9.2.2 Objet personnel d’échange et de communication tous azimuts

Pour les jeunes, un peu comme nous l’avons vu chez les «branchés» africains, la possession d’un portable doit être connue de tous.

Ainsi considèrent-ils que tout leur entourage, amis et connaissances doivent systématiquement connaître leurs numéros de téléphone. Nous sommes ici, contrairement aux adultes, dans un contexte de vulgarisation du numéro de téléphone. «Si je ne donne pas mon numéro, personne ne m’appellera ! Alors, il me sert à quoi mon portable si on ne m’appelle pas» ?, nous a confié Thierry un «branché» de 17 ans. Le constat de deux approches diamétralement opposées du téléphone cellulaire se fait donc jour. Chez les plus âgés, la tendance est plutôt à la rationalisation de l’usage du mobile. Alors que transparaît chez les jeunes (lorsque les moyens le permettent) un usage à tout va.

Cela étant, il est important de faire remarquer que cette diffusion tous azimuts du numéro du téléphone mobile chez les jeunes est à l’origine de la considération selon laquelle tout appel téléphonique est important. Ou plutôt, un téléphone mobile qui ne sonne pas est ennuyeux. Ceci se traduit chez ces jeunes par une habitude qui consiste à ne presque jamais éteindre leurs téléphones. Et par la difficulté de le leur demander : cela, même dans des endroits où la sonnerie est jugée dérangeante.

Il est toujours à portée de main, y compris la nuit pour pouvoir le sentir vibrer ; il est regardé et consulté en permanence 475 et de façon quasi systématique (réflexe ?) à la sortie des cours. De ce fait, nous dit Kaufmann, 2001, le téléphone portable s’intègre aux habitudes personnelles, constitutives de l’identité. Cet usage ostentatoire du téléphone mobile est vraisemblablement à l’origine d’une certaine réticence qui se manifeste à l'égard de ce média. Certaines personnes sont presque devenues réfractaires aux sonneries de téléphones mobiles, et les ressentent comme une véritable agression. Il y a donc tout le lieu de parler désormais de «malaise du portable».

Ce ras-le-bol est particulièrement véhément à certains endroits publics sensés assurer une certaine «sympathie sociale» à ceux qui les fréquentent : c’est le cas des transports en commun, des restaurants, et surtout des bibliothèques et salles de travail où l’usage doit carrément être prohibé.

Du fait du retentissement de la sonnerie d’un portable à un endroit jugé «non conventionnel», celui qui reçoit un appel ressent généralement une certaine gêne. Gêne qui n’est que la conséquence d’un acte posé antérieurement : celui de communiquer son numéro de téléphone à un tiers. C’est donc cet acte qui le rattrape et le surprend parce que survenant à moment où il s’y attend le moins.

C’est en cela que le portable demeure un objet d’échange et de communication tous azimuts. Toutefois, les réflexes ne sont pas les mêmes selon qu’on est au Nord ou au Sud.

Notes
475.

Surtout qu'il sert de montre aussi.