8.2.1 Appuis et obstacles à l'investissement technologique

Dans la chaîne menant à l'investissement technologique, le Gabon est lourdement pénalisé par le nombre de maillons manquants.

En amont, ce sont la formation, la recherche et le développement. On pourrait ajouter à cela le fait qu’il y ait une absence de politique d'identification des besoins. Dans le domaine de la formation, qui à notre avis est le principal chaînon pour une maîtrise technologique, les efforts fournis par le Gabon sont insignifiants.

Le pays souffre d'un cruel manque de structures de formation. Il avait été créé en 1971, un Institut Africain d’Informatique (I.A.I) basé à Libreville au Gabon afin de combler les carences du continent en informaticiens. Mais depuis plus dix ans, cet établissement souffre de graves problèmes de fonctionnement du fait notamment de la dégradation des structures d’accueil et du non-versement par les États membres de leurs cotisations 406 .

L’IAI qui vit des cotisations des États membres 407 accueille les étudiants boursiers venus des différents pays du continent. Á l’image du fonctionnement de cet établissement qui était sensé former l’élite africaine dans le domaine informatique, l’École Nationale de Postes et Télécommunications (ENPT) qui forme entre autres, les techniciens, et ingénieurs en télécommunications connaît des problèmes similaires. Au final, la plupart des techniciens de haut niveau que compte le Gabon sont formés à l'extérieur du pays.

Peut-être est-il nécessaire, (pour montrer l'ampleur du phénomène), de souligner que même dans le cadre de la formation générale qui relève de l’enseignement Supérieur, le Gabon envoi encore des milliers de ses étudiants (quand ce n'est pas un choix personnel de ces derniers), dans de nombreux pays africains 408 .

C'est dire si la formation est réellement une priorité pour les dirigeants de ce pays. Un seul chiffre dont nous disposons (Franklin Assoumou Ndong, 1998) illustre ce fait : en 1997, les dépenses de l’État gabonais en matière d’éducation s’élevaient seulement à 3% en moyenne du PNB alors qu’elles étaient pour l’ensemble de l’Afrique Subsaharienne à 5,8%. Que fait-on de la formation quand on sait qu'«un pays vaut ce que vaut son école» ?

Ces chiffres montrent s’il en était encore besoin que la priorité des dirigeants gabonais se trouve ailleurs que dans l'éducation 409 . Si pour des formations relevant du premier cycle universitaire le Gabon se voit encore "obligé" d’expatrier ses étudiants, à quelle formation peut-on alors prétendre sur place ? Certes, quelques efforts sont parfois fournis par l'État pour accompagner la formation par l'octroi des bourses à ses étudiants, mais cela ne relève pas d'une véritable politique de formation. D'abord parce qu'à comparer au PNB du pays, cette aide financière est dérisoire 410 . Ensuite, aucune mesure pour l'insertion des personnes formées "prises en charge par l'Etat" n'est envisagée à la fin de leur cursus 411 .

Et, comme si cela ne suffisait pas, il règne au sein de l’organisme chargé de gérer les bourses : la Direction Générale des Bourses et Stages (DGBS) une gestion opaque 412 de ces allocations. Revenant sur la formation à proprement parler, beaucoup fustigent le manque de structures de formation en Sciences et Techniques de Communication.

Il n’existe pas au Gabon d’école de journalisme, pis encore, les Sciences de l’Information et de la Communication ne sont pas encore inscrites dans les programmes d’enseignement de la première et plus grande université du Gabon.

Les dysfonctionnements observés dans les écoles spécialisées, l’insuffisance des moyens mis à disposition ainsi que l’absence de certaines formations dans les établissements supérieures font que, en amont, le montant alloué pour suivre une formation est dérisoire, et en aval, les bourses attribuées sont pléthoriques privant ainsi les personnes disposant du bagage intellectuel requis pour suivre ou poursuivre des formations dans de secteurs de pointe à l’étranger sont privés de financement.

Notes
406.

En mars 2004 les étudiants de certains pays ont été exclus des salles de classe « pour non-payement des cotisations par leurs États ».

407.

Gabon, Cameroun, Congo, Bénin, Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad, Togo, Niger.

408.

Comble de toute aberration, le Sénégal, le Togo, et le Bénin, pourtant moins nantis que le Gabon, disposent eux, de structures universitaires pour accueillir les étudiants gabonais.

409.

Le 18 mars 2004 cf. le Journal 'Union", le Gabon se félicitait de recevoir 3 milliards de Fcfa (4.573.470,52 euros) de l'UE qui s'engageait (ainsi) à financer sur une période de 4 ans, le Programme d'appui à l'éducation de base.

410.

Le montant mensuel de l’allocation d’étude d’un étudiant gabonais en France s’élève à 399 euros par mois.

411.

«Pendant longtemps, le Gabon a vécu avec le mythe du plein emploi» explique le sociologue Anaclet Bissiélo (Ecofinance n° 44, juin 2004, p. 92). «En sortant de l'école ou de la Faculté, chacun était sûr de trouver une place dans le secteur public. Tant qu'il y a eu de l'argent, le système a fonctionné (...)».

412.

De nombreuses Commissions d’attribution de bourses ont lieu en dehors du calendrier officiel, et ce, à l’insu du grand public. De fortes rumeurs disant qu’il est possible de bénéficier d’une bourse de l’État pour peu qu’on verse 465 euros à l’une des personnes siégeant à la Commission, et de préférence à un agent du service informatique qui aurait la capacité de substituer des noms à défaut d’en supprimer selon son gré courent au Gabon.