INTRODUCTION

PRESENTATION DU SUJET

La problématique générale

Le passage du deuxième au troisième millénaire s’est fait sous le signe de la mondialisation. Le problème n’est pas nouveau mais depuis les années 70 surtout, la mondialisation est devenue « une tendance lourde », un mouvement irréversible, avec les migrations de populations, l’interdépendance économique, les mélanges culturels…Certains dénoncent les dangers de dérives vers un monde qui valorise à l’excès l’esprit de compétition et la concurrence et oublie les hommes et la nécessité d’assurer leur bien-être, D’autres y voient une grande chance pour l’humanité. La mondialisation est donc un enjeu énorme qui suscite débats et affrontements : comment concilier l’héritage national et l’intégration dans la communauté mondiale, quels objectifs faut-il viser en priorité ? performances économiques, contacts entre cultures différentes… ? Quel contenu donner à la notion de solidarité ?…

Ce monde est aussi un monde d’inégalités. Un continent entier, l’Afrique, s’enfonce, les inégalités sociales se creusent un peu partout et déstabilisent les sociétés. Comment imaginer que ces injustices restent encore longtemps supportables par ceux qui en sont les victimes. Cette fracture de la planète est sans doute le problème le plus grave qu’auront à affronter les générations qui entrent dans le XXI° siècle.

Ce monde est donc également et risque d’être de plus en plus un monde de violence , dont on ne peut guère espérer actuellement des progrès pour l’humanité. Un rapport à l’U.N.E.S.C.O. de 1996 rappelle que « si l’histoire humaine a toujours été conflictuelle, il existe des facteurs de risques supplémentaires, liés à l’énorme potentiel d’autodestruction crée au cours du XX° siècle…Comment faire reculer la violence et éviter les conflits en développant la connaissance des autres ? » 2 .

L’Ecole est naturellement au centre de ces débats et toute réflexion sur l’état du monde, inclut une réflexion sur l’ouverture du système éducatif. Au XIX° siècle, un des rôles de l’Ecole a consisté à élargir l’horizon des jeunes aux dimensions nationales, en dépassant les particularismes régionaux, pour créer un sentiment d’appartenance à un ensemble national. Pour Jules Ferry, l’éducation civique devait être une des préoccupations primordiales des maîtres. Mais déjà, des penseurs voulaient mobiliser les éducateurs dans la lutte pour la compréhension internationale et la paix. Le courant s’affirme après la guerre

de 1914-1918, en lien avec l’action de la SDN. Une conférence d’éducateurs originaires des pays belligérants se tient à Genève en 1919. Elle critique en particulier les manuels qui provoqueraient la haine entre les nations et encourage les échanges entre écoliers pour détruire les racines de la guerre. Un Bureau international de l’Education est crée en 1929 pour promouvoir la cause de la paix par l’Education. Les mouvements pédagogiques d’avant-garde participent à cet effort. J.L.Claparède publie en 1931 un petit livre intitulé « L’enseignement de l’histoire et l’esprit international ». C.Freinet va dans le même sens. En 1945, une guerre mondiale plus tard, l’UNESCO reprend le flambeau. A la fin du XX° siècle, une dimension internationale de l’Ecole apparaît de plus en plus comme une nécessité.

Actuellement, comme par le passé, on attend donc beaucoup de l’Ecole. Quand les sociétés traversent des crises graves, elles stigmatisent souvent les faiblesses de l’Ecole ou au contraire fondent sur elle des espoirs parfois excessifs. On attend qu’elle transmette des connaissances mais aussi qu’elle suscite des attitudes compatibles avec la vie collective et les relations avec le reste du monde, « qu’elle permette la découverte de l’autre avec ses ressemblances et ses différences, qu’elle favorise la compréhension entre les hommes, la tolérance mutuelle et l’engagement dans des projets communs », en somme qu’elle apprenne aux jeunes à vivre ensemble 3 . J. Ki Zerbo, historien burkinabé, a voulu mettre en avant ce rôle primordial de l’Ecole en intitulant un de ses ouvrages « Eduquer ou périr ». Ces attentes ont été également très bien analysées dans la « Revue internationale d’éducation », en 1995 4 . Les chercheurs français et étrangers qui y ont collaboré, insistent sur deux objectifs essentiels. Donner aux jeunes des connaissances dans les différentes disciplines, leur permettant de comprendre le monde qui les entoure, de s’y insérer, d’y jouer un rôle efficace et de le faire évoluer. Promouvoir une « éducation à l’altérité » c’est à dire forger, des comportements d’ouverture aux autres hommes et aux autres cultures, de nature à faire reculer les replis identitaires et à les aider à vivre en harmonie dans des sociétés de plus en plus multiculturelles. Donc favoriser la tolérance et la paix en développant « des valeurs universelles, que l’actualité dément souvent et que l’Ecole doit renforcer ».

L’Ecole a essayé de répondre à ces attentes, dans des circonstances souvent difficiles, décolonisation , crise économique… Elle a évolué sans doute trop lentement, mais elle a évolué et de manière accélérée depuis quelques années. C’est ce thème général qui sera au centre de notre recherche :

Comment l’Ecole et les enseignants ont-ils pris en charge cette nécessaire ouverture sur le monde, depuis 1945, l’Ecole s’est elle montrée apte à faire face à une mondialisation qui s’accélère ? Face à cette ouverture, toutes les parties du monde ont-elles eu les mêmes chances, quelle place l’Ecole a-t-elle faite au Tiers Monde, aux relations nord-sud et plus particulièrement à l’Afrique ?

Notes
2.

Rapport à l’UNESCO de la Commission internationale de l’Education pour le XXI° siècle, présidée par J.Delors (Edition O.Jacob )

3.

Cf. Rapport à l’UNESCO déjà cité.

4.

Cf. Revue internationale d’éducation, Numéro spécial de juin 1995, « Former les enseignants à l’International ».