1.2.2 "Les mobiles du développement" oui mais…

Le lien entre téléphone mobile et le développement, s’il n’est pas facilement perceptible, n’en demeure pas moins existant.

Nous voyons pour notre part dans cette euphorie pour le téléphone mobile en Afrique, un dynamisme susceptible d’apporter une embellie sur le plan économique. Ainsi paraît-il justifié à nos yeux de considérer que si cette euphorie perdurait, elle pourrait à long terme porter les germes d’un développement économique.

L’approche qui consiste à voir au téléphone mobile des perspectives favorables en matière de développement repose sur plusieurs paramètres 113 : premièrement, en nous limitant au seul cas du Gabon, le chiffre d’affaires global du secteur passe de 88,08 milliards de Fcfa (134.155.135,17 euros) en 2000 à 120,581 milliards en 2001 (184.463.310,86 euros), soit une hausse de 36,9 %. La valeur ajoutée augmente quant à elle de 3,2 %, elle se situe à 76,377 milliards de Fcfa (117.285.743,27 euros) en 2001 contre 74,002 milliards (112. 812.272,76 euros) en 2000.

Deuxièmement, on constate une augmentation de la masse salariale de 4,0 % en dépit d’une relative stabilité des effectifs qui s’élève à 2527 employés en 2001 contre 2547 en 2000.

Troisièmement 114 , les investissements du secteur s’élèvent à 51, 477 milliards de Fcfa (79. 273.488,96 euros) en 2001 contre 47, 007 milliards (71.651.038,1 euros) en 2000, soit une progression de 9,5%. Ces investissements consistent en l’extension des réseaux 115 .

En outre, pour que le téléphone mobile en Afrique soit véritablement une technologie qui concourt au développement, il est à souhaiter que cette euphorie pour le mobile qui s’est amorcée (il y a quelques années), se poursuive. Cela conduirait dans un premier temps à banaliser cet outil qui continue à être considéré dans les milieux modestes comme un média pour riches ; et extensiblement à reléguer au second plan son caractère produit d’ornement tel un bijou. Une fois la détention du téléphone mobile banalisée, ce qui devrait primer c’est son côté outil de communication.

Deuxièmement : que consécutivement cette démystification du téléphone portable soit suivie d’un usage massif (consommation) de ce média. Car, en Afrique noire, bien que la détention du téléphone portable se soit plus ou moins généralisée, les flux de communication ne sont pas représentatifs du nombre de téléphones en circulation. Nous le verrons par la suite, l’usage actuel du téléphone mobile se limite à simuler des appels ou à en recevoir.

Pour que le téléphone mobile réponde véritablement aux attentes des opérateurs économiques, il est indispensable que se déclenche chez les consommateurs une véritable « guerre hertzienne des communications nomades ». Car, ce qui se produit aujourd’hui n’est qu’une course à la détention du mobile.

Or, tous les experts l’admettent, la simple détention du mobile n’a pas de grande conséquence économique. Ce n’est donc qu’à partir du moment où les détenteurs des téléphones mobiles prendront l’initiative de téléphoner que le téléphone mobile pourra réellement « solliciter le développement ». Mais pour cela un geste fort est attendu du côté des opérateurs pour baisser les coûts. Une baisse aurait entre autres effets, de conduire à la hausse des flux de communication. Ce qui contribuerait à davantage démocratiser l’usage de ce média, et à développer la performance des réseaux.

La baisse des coûts qui aurait aussi pour conséquence : la généralisation de la consommation du téléphone mobile (achat d’appareils, multiplication des appels de portables à portables). Ces quelques éléments évoqués montrent bien que si « la fougue du portable » se poursuit en Afrique, elle pourrait contribuer à dynamiser le secteur des télécommunications et à revigorer les économies des différents pays. Le secteur des télécommunications étant avant tout un secteur économique, celui-ci permet de créer des emplois. De plus, il contribue à l’amélioration des conditions de vie des populations par le fait qu’il concourt au désenclavement des régions les plus reculées d’Afrique. L’hypothèse posée ici est donc que l’utilisation des TIC accroît à la fois la productivité et la production.

Toutefois, si comme nous l’avons vu, il est difficile d’établir un lien de cause à effet entre le développement de la téléphonie mobile et l’embellie économique en Afrique (forte activité chez les différents opérateurs consécutive à la concurrence, caractère attractif du marché des cartes de recharge, multiplication des boutiques spécialisées au GSM et assimilés) ; il est tout aussi important de souligner que cette contribution du téléphone mobile au développement ne pourrait se matérialiser que dans un délai relativement long : lorsque les usagers (eux-mêmes) feront du téléphone mobile un véritable outil de travail. Nous y reviendrons.

Il y a donc des préalables à la contribution du téléphone mobile à cet objectif. La condition que nous envisageons à cet effet est que le téléphone mobile soit utilisé à bon escient. C'est-à-dire, en tant qu’outil de médiation communicationnelle, particulièrement dans le cadre du travail. Nous fustigeons donc tout usage ostentatoire qui ne contribue pas à véhiculer l’information nécessaire.

Toutefois, en attendant la prise de conscience de l’usager sur la question, la concurrence que se livrent déjà aujourd’hui les opérateurs de la téléphonie mobile en Afrique n’en constitue pas moins un signe positif d’une marche vers le développement.

Notes
113.

Données fournies par l’OPT, GABTEL, CELTEL, et Libertis. Tirées du « Tableau de Bord de l’économie gabonaise situation 2001, perspectives 2002-2003 n° 32, oct. 2002, p. 61. Pour le calcul CA2-CA1, la différence divisée par le CA1.

114.

Selon le journal pro-gouvernemental cité par http://www.gabonflash.com au mois d'avril 2004, la téléphonie mobile est un secteur à forte croissance. L'année 2003 a été une année charnière pour le GSM au Gabon. En effet; malgré la récession économique, le pays a connu une évolution significative du parc d'abonnés du mobile.

115.

Les présentes indications proviennent des mêmes sources que les précédentes : l’OPT, GABTEL, CELTEL, et Libertis, « Tableau de Bord de l’économie gabonaise situation 2001, perspectives 2002-2003 n° 32, oct. 2002, p. 61.