7.1.2 Les NTIC comme moyen d’insertion de l’Afrique à la société mondiale

Les lunettes macro-économiques montrent que l’Afrique sub-saharienne connaît une stagnation de la productivité, une perte de compétitivité et des déséquilibres financiers internes et externes difficilement gérables. Face à une telle situation au niveau économique, le développement des NTIC apparaît à nos yeux comme une solution à l’insertion de l’Afrique à la Société mondiale de l’Information.

L'analyse de la situation antérieure montre que les solutions au «décloisonnement» des pays en voie de développement doivent s'articuler autour de choix technologiques permettant à la fois de réduire les différents coûts d'accès à l'information, mais surtout de créer des masses importantes d'utilisateurs pour rentabiliser les investissements. L’insertion des techniques modernes de communication pourrait permettre entre autres, de désenclaver les régions géographiquement éloignées.

Ce qui favoriserait la participation des populations marginalisées à la vie publique aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Les chercheurs africains trouveraient aussi leur compte, car par les NTIC ils trouveront le moyen de s’insérer dans les réseaux du savoir mondial.

Mais la mise en œuvre des technologies de communication, notamment Internet et les ordinateurs multimédia suppose au moins deux préalables : disponibilité de l'outil informatique ; existence d'un réseau de télécommunications fiable. En somme «une politique d’accès» qui s’articule autour des «stratégies nationales pour les NTIC». Car dans ces deux domaines on observe que la situation est très inégale entre les pays développés et les pays dits en voie de développement. D'ailleurs même entre les pays africains eux-mêmes il existe des divergences.

Et dans le cas d'espèce, ce ne sont pas forcément les pays les plus nantis économiquement qui sont les mieux équipés : le Sénégal par exemple dispose d'un équipement technologique meilleur que celui du Gabon pourtant plus riche. Le réseau de télécommunications sénégalais est entièrement numérique, alors que celui du Gabon est seulement en passe de l'être 365 .

Cet écart pays riche/moins riche (Gabon/Sénégal) dans la qualité de l'équipement en TIC démontre bien que le degré de richesse d’un pays n’est pas forcément représentatif de son degré d’équipement technologique.

En outre, dans un pays comme le Gabon, l’accès au réseau Internet pour accéder au service du type courrier électronique n'est envisageable que dans la capitale Libreville, ainsi que dans les grandes villes des Régions : Port-gentil, Mouila, Oyem, Franceville, Lambaréné, Tchibanga, Makokou, et Koulamoutou. Les petites villes quant à elles en sont totalement dépourvues.

Cela dit, l’absence d’une politique d’accès ajoutée à un manque de stratégie nationale pour la promotion des NTIC constituent une véritable épine au rayonnement technologique africain.

À côté des considérations techniques et stratégies précédemment évoquées ce pose un autre problème qui est celui de l'enjeu des systèmes d'enseignement et de recherche qui demandent de rester à l'écoute de ce qui se fait dans le reste du monde et d’être en adéquation avec les besoins socio-économiques sous-régionaux.

C'est pourquoi le débat sur l'apport des nouvelles technologies de l'information et de communication fait apparaître deux visions différentes : l’une, optimiste, qui perçoit les NTIC comme une panoplie de moyens nouveaux qu'il faut s'approprier afin de relier le continent au reste du monde et de le conduire au saut technologique indispensable pour combler son retard ;

et la seconde approche, beaucoup plus réservée, parce que concevant la montée des NTIC comme une nouvelle forme de domination du modèle culturel occidental. Ces différentes approches sont aujourd’hui à l’origine d’un débat en Afrique.

Pour certains, tel Mouhamed Tidiane Seck 366 ce débat ne peut être tranché que par une participation offensive et positive au dialogue mondial, en tirant parti des possibilités offertes par ces technologies pour créer les courants d’échanges indispensables entre nos pays, pour valoriser nos complémentarités et marquer notre présence dans le monde par la production de contenus de qualité aptes à faire apprécier nos ressources et nos potentialités par l’extérieur.

L’essentiel des produits proposés via l’Internet étant américain, l’un des problèmes majeurs réside dans la lutte contre la domination culturelle américaine qui conduit inéluctablement vers l’uniformisation culturelle. La mondialisation doit donc se faire dans la diversité. Car un monde qui ne s’exprime que dans une seule et unique langue accouchera inévitablement d’une pensée unique et donc d’une culture unique, ce qui pourrait conduire à une occidentalisation du monde. Nous posons donc le postulat d’une représentativité multiculturelle sur le réseau Internet et une meilleure appréciation par les instances compétentes de la production des biens et services provenant d’Afrique.

L’un des signes marquant de cette insertion : par le moyen du téléphone mobile, les Africains parviennent désormais, où qu’ils soient, de se parler sans discontinuer. Ce qui, malgré quelques écueils 367 encore existants, constitue pour les populations 368 africaines une avancée considérable.

Notes
365.

Le 17 août 2003 à Mouila, l'Administrateur Directeur Général de Gabon Télécom S.A lançait officiellement (en présence du Chef de l'Etat gabonais) la mise en service des «centres techniques numériques de nouvelle génération de type OCB 283 de fabrication ALCATEL. Autocommutateurs d'une capacité de 2000 abonnés» de Lambaréné et de Mouila. Cf document © Direction de la Communication /août 2003/ email.dircomgt@gabontelecom.ga.

366.

Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Département Génie Informatique, mai 1997.

367.

Coûts élevés de la communication, fiabilité des réseaux (encombrement «bugs», etc.)

368.

Clémence auprès de qui nous avons enquêté admet que « le coût du portable constitue une charge au même titre que l’eau, l’électricité, le gaz, mais ce moyen a la spécificité de nous rendre souples et disponibles dans le temps et l’espace. On se demande maintenant comment avons-nous fait pour vivre sans portable » ?