2.3.3 La situation économique du Gabon est on ne peut plus paradoxale

Cette richesse avérée et cette pauvreté, qui ne dit pas son nom, sont à l’origine d’une controverse dont l’issue est incertaine. Les bailleurs de fonds, sur la base d'indicateurs économiques qui attestent (à juste titre), de la prospérité du Gabon, refusent à tort ( ?) de considérer ce pays comme pauvre.

Les dirigeants, vraisemblablement incapables de gérer 214 à bon escient les nombreuses richesses du pays, se battent nous l’avons vu, pour le changer de statut. Tel est le paradoxe gabonais !

Paradoxe qui nous amène à conclure d’une situation d'ambiguïté dans la situation économique du Gabon. Dans la mesure où elle crée dans l’esprit des couches populaires une sorte de confusion.

Confusion inhérente à la difficulté du Gabonais moyen de comprendre s’il vit dans un pays riche ou dans un pays pauvre. Mais les Gabonais n'ont certainement pas besoin qu’on le leur explique, leur vécu quotidien en dit long pour qu’ils réalisent leur sort.

Pourtant riche, si l'on s’en tient à ses ressources minières et forestières, la réalité au quotidien prouve le contraire. Le Gabon lorsqu’on le regarde de près, est loin de présenter les caractéristiques d’un pays riche. Tous les indicateurs sont au rouge : la dette intérieure et extérieure s’élevait en 2001 à 2310 milliards de FCFA (352. 157.229,82 euros), à cela s’ajoutent 21 milliards CFA (32. 014.293,62 euros) de dette de garantie, et à l'arrivée un niveau de vie des populations qui laisse à désirer.

Les statistiques au Gabon cachent d'énormes disparités. Le volet social dans ce pays est à la traîne depuis 1994. Plus de 40 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour en dire un mot sur la question, l'ONU estime, dans l'échelle des valeurs de la «pauvreté relative» des nations, la pauvreté extrême d'un pays lorsque l'état des besoins, de dénuement ou d'indigence touche 66% environ de la population de ce pays.

Selon le recensement de la population (RGPH) de 1993 215 , le Gabon compte 60% de pauvres extrêmes, 38% de pauvres relatifs et 2% de "rentiers" dont 12 richissimes milliardaires. Un tel tableau tout le monde en conviendra, est tout sauf celui d'un pays riche.

Au contraire, le taux de croissance de l’économie gabonaise suscite des inquiétudes. À 1,9% en 2001, le taux de croissance est estimé à 1,5% en 2002 216 , ce qui est insuffisant pour faire reculer la pauvreté. D’autres faits confirment cette réalité. En effet, selon le rapport mondial 2002 portant sur le développement humain, il existe un écart inexplicable de 44 places entre le classement du Gabon selon l’IDH (117ème sur 173) et son classement d’après le Produit intérieur brut par habitant (73ème sur 173).

Parmi les indicateurs de base, on note que sur une population totale d’environ 1,3 millions individus ; le revenu national brut par habitant devrait être de 4000 dollars. Ce qui est loin d’être la réalité. Aussi, si 70% de personnes ont accès à l’eau potable, seulement 21% ont accès aux services sanitaires 217 , le Gabon ne consacre que 8% de son budget à la Santé, soit 67 milliards de Fcfa (103 millions d’euros) ce qui fait que plus de 70% de la population ne dispose d’aucune couverture maladie.

Au niveau de l’Éducation 3,3% du PIB seulement sont consacrés aux dépenses d’éducation 218 . Mais il n’y a pas que cela, niveau d’urbanisation médiocre, insalubrité galopante, hôpitaux dégarnis… Cette crise économique grave qui dure depuis les années 80 entrave aujourd’hui plus qu’hier, toute initiative de développement.

À la crise de l’économie mondiale et aux rigueurs des programmes d’ajustement structurel 219 , s’ajoute en Afrique subsaharienne et particulièrement au Gabon, un risque de marginalisation.

L’Afrique en subit en effet les conséquences au moment même où la première phase de la transition démographique vient de porter à son paroxysme le rythme de croissance de sa population. Même s’il nous est interdit de parler de baby boom pour le cas du Gabon, il apparaît tout de même (Journal l’“Union” du 24 juin 2002) que la situation socioéconomique de ce pays n’a jamais été aussi précaire. Le pouvoir d’achat des ménages ne cesse de chuter, le chômage s’accroît, l’accès à la propriété immobilière voire au logement s’apparente à un chemin de croix.

« Le Gabon compte un déficit d’environ 250000 logements dans la seule capitale Libreville 220 ». Conséquence, les espoirs de lendemains meilleurs se dessèchent inexorablement et s’envolent sous le vent de l’histoire. La seule richesse dont puisse se prévaloir les Gabonais, c'est la stabilité sociale.

Notes
214.

Michel Vavasseur, directeur de l’AFD (Agence Française pour le Développement), en poste à Libreville depuis trois ans affirmait (Afrique magazine n° 206, novembre 2002), « …ce qui fait défaut au Gabon c’est la gestion…». Cela dit, la manne financière consécutive à la production pétrolière a donc incontestablement profité aux dirigeants gabonais avec la complicité des sociétés chargées de l’extraction et du raffinage de l’or noir : Elf, Shell, Total, etc.

215.

Recensement Général de la Population par Habitant réalisé au Gabon, cité par Ziza, Bordeaux 2002.

216.

J.A.E. Op. cit.

217.

Des informations sur les états généraux de la Santé 2005 au Gabon sont disponibles sur le site http://www.izf.net/izf/Actualité/RDP/gabon.htm

218.

Sur ces données, voir L’Union Plus, du 16/05/2003.

219.

Assainissement de la situation économique d’un pays, en général en voie de développement. Les politiques d’ajustement structurel (PAS), sont recommandées par le Fonds monétaire international. Ces politiques sont d’inspiration libérale ; elles visent à réduire le déficit extérieur, le déficit budgétaire et à maîtriser l’inflation et l’endettement.

220.

État des lieux fait par le Conseil économique et Social l’Union du 10 septembre 2002.