5.1.2 Le développement social

La question du développement social est ici abordée sous l’angle de la vision des «partenaires du développement» : les dirigeants des Institutions internationales multilatérales, organismes internationaux gouvernementaux ou non, pays développés. Pour ces institutions,la composante sociale du développement durable va de la mise en œuvre de l’équité au renforcement du bien-être social de tous. Mais dans leur approche de cette question de l’équité, les dirigeants des institutions internationales considèrent qu’elle doit se jouer au niveau mondial. Puis, elle doit aussi se traduire par une solidarité vis-à-vis des pays du Sud à travers les politiques d’aides publiques au développement et la lutte contre la pauvreté.

Si l’on regarde bien, c'est parce qu’ils sont conscients du fait que le développement durable passe par la lutte contre la pauvreté que les dirigeants des Organismes internationaux abordent la question du développement social en la rapprochant de celle de l’équité. Ils y voient aussi des obligations et une responsabilité des acteurs d’aujourd’hui vis à vis des générations futures.

Lorsqu’on s’interroge sur le développement, on se trouve en quelque sorte à la croisée des chemins entre le développement humain qui renforce la capacité individuelle par l’éducation et le partage des valeurs éthiques, et le développement social qui, lui, s’attache aux relations sociales et culturelles. La piste du développement social nous intéresse donc ici en ce sens qu’elle a un lien direct avec les thèmes de l’accès, à l’infrastructure, les services et applications.

Nous devons analyser le cadre réglementaire et l’appropriation des techniques d’information et de communication qui ont été au cœur des débats lors du Sommet Mondial sur la Société de l’Information en février 2003.

Du point de vue des résultats, ce qui doit être recherché c’est de « mettre les TIC au service du développement en vue d’atteindre les objectifs de la Déclaration du millénaire de l’ONU 320 et, au-delà, de définir les contours de « la Société de l’Information », à l’issue de la première phase du Sommet mondial sur la société de l’information de Genève, alors que les journalistes ont dans leur grande majorité mis en doute l’utilité d’un tel Sommet, d’autres le présentent au contraire comme un événement aussi important dans le domaine des techniques d’information et de communication que le Sommet de Rio sur l’environnement 321 . Fidèles à leurs habitudes dans de telles circonstances, les dirigeants des pays africains ont une fois de plus profités de cette tribune pour égrener le chapelet de leurs doléances auprès de leurs «partenaires».

Mais cela n’aura été qu’une fois de plus pour rappeler aux partenaires et alliés que «les entreprises du secteur des TIC en Afrique font face à des contraintes de toutes natures, limitant ainsi leur capacité de production de services pour les populations».

Cela n'a été qu’une redite de rappeler aux dirigeants des pays riches que «la lutte pour la réduction de la pauvreté passe par la création d'une main d'œuvre qualifiée qui est une des solutions clés, pour laquelle l'utilisation des technologies de l'information et de la communication peut jouer un rôle déterminant», et que pour atteindre ces objectifs «les pays pauvres ont besoin de l'aide de leurs partenaires en vue de résoudre les questions liées aux infrastructures matérielles coûteuses et peu nombreuses, à la faiblesse des ressources humaines, et au faible niveau de production 322 ». Dans un contexte socio-économique aussi défavorable, de notre point de vue, la situation de la femme mérite ici d’être évoquée. En effet, les femmes africaines font face à un double handicap : leur statut 323 de femme et leur appartenance à un continent pauvre.

Ce qui fait d’elles la majorité des pauvres et des illettrés. Cela étant, leurs difficultés d'accès aux TIC sont très marquées, à cause notamment des coûts élevés des équipements, des difficultés d'accès aux crédits liées au système de propriété des biens. Pour réussir l'édification d'une Société de l'Information équilibrée, il est indispensable d'intégrer le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques et programmes de promotion des TIC dans les pays 324 ». Mais avait-on besoin d'un Sommet mondial sur la Société de l'Information pour le savoir ? S’adressant aux partenaires occidentaux lors du Sommet Mondial de la Société de l’Information, le Président sénégalais Abdoulaye Wade, par ailleurs président en exercice du NEPAD 325 admet qu'avec les NTIC, il y a une marge en deçà de laquelle l'Afrique risque d'être exclue du dialogue et de la transmission des connaissances.

