8.1.2 L’État se serait-il désengagé ?

Le téléphone fixe hier, le mobile aujourd’hui, tout le monde en parle, certains l’ont, d’autres l’appréhendent. Le réseau du mobile, très prisé en Afrique, même s’il fait des émules connaît encore des problèmes d’extension en vue d’une couverture nationale globale. La demande du mobile au Gabon (environ 415.000 usagers 396 ), même si elle est importante, connaît des sérieuses entraves quant à son extension au niveau national. Cette réalité est imputable à deux facteurs majeurs : les carences (état de réseaux, leur faible extensibilité) de l’infrastructure héritée du réseau filaire de la société étatique OPT 397 , mais aussi et surtout, l’absence d’une réelle politique d’investissement technologique. «En matière de télécommunications, après avoir ouvert le marché aux investisseurs étrangers, l’État s’est totalement lavé les mains» a argumenté Thierry un jeune gabonais employé à Celtel.

L’engouement constaté au Gabon dans l’usage du mobile provient selon toute vraisemblance de l’intérêt qu’attachent les usagers eux-mêmes de ce média. Il ne semble pas corrélé par une quelconque politique incitative de la part des pouvoirs publics. «Nous ne disposons même pas de cybercafés publics. Le gouvernement devrait mettre en place des cybercentres à coûts de connexions raisonnables afin d’inciter les Gabonais à mieux se familiariser avec cette technologie (Internet)» faisait remarquer Tatiana, une étudiante de 22 ans son téléphone portable à la main. L’État devrait donc accompagner cette euphorie en incitant par exemple les populations à s’intéresser à tous «les nouveaux moyens de communication» à travers une politique de formation aux outils de communication dont l’Internet. Car avons-nous constaté, l’usage de l’Internet reste effectivement l’apanage de quelques autodidactes, curieux de découvrir «la magie d’Internet» et soucieux de ne pas se laisser dépasser.

Le transfert de l’initiative économique au secteur privé est une composante des politiques d’austérité dictée par les instances internationales 398 en cours dans la plupart des pays africains. Le secteur privé devient progressivement “le seul maître d’œuvre” des transferts de technologie entre le monde développé et les pays moins avancés. Non seulement parce que la gestion des entreprises relevant du secteur privé s’avère plus ou moins saine, mais aussi parce que l’initiative économique tourne le dos aux secteurs non porteurs.

Cette “privatisation” des transferts de technologie contribue, on le voit, à la pérennisation d’économies à deux vitesses où une majorité de la population, principalement rurale (70% de la population au Sénégal par exemple), est exclue du progrès technique. L’État s’étant désengagé, l’Africain n’a plus qu’un rôle mineur à jouer dans cette nouvelle donne du jeu économique. Et c’est en ce moment qu’est sollicitée l’intervention des organismes internationaux dans le cadre des politiques d’aide à l’investissement technologique, mais aussi dans le développement des filières agricoles qui accusent les plus importants retards technologiques actuellement.

La tâche n’est sûrement pas aisée. Celle-ci passe non seulement par des politiques d’incitations financières, mais aussi par un effort d’identification (reconnaissance) et de promotion des filières d’avenir, soutenue par une véritable expertise en termes de faisabilités de projets. Pour cela, les États africains devraient conjuguer leurs efforts et lier leurs faiblesses pour constituer une force.

Notes
396.

Chiffres 2004 de l’ARTEL, in http://www.africatime.com/gabon/popup.asp?no_nouvelle=175774. (26/02/2005).

397.

Une étude menée en avril 2002 par Gabon Télécom montrait la faible efficacité (17%) des communications, notamment à l’international. OP ; cit. Mission économique de l’Ambassade de France, 2002.

398.

Fonds monétaire international et banque Mondiale. Au Gabon, le FMI a récemment conclu un accord qui, entre autres conditionnalités, prévoit l’accélération du processus de privatisation des entreprises publiques parmi lesquelles Gabon Telecom. Le Syndicat des Professionnels des Télécommunications (SYPROTEL) s’inquiète du manque d’information sur ce processus et a menacé d’entrer en grève si la direction de Gabon Telecom, n’ouvrait pas un dialogue avec le personnel sur la dimension sociale de la privation. Le SYPROTEL exige par ailleurs également que tous les agents de l’ex Office des postes et télécommunications du Gabon (OPT), entreprise scindée en deux entités - Gabon Poste et Gabon Telecom - bénéficient «à titre gracieux» de 15% des actions de Gabon Telecom. In, http://www.csdptt.org/article293.html