11.2.1 Une occidentalisation source de déculturation

Grâce entre autres à la téléphonie, vivre en autarcie, recroquevillé sur soi-même dans cette société mondialisée, devient un comportement quasi-inimaginable. Avec la multitude des moyens de communication : le téléphone, le fax, l’Internet, etc. à l’origine de « la pression d’une culture de l’immédiat », l’individu est désormais plongé dans une situation d’injonctions répétées 586 où il doit choisir, réagir et décider vite et bien.

Ce souci de réactivité oblige désormais l’individu à être d’une façon ou d’une autre, de manière quasi permanente, « branché ». Il s’agit d’être à la fois en situation de ne rien rater, c’est-à-dire à l’écoute de ce qui se fait, et de ce qui se passe ailleurs. D’où la quasi-généralisation des modes de vie occidentaux en Afrique. Cette assimilation, disons-le, est liée à un comportement qui consiste à calquer parfois aveuglément les habitudes occidentales.

Traitant du téléphone mobile, nous tentons de démontrer dans ce travail que ce média n’est plus l’apanage des seuls pays riches. Dans les pays du Tiers-monde, le téléphone mobile est devenu un « must », pouvant parfois être considéré comme un symbole de l’accession au niveau de vie occidental. Beaucoup de personnes rencontrées dans le cadre de nos enquêtes justifient d’ailleurs leur attachement au téléphone mobile pour des raisons de modernité : « Il faut évoluer et vivre avec son temps, le portable c’est un signe de modernité » avons nous appris de la plus part de nos interlocuteurs.

En outre, si ce qui apparaît comme une occidentalisation de la société présente des avantages que nous énumérons plus haut, elle est cependant (sur un autre plan), à l’origine de la déculturation des peuples du Sud. Nombreux sont les Africains qui ignorent un pan important de leur culture n’ayant plus pour référence que leur culture d’adoption. Sur le plan linguistique 587 par exemple, le cas du Gabon présente une fois de plus un particularisme hors pair.

Le Gabon en effet, est l’un des rares pays d’Afrique à ne pas disposer d’une langue nationale comme le Wolof au Sénégal, le Douala au Cameroun, le Lingala dans les deux Congo et le Sango en République centrafricaine. Avec une cinquantaine de langues nationales dont aucune n'est majoritaire 588 , le Gabon est plutôt un pays multilingue. Et cette méconnaissance de ce qui peut être considéré comme le premier des repères culturels est, c’est notre thèse, de loin, un signe d’une grande déculturation.

Mais la langue c’est aussi un signe d’appartenance sociale susceptible de consolider les liens sociaux. Sa méconnaissance est donc une indéniable preuve de déculturation.

Notes
586.

Nous l’avons plus haut en parlant de l’aliénation des salariés.

587.

Les NTIC peuvent servir de supports importants pour la promotion des cultures, dont les langues, mais à condition de les connaître ce qui n’est pas souvent le cas.

588.

Il y a des langues importantes sur le plan numéraire c'est le cas du Fang 32 %, du I-nzébi 30 % du Pongwè 15 %, du Ipunu 12 %, etc. voir http://www.tlfq.ulaval.cq/axl/afrique/gabon