Pour lui le «gap numérique», est finalement un gap financier, puisqu'il s'agit selon ses propres termes «simplement de disposer d'un ordinateur, de savoir l'utiliser et d'être connecté pour participer à la société de l'information naissante». Ce que le président semble oublier c’est que le tout n’est pas de se connecter. Il y a un véritable rapport de force qui se manifeste entre les États du fait que les NTIC sont aujourd’hui considérées comme un enjeu.

Les NTIC devenant un enjeu, il y a donc de quoi être pessimiste sur le cas africain quand on se réfère à la contre-performance persistante des économies du Sud, et surtout, quand on constate l’incapacité criarde des politiques d’ajustement structurel (nous le verrons par la suite) à extraire le continent de la pauvreté et de la misère. Tirons ci-après quelques enseignements du sommet de Johannesburg 326 :

En publiant plutôt que d’habitude (3 semaines à l’avance) son rapport sur le développement 2003, les experts 327 voient en cette démarche de l’ONU sa volonté à montrer aux yeux du monde que si les problèmes environnementaux et les tensions sociales ne sont pas résolus, les objectifs internationaux de réduction de la pauvreté ne pourront être atteints. Ainsi pour la première fois, l’institution financière reconnaît de ce point de vue que la croissance économique et le libre-échange ne sont pas forcément la panacée. Aujourd’hui (selon le rapport de l’ONU 328 ), « le revenu moyen dans les 20 pays les plus riches est trente sept fois supérieur à celui des vingt pays les plus pauvres ». 2,8 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour et 1 milliard de personnes avec moins de 1 dollar. Nous affirmons donc la thèse d’une véritable solidarité internationale aussi bien sur le plan économique que technologique car nous assistons à une évolution d’un monde à deux vitesses.

À priori très inquiétante, cette évolution pourrait toutefois inciter les responsables politiques à mettre en place les infrastructures ‑ logements, usines ou routes ‑ respectueuses de l’environnement. Pour y parvenir, la Banque mondiale et la société civile proposent le partage des tâches au niveau local, national et mondial et la multiplication des partenariats publics et privés. Elle insiste notamment sur le fait que les pays riches doivent « augmenter leur aide et réduire le poids de la dette, ouvrir leurs marchés aux exportations des pays en développement, et aider au transfert de technologie 329 ».

Le thème du développement durable allie le développement nécessaire et le respect (la protection) de l’environnement. C’est le cas de la réduction de la production de gaz à effets de serre, la protection des espèces rares, de la forêt, le reboisement et le développement économique qui peut être suscité par la dynamique observée dans le développement des réseaux de communication.

Notes
320.

Pour la déclaration voir : http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf

321.

Le Sommet de Rio sur l’environnement a eu lieu au Brésil du 3 au 14 janvier 1992. Voir http://www.un.org/french/events/rio92.

322.

Idem note n°1 (www.unhchr).

323.

Même si leur situation tant à s’améliorer grâce notamment la scolarisation, plus de la moitié des femmes en Afrique sont inactives et considèrent que leur place est au foyer.

324.

Déclaration du Président Abdoulaye Wade au Sommet Mondial de la Société de l’information (du 10 au 12 décembre 2003 à Genève en Suisse). Pour consulter l’article : cf. osiris.sn/article737.html

325.

Déclaration lors du SMSI du 10 au 12 décembre 2003, op. cit.

326.

Sommet organisé par l’ONU du 26 août au 4 septembre 2002.

327.

Jeune Afrique l’Intelligent, n° 2172 du 26 août au 1er septembre 2002, p. 8.

328.

Fonds Mondial de la solidarité : une initiative pour vaincre la pauvreté dans le monde. http://www.solidarity-fund.org

329.

In, J.A.E n° 348, mars 2002.