7.1.1 L’Afrique dans la mondialisation

Dans la réalité des faits, l’Afrique est encore loin d’atteindre toutes les performances économiques requises pour s’affirmer dans la nouvelle société mondiale. Sur le plan commercial, les sources statistiques fiables sont unanimes à reconnaître que la part de l’Afrique dans le volume des échanges internationaux est en deçà de 2% 361 . L’agriculture africaine 362 est structurellement déficitaire par rapport à sa mission première qui est celle de nourrir la population.

L’Afrique jusqu’aujourd’hui, demeure largement tributaire des importations pour son approvisionnement en denrées alimentaires, tant en zones urbaines que rurales. Et l’écart toujours grandissant entre la croissance de la démographie et l’augmentation de la production vivrière est de nature à assujettir durablement l’Afrique aux importations pour son alimentation quotidienne.

Les performances réalisées dans sa branche exportatrice sont encore insuffisantes pour lui permettre de répondre favorablement aux impératifs de développement. Au niveau industriel, l’Afrique demeure le continent le moins industrialisé de la planète. Toutes les politiques industrielles dont l’adoption a été fructueuse dans d’autres parties du monde en développement (particulièrement en Asie, et en Amérique latine) n’ont donné que des résultats décevants sur le continent. Son paysage industriel est resté très pauvre, alors que, paradoxalement, des potentialités réelles d’industrialisation y existent. Dès lors, les entreprises africaines (à capital social majoritairement africain) n’arrivent pas à atteindre leur vitesse de croisière, en dépit des protections 363 dont elles ont bénéficié, de manière à se comporter efficacement sur le marché industriel mondial. Un tel sous-développement industriel est de nature à exclure l’Afrique du jeu industriel mondial, qui constitue l’un des principaux maillons de la mondialisation. Que doit donc faire l’Afrique pour être un partenaire crédible de la mondialisation ?

Pour être un partenaire crédible de la mondialisation, l’Afrique devrait en premier lieu consacrer l’exploitation de ses ressources au développement du continent. La Côte d’Ivoire est depuis près de trois décennies, le premier producteur mondial de cacao. Le Nigeria est le sixième exportateur mondial de pétrole.

Le Gabon, la République du Congo, l’Angola, la Guinée équatoriale,…regorgent de ressources énergétiques. C’est dire combien les pays africains disposent de matières premières. Si ces opportunités s’offraient à certaines parties du monde, si elles étaient exploitées rationnellement pour consolider les acquis du développement, elles contribueraient à accroître le bien-être des populations qui y vivent.

Or, les politiques économiques engagées jusque là en Afrique ne visent pas cette perspective. Au lieu de s’investir dans le sens qui vise l’intérêt général, nous assistons plutôt en Afrique à un «pillage des ressources naturelles». Il est grand temps que l’échec des politiques dictées de l’extérieur ainsi que «la fracture numérique» en question incitent les décideurs africains à réviser les politiques pratiquées jusque-là. Une identification de nouveaux points d’ancrage qui puissent concourir à la croissance ainsi qu’au développement des technologies de l’information s’avère nécessaire car on peut le dire, l’industrialisation du continent en dépend.

En deuxième lieu, il apparaît urgent d’engager et d’exécuter des politiques stratégiques de développement moins dépendantes des institutions de Bretton Woods. L’expérience vécue à travers la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel que nous avons étudié § 2.1.1, p. 234, est révélatrice de la nécessité d’un changement de politique. Initialement, ces programmes (PAS) visaient à aider l’Afrique à venir à bout de ses difficultés économiques. Mais, à l’examen des résultats de près de quatre décennies d’adoption de politiques "dictées" par le Fonds monétaire International (FMI) et la Banque mondiale, tout porte à croire que l’état des économies africaines s’est détérioré davantage.

On peut donc sans exagération, affirmer que l’Afrique, dans certains aspects de la gestion de son économie, est devenue plus ultra-libérale que les bastions du capitalisme eux-mêmes. Elle ne peut certes pas évoluer à contre-courant de l’économie dominante, mais elle se doit, selon nous, d’adopter le capitalisme africain 364 et non le capitalisme en Afrique.

Ce capitalisme africain lui permettrait de pratiquer l’économie de marché en y intégrant ses propres valeurs et en y injectant une dose raisonnable d’interventionnisme fondée sur ses réalités quotidiennes. Car, disons avec Ziegler (1988) que le «sous-développement apparaît (aussi) comme un symptôme de déchéance culturelle et identitaire ».

Notes
361.

Jeune Afrique Économique (J.A.E), n° 343, du 29 septembre 2002.

362.

La situation de l’agriculture africaine a fait l’objet d’une attention particulière de la part des manifestants contre le Sommet du G8 à Evian (juin 2003). Des membres de l’organisation internationale d’aide humanitaire Oxfam ont mis en scène, en marge de ce Sommet, deux marionnettes géantes de George W. Bush et de Jacques Chirac. Ils attendaient ainsi interpeller les chefs d’État sur la situation critique de l’agriculture africaine. Article paru dans Metro, du 3 juin, 2003, p.5.

363.

Nous pouvons entre autres, citer les partenariats avec les entreprises des pays industrialisés qui prennent l’allure d’aide au développement industriel.

364.

Nous entendons par capitalisme africain, un capitalisme qui privilégie l’échange de capitaux entre pays africains. La mise en place des coopératives, un développement de la coopération régionale et inter-régionale. Avec à l’appui une agriculture qui promeut une alimentation de qualité, respectueuse du consommateur et de l’environnement. Une agriculture qui privilégie les produits locaux, les produits biologiques.