6.2.1 L’État doit faire face au manque de suivi de la société gabonaise de l’information

Confronté aux doutes, aux contraintes économiques et financières, mais aussi aux priorités des populations, un pays comme le Gabon n’est arrivé à l’Internet, selon Edgard Mandrault 352 , qu’à travers quatre actions «importantes et complémentaires».

La première est partie de la participation du président Omar Bongo au Sommet Mondial de la Terre (sommet de RIO de Janeiro en 1992).

La deuxième est l’implication du président gabonais dans la création d’un site Web de la présidence de la République en 1996. Ce site avait été présenté à l’ensemble du gouvernement afin de montrer l’importance que le politique devrait attacher à cette «révolution» alors que le Gabon ne disposait pas encore d’une connexion internationale sur l’Internet.

La troisième raison selon ces mêmes sources, part du lancement du projet national SDNP/RDD 353 Réseau de Développement Durable, en octobre 1996 suivi d’une signature entre le gouvernement gabonais et le PNUD qu’entouraient certains partenaires parmi lesquels le Canada et la France d’accords pour financer ledit projet.

La quatrième motivation ayant conduit le Gabon à s’équiper fut l’installation d’une connexion internationale Internet par l’opérateur national OPT, qui fut inaugurée par le chef de l’État lui-même. Dans quel intérêt alors connecter le pays au réseau mondial ?

L’intérêt d’une telle démarche repose sur le nécessaire partage de l’information. Les services publics disposant d’une masse d’informations susceptibles d’intéresser les chercheurs, les étudiants, les citoyens, les collectivités locales, les entreprises tant sur le plan national que sur le plan international, l’objectif était donc de permettre un accès facile à cette masse d’information. Cela, considère-t-on souvent, dans l’optique d’un développement durable. Développement qui soit dit en passant, sous-tend une évolution progressive vers un État de droit et vers la bonne gouvernance. Mais dans quel objectif alors ?

Le projet SDNP/RDD visait une plus grande accessibilité et une visibilité de l’information publique par les citoyens, pour soutenir la prise de décision et le développement. Le concept fondamental qui sous-tend le projet est l’établissement au niveau national d’une capacité à générer, à exploiter et échanger l’information adaptée entre divers partenaires nationaux en vue de la prise de décision et pour promouvoir un développement durable.

Dans tous les cas, cette société de l’information en gestation ne pouvait voir le jour sans une utilisation accrue des Nouvelles Technologies de l’Information et de la communication. Ainsi était-il nécessaire de promouvoir le réseau Internet. Dans le souci d’accroître la collaboration entre les différents acteurs du développement.

À en croire le PNUD, le projet SDNP/RDD devait permettre, à la fois de rendre l’accès à l’information disponible à l’extérieur via les connexions internationales et d’assurer une disponibilité plus grande à l’échelle nationale d’un réseau de partenaires.

Le projet Réseau de Développement Durable en promouvant les Nouvelles technologies de l’Information, devait favoriser la production, l’organisation, l’accès généralisé et l’échange permanent de données et d’informations entre les différentes institutions nationales, internationales, et sous régionales partenaires du développement. L’objectif ici était de collecter les informations afin que toutes les personnes ayant un pouvoir décisionnel (acteurs politiques et économiques) disposent de l’information en temps réel. Mais aussi théorique que cela ait paru, le projet RDD est resté au stade des bonnes intentions. Plus encore, ses résultats se font toujours attendre à Libreville. Malgré le grand espoir qu’eut suscité ce projet, la société de l’information au Gabon est loin d’avoir vu le jour. Selon un expert gabonais des NTIC, Edgard Mandrault, le Gabon n’a pas tenu ses engagements vis à vis de ses partenaires 354 associés au projet.

L’incapacité de l’État gabonais à tenir ses engagements vis à vis de ses associés RDD est l’illustration de l’impréparation des dirigeants gabonais à entrer dans la société de l’information. Ce qui, jusque là a été fait dans le domaine technologique ressemble à de l’amateurisme, à défaut d’être simplement du suivisme.

Parmi les autres facteurs qui attestent de cette impréparation, le constat d’un constant coût élevé du matériel informatique. En effet, le matériel informatique au Gabon continue d’être taxé comme produit de luxe. Or il serait nécessaire de détaxer l’ordinateur afin de permettre à tout un chacun de se l’approprier.

Autre signe de cette impréparation, "le boom" de la téléphonie mobile n’est pas canalisé. L’Agence de Régulation des Télécommunications récemment créée, ne joue pas encore véritablement son rôle. Le ministre de la Communication des Postes et des Technologies de l’Information ne s’investit que dans le cadre de la Radio Télévision Gabonaise (RTG).

Tout ce qui concerne les NTIC au Gabon est géré par Gabon Télécom. Nous affirmons donc la thèse d’une impréparation de l’État gabonais à la société de l’Information. Comment ne pas l’affirmer quand on sait que des pays mieux préparés comme l’Égypte ont mis en place un Département spécialisé pour piloter les NTIC ? La promotion des Technologies de l’Information dans d’autres pays d’Afrique est gérée au plus haut niveau de l’État. Or, dans le cas du Gabon, nous faisait remarquer un informateur qui connaît l’institution, le Président de la République est entouré de tous les Conseillers, sauf de celui chargé des questions sur les NTIC.

Nous pensons donc que le Président de la République doit lui-même montrer l’exemple en s’appropriant les Nouvelles technologies de l’Information. Cela montrerait l’importance qu’il accorde à ce secteur. Ce n’est pas un gage de bonne gouvernance de déléguer à Gabon Télécom qui est une entreprise privée (bien qu’ayant des capitaux publics) tous les pouvoirs de réfléchir sur la politique en matière des NTIC de tout un pays. Une société privée ne saurait avoir une politique nationale. Gabon Télécom, comme toute entreprise, il n’a qu’une vision stratégique.

Notes
352.

DGABD, NTIC, Primature Gabon.

353.

Le programme SDNP/RDD (Système des Nations pour le Développement Durable) avait été lancé en 1998 par le PNUD. Celui-ci a pour but de favoriser l’utilisation des NTIC, notamment l’Internet dans le but d’accroître la collaboration entre les différents acteurs et opérateurs du développement humain durable.

354.

Les partenaires associés au projet Réseau pour Développement Durable (RDD) sont : la Coopération Française, la Coopération Canadienne, l’OPT ainsi que le PNUD.