Ils constituent souvent un « déclic ». Pour beaucoup l’engagement est plus la conséquence d’un choc émotif devant une situation inacceptable que l’on découvre, que d’une réflexion d’ordre idéologique.
Les contacts iciont joué un rôle très important : ils sont mentionnés dans presque tous les témoignages. Les personnes interrogées rappellent souvent le souvenir de camarades étudiants, originaires d’Afrique, qui parlent de leur pays et de ses problèmes. Un enseignant de l’Université de Savoie, spécialiste de littérature africaine, a crée avec des amis africains, lors de ses études, une association dont l’objectif était de donner une autre vision de l’Afrique. Beaucoup citent aussi des membres de leur famille déjà très engagés : un conjoint originaire du Tiers Monde ou un conjoint français qui est allé aux Indes par la voie terrestre et qui en a rapporté un autre regard sur le monde, l’adoption d’un enfant du Tiers Monde dans l’entourage familial, un oncle missionnaire bouleversé par le spectacle de la misère, une tante religieuse, partie en Afrique en 1936 comme infirmière, qui s’est occupée surtout de protection maternelle et infantile…une personnalité forte et admirée parce qu’elle défendait la nécessité de la contraception contre les positions du pape, des frères et sœurs, coopérants. Les témoignages des missionnaires interpellent beaucoup : ils envoient de leurs nouvelles ou ils reviennent en France pour quelques mois et témoignent. On cite aussi des amis qui travaillent dans le Tiers Monde ou se consacrent au développement dans un organisme national ou international, des collègues qui attirent l’attention sur ces problèmes ( le professeur de Bernis, à l’IEP de Grenoble a été plusieurs fois cité 92 ).
Les discussions dans les paroisses universitaires ou des associations, avec des gens déjà engagés, sont également évoquées. « J’y ai découvert les femmes africaines, dit une enseignante, elles sont exceptionnelles et représentent ma quête de ce qu’on ne trouve pas en France ». Des conférenciers charismatiques tels que R.Follereau, R.Dumont, P.Farine, Don Helder Camara, qui sont venus dans la région, ont souvent laissé le souvenir d’un moment important dans le cheminement personnel. Citons aussi le cas, dans le domaine artistique, de M.A.Estrella, musicien argentin réfugié en France, qui a fondé « Musique-Espérance », une association destinée à faire connaître la musique dans les milieux où elle ne l’est pas et à aider des actions humanitaires ( les bénéfices des concerts leur revenaient souvent ). Une antenne de « Musique-Espérance existait à Chambéry et comptait beaucoup d’enseignants. M.A.Estrella y est venu à plusieurs reprises et a laissé un souvenir très fort. La pratique syndicale est parfois invoquée aussi ( la CFDT est le plus souvent citée ) car elle crée le besoin d’agir avec les autres pour régler les problèmes.
Tous les témoignages concordent pour reconnaître qu’un séjour dans le TiersMondeaccélère la prise de conscience, suscite le désir d’aller plus loin dans la compréhension de ces continents et de partager ces découvertes avec ses élèves. D’après l’enquête menée auprès de l’APHG de Grenoble, en 1999, sur les 30 réponses reçues, 26 font état de voyages ou de séjours en Afrique. C’est le cas de presque toutes les personnes ayant fait l’objet d’un entretien. Les enseignants engagés dans la sensibilisation au Tiers Monde sont donc souvent de grands voyageurs mais ils s’efforcent de sortir des « sentiers touristiques traditionnels » : ils font des voyages d’étude et pratiquent plutôt « un tourisme alternatif », plus près des gens et de l’Afrique profonde. Les pays les plus souvent signalés sont les trois pays du Maghreb, la Côte d’Ivoire et quelques pays sahéliens, Sénégal, Niger, Burkina Faso, Mali. Six disent être allés là-bas dans le cadre d’une sensibilisation au développement : un séjour du type « chantiers de jeunesse » pendant leurs études, de la durée des vacances, des voyages organisés par une association en contact avec des partenaires locaux ( le CCFD et ses « voyages d’immersion » ), des voyages dans le cadre d’une action à laquelle ils participent. Certains enseignants organiseront même plus tard des voyages scolaires : ils emmènent des élèves dans le village avec lequel ils travaillent.
Cf. 3° partie, « L’Afrique dans l’enseignement supérieur ».