Un approfondissement de la réflexion.

Au départ, il existe un certain consensus sur ces problèmes. Les aspects économiques sont prioritaires puisque les besoins fondamentaux ne sont pas assurés. Les théories de Rostov sont généralement admises : on croit au retard des « pays sous-développés » ce qui induit la mise en place d’une démarche caritative « qui les aidera à rattraper ce retard » : les transferts d’argent et de technologie permettront de couvrir ces besoins fondamentaux dans des délais qu’on croyait ( avec beaucoup d’optimisme ) brefs et à enclencher un développement inspiré du modèle occidental. C’est l’époque des grands slogans : « Deux hommes sur trois dans le monde ont faim », « Vaincre la faim, c’est sauver la paix » .

A partir du milieu des années 70 surtout, le mouvement tiers mondiste se pose davantage de questions. Beaucoup d’ONG, en Europe, commencent à exprimer les problèmes de développement non plus en termes caritatifs mais de plus en plus en termes « politiques ». Elles étudient les causes et les mécanismes du sous-développement. On met en avant la responsabilité des pays riches et les effets de la domination du « Centre » sur la « Périphérie ». « La  détérioration des termes de l’échange » est le principal accusé. Pour lutter contre le sous-développement au Sud et le mal-développement au Nord, il faut mettre en place un Nouvel Ordre Economique International. Il faut faire disparaître les rapports de dépendance qui existent entre pays riches et pays pauvres et à l’intérieur d’un même pays, entre groupes sociaux différents. Le slogan du CCFD à la fin des années 70 est «  Rien ne changera dans le monde si rien ne change chez nous ». Ces nouvelles analyses influencent les modes d’intervention dans les pays pauvres. Il faut « être auprès d’eux mais ne pas faire à leur place » dit un militant associatif. Le développement n’est possible que si les populations africaines sont partie prenante. L’assistance se transforme en partenariat. On construit et on réalise ensemble un projet à partir des besoins exprimés par les Africains eux-mêmes. Pour cela, ils doivent s’organiser, se donner des cadres. Les O.N.G. privilégient de plus en plus les communautés déjà structurées. En même temps, le mouvement tiers mondiste s’oriente aussi vers la prise en compte des cultures pour faciliter la compréhension internationale. De plus en plus souvent, le thème de l’Afrique est abordé à travers une meilleure information sur les cultures africaines.

Ces points de vue ne font pas l’unanimité dans les associations. Tous les comités ne suivent pas cette évolution. L’opinion publique favorable à des changements profonds dans les relations Nord-Sud est encore minoritaire, beaucoup restent ancrés sur des interventions de type « assistance humanitaire », répondant à des situations d’urgence. Mais ces nouvelles idées cheminent et l’Ecole est portée par cette vague. Ce nouveau contexte influence d’abord des enseignants, et d’autres acteurs du système éducatif, très minoritaires au départ et ensuite l’institution.