Elle est surtout conçue comme une information sur le Tiers Monde, ses problèmes économiques et aussi, dans une moindre mesure ses cultures. Elle peut permettre aussi de multiplier les appels au respect des droits de l’Homme. Cette information est destinée à susciter l’intérêt, la tolérance envers d’autres populations. Mais elle ne constitue pas vraiment une incitation à réfléchir à la notion de développement en général et aux origines des grands déséquilibres mondiaux.
Cela est visible dans les programmes. Nous étudierons globalement lesprogrammes à la fin de ce chapitre sur « l’appui de l’institution » car ils sont une des expressions de la politique officielle de l’Education nationale. Mais pour montrer cette stagnation des années 70, il faut néanmoins signaler ici que les remaniements et allègements de programmes à cette époque sont loin de favoriser le Tiers Monde et en particulier l’Afrique. Le programme de Terminales de 1960 constituait un recul significatif de l’européocentrisme et présentait un grand intérêt pour la connaissance de l’Afrique. Il est amputé par les allègements de 1967. Disparaissent du programme d’Histoire, les civilisations d’Amérique Latine, une partie du monde musulman, une partie des pays de l’Océan Indien et du Pacifique et le monde africain noir intégralement. « Les grands problèmes mondiaux » excluent tout ce qui concerne les institutions et la coopération internationale.
Les « journées scolaires » continuent à être un moyen privilégié pour l’information et l’action et sont reconduites chaque année. C’est le cas de « la journée de l’Amitié » et de « la journée de l’O.N.U. » qui sont maintenues dans les mêmes formes. A partir de 1973, une « journée mondiale d’information sur le développement » est instituée, elle est inscrite dans le calendrier de l’Education Nationale aussitôt, sans doute sous l’influence de la famine au Sahel qui s’aggrave au début des années 70. Le Ministère publie à cette occasion une brochure intitulée « Guérir la misère du Monde » qui a figuré dans toutes les bibliothèques des établissements scolaires et qui, par son libellé même, indique les limites de la sensibilisation au Tiers Monde. Quelques journées plus exceptionnelles peuvent s’y ajouter sur l’initiative d’un organisme international ou d’une association. Les liens de l’Education nationale et de l’UNICEF sont renforcés, les campagnes du Haut Commissariat aux réfugiés sont répercutées dans les établissements scolaires, ainsi que la campagne d’information en faveur des enfants du Sahel, initiée par SOS Sahel International au début des années 80. Au milieu des années 70, ces actions paraissent bien institutionnalisées car on leur consacre moins de place qu’auparavant dans le B.O. Mais elles restent peu nombreuses par rapport aux autres sollicitations. Devant le nombre total des « journées » auxquelles les enseignants sont appelés à participer, on inaugure un nouveau système en 1977 : le Ministère publie pour l’année en cours une liste des journées pour que les enseignants puissent faire leur choix à l’avance. Mais on prévoit aussi la possibilité d’activités supplémentaires en fonction de la demande et de l’actualité. Des « concours » continuent à être organisés dans le cadre scolaire pour commémorer certaines journées ou insister sur certains thèmes. Ils se terminent souvent pour les lauréats, par un voyage. Par exemple en 1980, avec la collaboration de France III, un concours est lancé sur le thème : « Vivre le désert », à l’intention d’élèves de 6° et 5°. La 1° étape consistait à répondre à 16 questions sur le milieu désertique au Sahara.. Pendant la 2°, ceux qui avaient été sélectionnés devaient rédiger la « une » d’un journal d’information destiné aux jeunes de leur âge. Les 16 meilleurs allaient préparer ensuite le voyage dans un centre éducatif pendant une semaine. Et ensuite, ils partaient une semaine au Sahara pour des reportages.
Les contacts directs avec l’étranger sont encouragés sous la forme de correspondances scolaires, d’appariements ou de voyages. Une circulaire du 24 août 1973 rappelle qu’il existe un service au Ministère pour les correspondances scolaires, qui est le seul habilité à fournir des correspondants. Les correspondances de classe à classe ont sa préférence. Trois objectifs sont recherchés : l’apprentissage des langues vivantes, une meilleure compréhension des pays étrangers, la création de liens d’amitié entre jeunes. Pendant l’année 1972-73, 450 classes ont des correspondants dans 40 pays différents. Les appariements entre établissements sont aussi fortement encouragés 97 . Des circulaires insistent également sur la coopération universitaire et la signature de conventions avec l’étranger 98 . Mais si le Tiers Monde n’est pas à priori exclu de ces échanges, il est évident que les pays européens sont privilégiés. Les correspondances se font surtout entre pays européens et le Ministère précise lui-même que les appariements les concernent aussi en priorité. Le Tiers Monde n’est pas mentionné non plus dans l’ouverture des Universités sur l’extérieur.
Pour faciliter cette sensibilisation, le Ministère et les organismes avec lesquels il coopère, peuvent fournir de la documentation ( l’INRP, le comité français contre la faim, les organismes internationaux…). Mais on constate que le Tiers Monde est rarement l’objet d’émissions de la radio et de la télévision scolaire. Et le plus souvent, il est évoqué sous une forme plutôt folklorique. Il n’est concerné par aucune des nombreuses enquêtes menées par l’Education nationale, auxquelles les B.O. font allusion.
B.O.E.N., notes du 10 mai 1974, du 19 octobre 1976, du 8 novembre 1978…qui restent valables aujourd’hui.
B.O.E.N., circulaires du 21 décembre 1972 et du 13/6/1974 .