Les actions étudiantes recoupent souvent celles des enseignants

Les publications, les tracts, les meetings, les manifestations, les grèves sont les moyens d’expression les plus courants. Toutes les actions sont l’occasion de réaffirmer leur attachement à la paix. Citons-en quelques exemples : des grèves et des journées d’action contre la tentative de putsch militaire à Alger, contre l’OAS, par solidarité avec un étudiant et des professeurs, de Paris et Bordeaux dont les domiciles ont été plastiqués, un meeting à la Bourse du travail et une marche de protestation contre le dépôt d’explosifs devant le siège de l’AGEG à Grenoble, avec le slogan « Paix en Algérie, le fascisme ne passera pas ». Les morts du métro Charonne entraînent une protestation indignée. L’AGEG s’élève aussi contre la décision d’incorporer, à 19 ans, les étudiants algériens et intervient très tôt sur les sursis, avant même le syndicat national. C’est sans doute une des raisons de son assise dans le milieu étudiant grenoblois. L’UNEF qui craint d’être accusée de vouloir défendre un privilège mais subit aussi la pression de la majorité des étudiants, préfère utiliser des moyens juridiques et le coup par coup pour régler le problème. A Grenoble, 28 avocats, sous la direction du bâtonnier ( ancien président de l’AGEG ), défendent les étudiants. Au total, dans toute la France, 1000 étudiants partiront, sur 20000 qui étaient menacés. Cela renforce l’AGEG au début des années 60, les seules pour lesquelles nous avons quelques archives. Elle répond aussi aux actions terroristes de l’OAS par une action humanitaire. Elle collecte des médicaments pour les victimes de l’OAS en Algérie, participe à des dons du sang, recueille aussi de l’argent ( 3000 NF ). Les étudiants et aumôniers du Centre Catholique Universitaire semblent avoir été parmi les plus actifs. Foyer de résistance au nazisme pendant la Seconde guerre mondiale, le CCU réagit très vite au moment de l’affaire algérienne et dénonce la poursuite de la guerre et les dérapages qu’elle entraîne. Un climat de solidarité franco-algérienne se développe au Centre et le pousse à aider le FLN 60 .

Pour être plus efficace, l’AGEG essaie de nouer des contacts avec les organisations d’étudiants d’Outre-Mer. Les archives ne donnent pas beaucoup d’informations à ce sujet car ils se mêlent peu aux autres étudiants. Les relations de l’UNEF avec l’UGEMA ( Union des étudiants musulmans algériens ) n’ont pas toujours été faciles, ce qui marque les limites de son engagement. En 1956, au congrès de Strasbourg, l’UNEF refuse de cautionner les positions très nationalistes de l’UGEMA. Elle rompt les relations quand l’UGEMA lance une grève des cours sans la prévenir. A Grenoble, un contact est maintenu. Le rapprochement UNEF-syndicats de travailleurs est difficile aussi, malgré les efforts d’un groupe de l’AGEG : « la dualité ouvriers-étudiants reste forte en Isère » constate un officier des Renseignements Généraux. Ce sont deux mondes qui ne se rencontrent pas. Les ouvriers considèrent encore souvent les étudiants comme « des fils de famille qui  font grève pour leur sursis (…) alors que les autres sont en Algérie ». Il y a quelques contacts mais pas vraiment de luttes communes.

Dans les dernières années de la guerre d’Algérie, le syndicat étudiant étendra sa réflexion à d’autres régions d’Outre-Mer : en février 1962, la journée internationale des étudiants contre la colonisation lui permet de rappeler que la décolonisation n’est pas terminée et que des territoires continuent à connaître la misère, l ’injustice ou la domination ( Congo, Laos, Sud Viet-Nam, Angola ). En Août 1962, il organise même une action contre la colonisation, en direction des étudiants antillais, qui fut un échec en raison de la réticence de ces derniers à s’engager sur le terrain politique.

Notes
60.

Cf. B. SORNE : Op. cit.