés par leurs partenaires internationaux, tentent de se servir des NTIC comme une nouvelle chance pour accélérer leur développement économique.

Mais une question mérite tout de même d’être posée, celle de savoir comment les NTIC, et plus particulièrement la téléphonie mobile peut-elle concourir au développement ?

Notes
93.

Lors du premier Forum Microsoft des leaders gouvernementaux africains, qui s’est tenu du 22 au 23 septembre 2003 à Johannesburg, en Afrique du Sud (cf http://www.jeuneafrique.com/gabarits/articleJAI_online.asp), le géant mondial des logiciels a signé quatre contrats importants : équipement de toutes les écoles de Namibie, sécurité électronique en Afrique du Sud, parc informatique des administrations gabonaises et nigérianes.

94.

Idem.

95.

www.osiris.sn/article 26. html

96.

Inutile de rappeler que le secteur des télécommunications en France notamment, subit les soubresauts de la concurrence européenne. De plus, on voit mal Alcatel ou France Télécom investir à perte surtout en Afrique où le nombre d’usagers est d’ailleurs fortement réduit.

97.

Nous faisons tout particulièrement allusion à l’infrastructure de télécommunication en ce qui est de la modernisation des structures existantes et de l’extension des réseaux en vue d’une couverture globale des différents pays.

98.

Structures administratives chargées de l'exploitation des réseaux et des équipements, mais aussi et surtout leur contrôle et leur maintenance.

99.

Nota bene : en évoquant sur ce passage les NTIC dans leur ensemble, nous faisons ici tout spécialement allusion à l’usage de l’Internet.

100.

http://www.rsf.org/article.php