4.1.2 Quand le politique prime sur l’intérêt général

Décrivant l’état d’esprit qui règne dans sa société, un cadre à Gabon Télécom responsable au Centre National des Commutations (CENACOM), par ailleurs chargé de diriger les travaux sur l’installation du câble sous-marin nous a donné son point de vue sur les maux qui minent Gabon Télécom S.A.

Selon lui, les carences en lignes téléphoniques dans certains quartiers ainsi qu’une quasi-absence de couverture en téléphone de certaines régions du Gabon s’expliquent par le fait que l’extension du réseau filaire ne suit aucun programme préétabli. De l’avis ce cadre, l’installation des lignes téléphoniques se fait au contraire de façon désordonnée. Ce qui de son point de vue se manifeste par le fait qu’à chaque fois qu’il y a création d’un nouveau quartier, les installations ne suivent pas.

En plus de ce manque de suivi des installations corrélativement à l’extension de la ville et en fonction du schéma de l’aménagement du territoire, il y a aussi selon ce même informateur, le fait que les agents de Gabon Télécom sont souvent astreints à « câbler » en priorité les quartiers dans lesquels « les grands hommes 298 » ont leurs habitations. Ce qui, de son point de vue, pénalise la majeure partie de la population. Il cite l’exemple de la ville de N’toum, dans la périphérie de Libreville qui n’a bénéficié de l’éclairage public et de l’adduction en eau potable que grâce à la nomination du Docteur Paulin Obame N’guéma, natif du Département au poste de Premier ministre. Notre interlocuteur fustige aussi le fait que les autorités fassent main basse sur les caisses des budgets alloués à l’extension du réseau filaire.

À côté de ces malversations financières, E.M. fait également allusion au fonctionnement de la société elle-même à proprement parler. De son point de vue, malgré le monopole que l’ex-OPT avait sur la fourniture des services postaux et des télécommunications, cette société ne parvenait pas « curieusement » à satisfaire sa clientèle. C’est au regard de ces énormes dysfonctionnements que les autorités gouvernementales et les organismes de Brettons Wood (Banque mondiale et Fonds monétaire international), dans le cadre des réformes de l’économie gabonaise, ont initié un ambitieux programme de restructuration/privatisation de l’OPT, doublé d’une réforme complète du secteur des télécommunications dont la loi avait été votée par le Parlement.

Ainsi, l’ancien opérateur des télécommunications a été divisé en deux entités : Gabon Télécom et Gabon poste. De cette restructuration, s’ensuit un important programme d’investissement technologique, nous l’avons vu dans le chapitre précédent avec le câble sous-marin, afin de procéder à un “relookage” de l’ensemble du réseau de télécommunication gabonais. Quelques résultats seraient déjà perceptibles : qualités du réseau téléphonique, augmentation de la bande passante, etc.

En somme, après avoir fonctionné sous un modèle qui privilégiait les intérêts politiques aux besoins de la grande masse, les carences et insuffisances de l’ex-OPT, ajoutées à une soif de communication de plus en plus grandissante chez les populations poussées par la multitude de moyens de communication ont constitué une occasion en or qui a laissé la téléphonie mobile s’installer de plain-pied dans le paysage des télécommunications en Afrique.

Notes
298.

Gotha politique, représentants diplomatiques et hommes d’affaires.