« Le développement est conditionné non seulement par les structures internes de nos sociétés mais aussi par un ensemble d’interrelations, d’interdépendances perçues à l’échelle du monde, ce qui exclut la seule étude des pays en développement et nécessite une approche dialectique du « proche et du lointain », de « l’ici et de l’ailleurs », qui ne néglige pas le regard sur son propre développement ». A. ZWEYACKER
Cette notion d’interdépendance est présente dans les textes ministériels dès le début des années 80 mais elle aura plus de mal à s’imposer car elle transforme radicalement la conception des rapports qui nous unissent au Tiers Monde. Le Sud n’est plus uniquement celui qui reçoit. D’assisté, il devient un véritable partenaire Elle implique d’étudier autrement les mécanismes mondiaux qui engendrent la pauvreté et elle introduit la responsabilité du Nord dans les analyses. L’Education au développement devient donc la compréhension globale du « village planétaire ». Elle ne peut se limiter à la sensibilisation au Tiers Monde, elle suppose qu’on réfléchisse aussi au développement de la communauté dont on est issu et de celles auxquelles on se rattache ( Nation, Europe.) et qu’on ne présente pas une image trop idyllique des pays développés où des problèmes existent. Cela constitue donc une évolution considérable, un pas que la société n’a pas toujours vraiment franchi.
De l’information à l’action…Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre des savoirs, des connaissances, il faut également impliquer l’élève. A partir du constat des inégalités, de la misère, il faut créer des réflexes de solidarité, faire comprendre aux jeunes que tout citoyen a le pouvoir de changer les choses. Il faut donc éduquer à l’action, à l’engagement, développer le sens de la responsabilité, l’autonomie et le goût de l’action collective.
‘« Donner à l’élève les moyens d’agir pour assumer sa citoyenneté dans une société et dans un monde qu’il aura appris à connaître, à comprendre et sur lequel il pourra peser pour le transformer ».L’action en direction du Tiers Monde n’est cependant pas une fin en soi pour le Ministère, mais plutôt un support pour une réflexion. Ces actions seront d’autant plus efficaces et appropriées, qu’elles s’accompagneront d’une information et d’une réflexion solides et d’une bonne connaissance du terrain du partenaire. Sans vouloir ne tenir aucun compte de l’aspect affectif, les enseignants doivent donc résister à la tendance naturelle des jeunes, qui les porte tout de suite à agir. Il faut d’abord comprendre pour agir ensuite. L’information devra toujours précéder ou au moins être parallèle à l’action. Cela est d’autant plus indispensable ces dernières années car de plus en plus souvent les établissements scolaires prennent en charge des actions spécifiques alors qu’auparavant, ils s’intégraient généralement à une action pilotée par une O.N.G ou un organisme international. Les circulaires insistent aussi sur la nécessité d’une dimension pédagogique interdisciplinaire pour que l’éducation au développement ne soit pas « déviée en gadget caritatif ». « Agir pour agir est un détournement des objectifs de l’Education au développement et un écran particulièrement opaque à la compréhension des Tiers Monde et des interdépendances 115 ».
Malgré cela, le Ministère encourage les actions humanitaires. Il signale celles qui sont menées par des organisations internationales auxquelles les établissements peuvent s’associer ( FAO et surtout UNICEF avec laquelle les liens sont étroits et de longue date ) et par des associations. Il organise des actions « nationales » quand l’actualité les impose. Les instances régionales de l’Education Nationale peuvent aussi mettre sur pied des projets.
A partir de mai 1989, pendant le Ministère de L.Jospin, ces actions sont véritablement institutionnalisées avec « le partenariat éducatif Nord-Sud » 116 . Crée en collaboration avec les ministères de la coopération et de l’agriculture, il consiste à mettre en relation un établissement du Nord et un établissement du Sud, de même niveau et donnant la preuve, des deux côtés, d’un grand investissement pédagogique. Cela concerne tous les établissements scolaires et les centres de formation des Maîtres. Il a un double objectif : établir des relations entre enseignants et élèves des deux établissements, pour apprendre à mieux se connaître et, à partir d’une analyse précise des besoins, engager une démarche contractuelle qui vise à améliorer la situation de l’établissement du Sud. Mais il ne s’agit pas de se contenter d’envois d’argent ou de livres mais de promouvoir un véritable développement ( aménagements de locaux scolaires, équipements de bibliothèques, laboratoires, réalisation d’outils pédagogiques, formation…). Pour l’enseignement technique, on privilégiera les transferts de technologies. Un cadre pluriannuel avec plusieurs phases de réalisation paraît être un gage de réussite. Ce projet devra être inscrit dans le projet d’établissement et faire l’objet d’une démarche interdisciplinaire. Le Ministère peut, en collaboration avec le Ministère de la Coopération, appuyer partiellement des projets sur le plan financier. Les établissements devront donc établir un budget qui comprendra d’autres sources de financement ( les établissements scolaires eux-mêmes, des ONG, des collectivités locales et des entreprises qui seront sollicitées ). La sélection des projets est faite par une cellule académique ( 10 projets par académie au maximum ) puis par une cellule interministérielle en fonction des critères fixés et de la faisabilité. Le pilotage des projets sera assuré par la mission d’Action culturelle de l’ambassade de France du pays, qui doit donner un avis favorable. On écartera les projets mal définis, ayant exclusivement des aspects caritatifs ou limités à un voyage ou au contraire les projets trop ambitieux donc irréalisables. On appréciera favorablement ceux qui mobilisent le maximum de participants ou sont pris en charge par un véritable réseau d’écoles.
Une circulaire du 1/10/1991 publie une première liste de pays relevant du champs d’intervention de la coopération avec lesquels les établissements scolaires sont encouragés à nouer des relations de partenariat. On y trouve surtout des pays d’Afrique. En 1995, la liste est étendue. En 1997, elle s’aligne sur celle de 1991.
Université d’été, Poitiers 1990.
B.O.E.N. n° 22 du 1/6/1989.