2.3.3.3 Le Gabon : un îlot de paix dans un océan de malheur

Le Gabon, de par sa capacité à conjuguer monolithisme politique et absence de conflits armés fait est par son président Omar Bongo, soit très souvent sollicité pour assurer les médiations entre les pays belligérants.

Tout le monde connaît bien les efforts que le chef de l’État gabonais a fait ces dernières années pour tenter de résoudre les graves conflits armés 225 qui ont déchiré les deux républiques du Congo et la République centrafricaine entre autres.

Dans la crise centrafricaine, Omar Bongo (Jeune Afrique Économie du 03/03, n° 348, p. 67) apparaît comme le principal médiateur. Nombreux sont les Gabonais qui reprochent au président gabonais de consacrer beaucoup trop de temps à la résolution des crises et des conflits armés en Afrique.

Alors que des foyers de tensions embrasent toute l’Afrique centrale, orientale et occidentale : Congo Brazzaville, République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), République centrafricaine, République de Côte d’Ivoire, etc. Le Gabon, il faut le dire, jouit d’une certaine stabilité sociale. « La Suisse de l’Afrique».

Cette stabilité lui vaut d’être la passerelle entre les pays en conflit et le reste du monde. Pendant les événements malheureux au Congo Brazzaville notamment, de nombreuses personnes (africains et européens) ont transité par Libreville pour fuir le pays en guerre. Nombreux aussi sont les réfugiés qui demandent et trouvent asile au Gabon 226 . Ce qui fait qu’il reste l’un des rares pays africains encore desservis par la compagnie aérienne française Air-France.

Dont le trafic (Libreville – Paris – Libreville) se fait à hauteur de 4 vols par semaine sans escale.

Toute analyse faite, le niveau de vie 227 des Gabonais, que nous désignons expressément dans ce travail sous le terme “réalité sociale”, nous l’avons vu, ne colle vraisemblablement pas avec les nombreuses richesses dont dispose ce pays.

Malgré la fertilité de son sol qui engendre de nombreuses ressources minières et forestières, le cadre de vie du Gabonais est loin de refléter la générosité de son sous-sol. Avec environ 260.000 chômeurs, soit un taux de chômage 228 de 20%, cette réalité dépasse largement les limites de l’acceptable et fait que la misère sévit.

Pour un pays aussi nanti qui de surcroît dispose d’une aussi faible population 229 , les habitants pouvaient nous osons le supposer, espérer vivre mieux. Il y a donc là un fort parfum de contradiction. Nous dirons même une flagrante inadéquation. Car ce fossé entre ״ ce qui a "(richesses) et "ce qu’on est" (le train de vie des populations)", nous amène subrepticement à conclure que le Gabon est en porte à faux avec ses nombreuses richesses.

Cela dit, la seule richesse dont puisse se prévaloir ce pays c’est la stabilité politique. En effet, le Gabon jouit incontestablement d’une grande stabilité politique. En termes absolus, ce pays occupe une meilleure place dans le concert des pays subsahariens sur le rang de l’IDH (Indice de Développement Humain). Le pays a toujours joui d’une absence de guerres internationales et civiles. Il semble donc que le peuple préfère garder ce qu’il possède plutôt que de trop risquer dans une révolution remettant trop de choses en question. La stabilité du Gabon est donc un atout important pour ce pays. Surtout dans une région en proie au désordre et à la violence.

Mais cela est-il suffisant quand on sait que la misère des peuples et les injustices sociales sont souvent à l’origine de ces guerres larvées ? Aujourd’hui les Gabonais n’hésitent plus à rétorquer à certains de leurs dirigeants qui lors des consultations électorales exhibent l’arme de la paix (qu’ils ont su préserver) comme bilan de leur règne ; à ceux-là les Gabonais répondent désormais qu’: « on ne mange pas la paix » !

C’est dire combien, si les Gabonais sont heureux de vivre dans un îlot de paix, s'ils ne sont pas prêts à tuer la colombe qui symbolise la paix pour se nourrir. La stabilité socio-politique est certes un atout considérable, mais les populations considèrent désormais que s'ils ne sont plus capables de se soigner, de se former, en un mot de vivre décemment, ils ne sont pas loin de ceux qui tombent sous l'effet des balles. À moins que les NTIC (Internet et le téléphone mobile parviennent à changer la donne ?

Notes
225.

Dernière médiation en date, la capitale gabonaise Libreville fut 4 juin 2002, l’objet d’important ballet diplomatique qui a vu l’arrivée de messieurs Amara Essy, Secrétaire Général de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), Me Abdoulaye Wade, Président du Sénégal, Dominique De Villepin, Ministre des Affaires étrangères de la France. La venue simultanée de toutes ces personnalités politiques étrangères à Libreville traduit l’importance de la situation qui prévaut à Madagascar où les efforts de médiations jusque-là déployés sous l’égide de l’OUA piétinent. Il était donc question de demander l’appui du Président Gabonais « doyen des chefs d’Etat du continent ».

226.

Congolais, Comoriens, etc. En 1999 lors du conflit qui oppose les deux frères ennemis Pascal Lissouba ex-président du Congo Brazzaville à au général Dénis Sassou Nguésso, conflit à la suite duquel ce dernier est revenu au pouvoir au Congo, le Gabon a accueilli plus de 3000 réfugiés Congolais dont une bonne partie se trouve encore sur le territoire gabonais.

227.

Quantité et qualité des biens et des services que les particuliers ou les familles à revenu moyen peuvent se permettre d’acheter. Le niveau de vie correspond au PNB réel divisé par la population (le PNB réel par tête).

228.

Martin Edzodzomo Ella, «Mon projet pour le Gabon. Comment redresser un pays ruiné par trois décennies de mauvaise gestion», Editions Karthala, 2000. Cité par H.P. Ziza.

229.

1.232.000 habitants, selon un recensement de l'ONU et 1,3 million selon les chiffres officiels.