A partir des années 80 surtout : un engagement officiel plus marqué (tableau chronologique)

Dans les années 80, l’éducation au développement a donc pris beaucoup d’importance aux yeux du Ministère, dont le rôle va consister à donner une impulsion, à suggérer les directions dans lesquelles il faut s’orienter, à fournir quelques moyens matériels et à lancer ou au moins favoriser des expérimentations. Elle est donc le thème de multipleslois d’orientation, notes de service, circulaires qui essaient de la structurer, contrairement à la décennie précédente où le Ministère faisait surtout des vœux pieux. Dans les années 80 et 90 le nombre de textes oscille entre deux et cinq par an en moyenne. Le B.O.E.N. publie des recommandations souvent aux mêmes dates et dans les mêmes termes, tous les ans. Elles apparaissent à l’occasion de ce qu’on voudrait être des moments forts : une journée officielle comme « la journée Tiers Monde à l’école », quand un nouveau ministre arrive au pouvoir et qu’il souhaite marquer sa position sur ce problème, quand une initiative que l’on souhaite soutenir est prise par une organisation internationale. ( « journées » ou lancement des « thèmes de l’année » ) et sans doute aussi quand le Ministère constate que les choses n’avancent pas aussi vite qu’il le souhaiterait. Pour accélérer, il demande, aussi, avec plus d’insistance, des bilans.

Mais ce qui diffère aussi de la période précédente, c’est que le Ministère s’engagedavantage sur le fond : à travers les textes officiels, transparaissent des conceptions nouvelles du développement. Les objectifs et les contenus de l’Education au développement deviennent de plus en plus ambitieux au fur et à mesure que la réflexion sur le Tiers Monde et les relations Nord-Sud s’approfondit.

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Si l’éducation au développement est loin d’être une priorité pour la recherche, quelques chercheurs en pédagogie commencent à s’intéresser à ces thèmes ( Dans le cadre de l’INRP par exemple : un groupe animé par M.Margairaz et L.Marbeau ) et publient des comptes-rendus qui ont une influence dans certains bureaux du Ministère 110 . Le début des années 80 est certainement la période où la recherche sur l’éducation au développement a été la plus active. Ces recherches officielles ne sont pas les seules. Sur le terrain, les expériences menées souvent dans l’anonymat, par certains enseignants qui ont devancé, nous l’avons vu, la politique officielle, sont dans l’ensemble très mal connues mais quelques comptes-rendus, quelques publications, quelques rapports d’inspecteurs en ont sauvé quelques unes. Elles ont pu avoir une certaine influence sur l’évolution de la politique ministérielle.

Le Ministère fait aussi appel aux mouvements pédagogiques et aux associations de spécialistes pour réfléchir à ces questions. Certaines O.N.G ont joué également un rôle déterminant dans cette évolution, en rompant avec « le purement caritatif » au profit d’une réflexion sur le développement. La sensibilité particulière des nouvelles équipes politiques qui arrivent au pouvoir au début des années 80, va faire entrer le Tiers Mondisme et ces O.N.G. dans les ministères. J.P.Cot 111 , secrétaire d’état à la Coopération à cette époque, était très proche des O.N.G. et a essayé de les impliquer davantage dans les actions de développement, en mettant en place des dispositifs de concertation ( la commission « Coopération-développement » du Ministère de la coopération était composée de 14 représentants du Ministère plus le Ministre lui-même et de 15 représentants des ONG ) . La politique de coopération officielle cadrait avec les stratégies de beaucoup d’ONG. Elle les encourage aussi par des mesures d’allègement fiscal pour les donateurs et elle privilégie leurs projets. J-P. Cot préfère que l’aide transite en partie par des O.N.G. engagées dans des actions concrètes sur le terrain, plutôt que par les autorités politiques locales suspectées d’en détourner une partie. Cela lui valut d’ailleurs beaucoup d’inimitiés de la part des chefs d’état africains et une démission prématurée. Ce climat nouveau se retrouve dans le système éducatif. Les circulaires qui organisent l’Education au développement, sont l’aboutissement d’une concertation entre les Ministères de l’Education nationale, des Relations extérieures et de la Coopération et les associations et mouvements divers.

Les textes publiés par le BOEN ne permettent pas d’établir des degrés dansl’intérêt que le Ministère attache à l’éducation au développement selon les périodes. D’une année sur l’autre, leur contenu présente peu de différences dans le fond comme dans la forme. L’élan donné au début des années 80 se maintient au début des années 2000. Les mêmes objectifs sont mis en avant. Par exemple, la note de service du 7 juin 2001 112 qui fait des projets pour l’année 2001-2002, rappelle les fondements de l’éducation au développement, les liens qui existent entre l’éducation au développement et la formation du citoyen, propose des thèmes de réflexion, en symbiose avec les propositions des organisations internationales et annonce que le Ministre veut donner « une dimension éducative plus prononcée » à l’éducation au développement. Il institue une semaine de la solidarité internationale qui sera étendue aussi aux universités et fait appel aux mêmes partenaires, ONG, organismes internationaux, associations de spécialistes…

L’engagement ne paraît pas sensiblement différent non plus au moment où une majorité de gauche exerce le pouvoir ou pendant une période de cohabitation ou de majorité de droite. Les circulaires produites par les services de F.Bayrou, qui fut ministre de mars 1993 à juin 1997, ont le même ton que celles de ses prédécesseurs, L. Jospin ou J. Lang. Le thème de la note de service du 7 juin 1995 113 est le développement durable. Elle encourage aussi les échanges scolaires internationaux, le partenariat Nord-Sud, la collaboration avec les O.N.G. Si l’histoire nationale semble reprendre de l’importance dans l’enseignement avec J.P.Chévènement, pour donner aux enfants issus de communautés différentes des références communes, l’ouverture sur le monde et l’éducation au développement sont encouragées aussi. Les objectifs qui les sous-tendent et les moyens de les atteindre sont globalement les mêmes. Les acquis de la recherche sur la notion de « développement » semblent pris en compte. Les structures créées sont maintenues. Cela s’explique par un certain « consensus » sur les valeurs à « faire passer » et par l’influence certaine d’équipes du Ministère, en pointe sur ces questions, qui restent quand les ministres partent.

Le tableau chronologique qui suit, va permettre de faire apparaître les grandes étapes de cette politique, à travers l’étude des B.O.E.N. L’éducation au développement sera mise en parallèle avec les programmes et les changements dans le système éducatif. Nous ne retiendrons que les dates les plus importantes, par exemple celles des circulaires qui annoncent des changements et des initiatives nouvelles ou qui font des bilans particulièrement complets. Le tableau n’est donc pas exhaustif.

TABLEAU N°3 : L’évolution de la politique ministérielle
Notes
110.

Cf. 3° partie, « La recherche ».

111.

J-P. Cot, savoyard d’origine, spécialiste du droit international, député de Savoie, secrétaire d’état à la coopération dans le ministère Maurois. Après avoir quitté le gouvernement, il devient député européen où il s’efforce de faire avancer ces questions.

112.

B.O.E.N. n° 24 du 14/ 6 /2001

113.

B.O.E.N. n° 24 du 15/ 6 /1995