2° A PARTIR DE 1955 : L’OMNIPRESENCE DE LA GUERRE D’ALGERIE DANS LE MILIEU ENSEIGNANT

Les causes et les étapes de la mobilisation des enseignants

Les positions évoluent et une part importante du monde universitaire prend en compte les problèmes d’outre-mer. Pendant la Seconde guerre mondiale, en s’engageant dans la Résistance, les enseignants ont lutté pour les droits de l’Homme, contre le nazisme. Ils ont pris conscience que la barbarie pouvait être aussi « européenne ». En 1945, ils rêvent d’un régime politique nouveau, d’une société plus juste et d’un monde en paix. Ils ont donc des valeurs et des traditions à défendre. Les guerres de décolonisation leur en fourniront l’occasion.

La guerre d’Indochine a joué un rôle relativement marginal. Elle avait été une guerre de « professionnels » et malgré les pertes, il semble qu’elle ait peu intéressé l’opinion publique sauf dans quelques circonstances exceptionnelles, comme la chute de Dien Bien Phu. En 1954, le congrès du SNES, le principal syndicat pour l’enseignement secondaire, propose une motion condamnant la guerre d’Indochine. Elle est votée par 5500 voix mais il y a quand même 2650 voix contre et 3285 abstentions. Le SGEN ne pose pas officiellement le problème colonial avant le Congrès de Poitiers en 1956.

C’est surtout la guerre d’Algérie qui a accéléré l’engagement du milieu enseignant. Elle a atteint le pays en profondeur et constitué un véritable traumatisme dans l’ensemble de la société française. A partir de 1956, les jeunes du contingent, des étudiants sursitaires, des rappelés partent se battre en Algérie. De jeunes enseignants surtout y sont nommés. En outre, malgré la censure, on comprend mieux ce que vivent les populations algériennes, harcelées par l’armée française et le FLN. Les attentats et la répression se multiplient en métropole. La torture interpelle les consciences.

C’est donc à partir de 1955-56 que les luttes anti-colonialistes prennent de l’ampleur. L’Algérie est au cœur de l’action de beaucoup de partis politiques. Elle fait naître un grand nombre d’associations, de comités de vigilance…La majorité des syndicats glisse progressivement de la défense des intérêts des enseignants aux questions de politique intérieure et extérieure dans la mesure où tout paraît lié. A partir de cette date, dans les syndicats, il en est question dans chaque assemblée générale, dans chaque congrès, dans chaque bulletin. Le malaise et l’engagement croissent avec les menaces qui pèsent sur la démocratie dès la fin des années 50. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle dans des conditions inhabituelles dans un pays démocratique, inquiète. Les tentatives de coups de force en Algérie ( journées des barricades en janvier 1960, putsch des généraux en avril 1961 ), les actions terroristes de l’O.A.S. finissent de mobiliser les enseignants.

En revanche, les inquiétudes soulevées par la question algérienne occultenttotalement l’Afrique Noire.Des évènements cependant importants, la marche vers l’indépendance, s’y déroulent parallèlement. Les personnes interrogées « oublient » de parler de l’Afrique Noire et les archives ne retiennent rien des évènements qui s’y sont déroulés. Aucune allusion au referendum de 1958 et au « non » de la Guinée, à la mise en place de la Communauté. Même la cascade des indépendances en 1960, a laissé peu de traces. Peu de Français résident en Afrique Noire. Le plus souvent, la décolonisation s’y est faite sans violence, elle n’a pas été le théâtre de soulèvements meurtriers : les affrontements à Madagascar, en 1947, ont été minimisés par la presse de l’époque, la révolte des Mau-Mau est présentée comme difficilement défendable et puis ce n’est pas la France…La décolonisation se fait, par étapes, selon un processus pacifique qui rassure l’opinion.