7.2.2 Constat d'une rétention de l’information au Gabon malgré l'existence d'un cadre réglementaire

La nécessité de s'interroger sur le partage de l'information au Gabon est si importante que nous l'assimilons à la réflexion sur la bonne gouvernance.

Nous l'avons vu dans la partie précédente. Le mariage de l’ordinateur et des télécommunications offre des perspectives fascinantes pour le développement.

Ce postulat s'étend d'ailleurs déjà au-delà du cadre étatique. Car partout dans le monde, (cas des pays émergents d'Asie, l'Europe, etc.), le partage de l’information devient, aujourd'hui, plus qu'hier, une véritable consigne de management. D'autres admettront que communiquer est un droit.

Sur l’impérieuse nécessité de faire circuler l’information au Gabon, chacun semble avoir son appréciation. Certes, le législateur a mis en place une batterie de mesures garantissant au citoyen «la liberté d'expression, de communication sous réserve préservation de l'ordre public, etc. 374 ».

Certes la Constitution gabonaise fait même déjà mention des communications mobiles qu'elle considère «comme inviolables» et fixe dans le domaine informatique les limites de l'usage pour « sauvegarder l'Homme, l'intimité personnelle et familiale des personnes et le plein exercice de leurs droits.» Certes pour mieux gérer la circulation de l'information, des institutions ad hoc telles le Conseil National de la Communication, la Commission Nationale de l'Informatique, l'Agence de Régulation des Télécommunications, ont été mises en place 375 . Mais de l'avis des observateurs, ces institutions ainsi que ceux qui y travaillent ne font pas profiter le public de son droit de communiquer et d’être informé.

On peut fustiger pour cela la manière dont l'information circule au Gabon. Dans ce pays le partage de l'information pourrait se résumer en termes de : Personne ne sait jamais rien ! Au pire, on distille de fausses informations.

Ainsi l'information rime t-elle avec rumeurs, commérages, ragots que les Gabonais appellent le «Kongossa 376 ». La bonne information susceptible de faire la promotion du savoir-faire est quasi absente. Absence de culture de l'information ou prédominance du culte du secret ?

Toujours est-il que le substrat culturel induit par le fort attachement aux nombreuses sociétés initiatiques 377 basées sur la conservation du secret de l'initiation influe sur le comportement des citoyens. En effet, tous les rites initiatiques parmi lesquels figurent des rites de maturation exigent en Afrique la conservation du secret. Tout ce qui est enseigné lors de l'initiation reste l'apanage des initiés et de « eux-seuls ». C'est donc cette consigne de l'initiation qui passe pour être une règle de vie. Nous affirmons donc la thèse d'une quasi-absence de culture de partage et de diffusion de l'information pour le développement au Gabon.

Poser le problème du partage de l’information, c’est reconnaître le citoyen dans la société mondialisée comme acteur et non sujet de la mondialisation. Facteur structurant, l’information en tant que production sociale, a une emprise transversale sur l’ensemble des activités humaines. C’est le cas du rôle éducatif qu’elle joue pour le renforcement de l’espace des droits et libertés. Que voit-on dans l’administration publique gabonaise ?

Pour citer un rapport de l’ONU 378 , « la fonction publique au Gabon souffre, (en plus de la quasi inexistence du partage et de la diffusion de l'information), d’un laxisme profond et est affectée par une corruption relativement importante ».

La dénonciation de ces maux qui minent le bon fonctionnement de l’administration, témoigne d’un fait récurrent : le problème de l’éthique de la fonction publique au Gabon, en particulier celui de l’inapplication des textes administratifs et juridiques correspondants.

Au nombre des pratiques illégales ou répréhensibles de la part des agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions le Rapport des Nations Unies cité plus haut relève notamment 379  :

Ainsi donc, en plus d’une volonté délibérée de retenir l’information dans les services, la fonction publique gabonaise souffre aussi des comportements qui entravent sa circulation. Ce Rapport de l'ONU a surtout le mérite de présenter ce qui peut être considéré comme le contexte moral de l’administration gabonaise. Un contexte qui ne favorise pas, loin s’en faut la communication.

‘«Les informations, c'est le plan d'investissement d'une entreprise, c'est le point faible de celle-ci, il ne faut donc pas les divulguer (…) les informations disponibles ce sont souvent des informations dépassées 380 (…)».’

N'allez surtout pas au ministère de l'Éducation nationale pour vous renseigner sur la date à laquelle seront proclamés les résultats du concours d'entrée en 6ème 381 , personne ne saura vous renseigner.

Dans ces services et administrations, on communique donc mieux sur "les faits divers 382 ". Et lorsqu'il s’agit «de faire passer l’information», les langues se lient : tout le monde perd son latin. Conséquence : moins d’informations, moins d’efficacité consécutive à une perte de temps causée par la lourdeur administrative tant redoutée dans l’administration.

Notes
374.

Titre préliminaire de la Constitution gabonaise.

375.

Pour d'amples informations, voir : «Le Gabon, l'Internet et l'accès à l'information», http://www.unesco.org/webworld/infoetics_2/eng/papers/paper_3.htm. Et pour tout contact : ayimambenwe@inet.ga.

376.

Expression, l'argot à la mode aujourd'hui au Gabon pour qualifier les commérages, la délation et la diffusion d’informations non fondées. Un site Internet Kongossa.com aurait même été monté.

377.

Bwété ou Bwiti, Mwéli, Mbêtê Ngouba, etc. pour les rites masculins, Bolo, Mabandzi, Elombo, etc. pour les rites féminins. Voir sur cette question S. Bodinga Bwa Bondinga, in « Tradition Orale de la Race Eviya », 1969.

378.

Sur «l’éthique de la fonction publique en Afrique» volume2, in http://www.un.org/intradoc/groups/public/documents/un/unpan006155.pdf

379.

Nous citons ici uniquement les pratiquent qui entravent le bon fonctionnement de l’information ainsi que sa diffusion.

380.

Dixit, un Directeur Technique de l'un des opérateurs de la téléphonie mobile (rencontré en août 2004) en réponse à notre demande des derniers chiffres de la société.

381.

L'entrée en sixième au Gabon reste toujours conditionnée par l'admission au concours prévu à cet effet. Un élève peut avoir fourni d'excellents résultats tout au long de l'année, s'il échoue à ce concours, il reprend le CM2. L'attente des résultats est donc une période angoissante pour les candidats et leurs familles.

382.

Qui sort avec qui ? Qui est la maîtresse de qui ? Qui est-ce qui roule dans le dernier 4x4, etc.