Des pratiques pédagogiques innovantes

L’Education au développement ne peut pas se faire dans des cadres scolaires traditionnels. Les enseignants sont donc sollicités, dès le début des années 80, pour mettre en place des pratiquespédagogiques innovantes.Inversement, l’Education au développement par sa spécificité peut être un vecteur efficace d’innovation pédagogique. Mais il ne s’agit pas de changer l’organisation de la vie scolaire, il faut que l’éducation au développement puisse être intégrée dans les structures et les programmes existants. Les encouragements à la rénovation pédagogique donnés par le Ministère dans les années 70 continuent donc dans les années 80. Beaucoup de pratiques sont remises en cause et cela provoque selon les cas, enthousiasme ou inquiétude. Nous ne retiendrons de ce foisonnement que ce qui est le plus approprié pour l’éducation au développement.

Le Ministère insiste sur la nécessité d’une forte implication des élèves. Il faut partir de leurs représentations car, sur ces questions, plus que sur bien d’autres, ils reçoivent de l’information aussi en dehors de l’Ecole. Ils ont souvent une vision très dévalorisante des pays en développement. On sous-estime le poids de ces représentations et le discours de l’enseignant ne réussit pas toujours à se substituer à elles. Il faut aussi mettre en place une pédagogie active, qui encourage constamment la participation, par la réalisation de travaux personnels…expositions, montages audiovisuels, films vidéo, interviews… Les efforts d’utilisation de la presse à l’Ecole vont dans le même sens et facilitent la tâche des enseignants. L’éducation au développement peut donc favoriser l’apprentissage de l’autonomie et la pédagogie par objectifs. Mais l’enseignant doit avoir des objectifs clairement définis car les nombreuses possibilités proposées par l’actualité présentent aussi des risques d’émiettement. L’interdisciplinarité est aussi un facteur incontournable de réussite pour le Ministère.

Pour faciliter la mise en place de ces méthodes, le Ministère crée un certain nombre de structures d’encadrement.Après les 10 % en 1973, les PACTE en 1979, les PAE

( projets d’action éducative ) sont crées en 1981 125 . C’est un projet interdisciplinaire qui, dans l’esprit du Ministre A.Savary, peut constituer un moyen de lutter contre l’échec scolaire et de promouvoir le travail en équipe pour les enseignants. Il a pour objet de développer l’autonomie des élèves en leur faisant pratiquer l’auto-documentation et l’échange entre eux. Il laisse une grande liberté aux enseignants car il n’est soumis à aucun agrément sauf s’il y a une demande de subventions. En 1987, la création d’un fond d’aide à l’innovation permet de développer les PAE. Les questions relatives au Tiers Monde et au développement peuvent facilement s’insérer dans ce dispositif, qui concerne tous les niveaux d’enseignement y compris les maternelles. La circulaire du 6 avril 1982 demande même qu’on encourage les PAE en lien avec le Tiers Monde et le développement. Un jury national sélectionnera les meilleurs projets et l’ARIAD, qui est à l’origine de la journée Tiers Monde à l’Ecole, offrira des prix collectifs 126 . Les « thèmes transversaux » officialisent le travail interdisciplinaire. Six thèmes sont prévus en collège : consommation, développement, environnement et patrimoine, information, santé et vie, sécurité. Ils ont pour but d’établir des convergences entre les disciplines. L’éducation au développement peut y trouver un cadre approprié.

En 1989, une loi d’orientation met en place « les projets d’établissements » pour l’enseignement secondaire et « les projets d’écoles » pour l’enseignement primaire, dans lesquels les PAE seront intégrés. Chaque établissement doit élaborer un projet qui permet la mise en œuvre des objectifs nationaux en tenant compte de ses caractères spécifiques

( recrutement social, sensibilités des enseignants…). Il s’agit de donner une cohérence à toutes les activités de l’établissement. L’introduction de l’EAD dans le projet d’établissement l’officialise. Tous les spécialistes sont d’accord sur la nécessité de l’y faire figurer, ce qui est loin d’être toujours le cas dans la réalité. Le Ministère n’exclut pas que l’ouverture sur les autres continents puisse être l’axe principal du projet d’établissement.

A partir de 1992, l’enseignement modulaire peut se prêter aussi à l’éducation au développement. En 2000, les TPE ( travaux personnels encadrés ) pour le lycée fournissent un cadre intéressant à des recherches qui concernent le développement 127 . Des thèmes sont proposés au niveau national et renouvelés par tiers tous les deux ans. Mais les premiers qui ont été proposés ne vont pas particulièrement dans ce sens. Les TPE se

heurtent à beaucoup d’obstacles, en particulier la difficulté à faire entrer leur évaluation dans le cursus scolaire. Les itinéraires de découverte ( I.D.D. ) sont l’équivalent des TPE, pour le collège. A partir de la 5°, ils représentent un volume de 72 heures sur l’année, prises sur les horaires des disciplines. Ils doivent associer deux disciplines sur un thème fédérateur pris dans quatre domaines : La nature et le corps humain, les arts et humanités, les langues et civilisations, la création et les techniques. Ils peuvent faire entrer l’éducation au développement dans les collèges.

Le ministère essaie aussi de faciliter la tâche des enseignants par des initiativesmatérielles.Il met sur pied des expérimentations qui donnent lieu à des comptes-rendus théoriquement diffusés le plus largement possible. Deux surtout semblent avoir joué un rôle important dans l’essor de l’éducation au développement à la fin des années 70 et au début des années 80 128 . Elles paraissent moins nombreuses par la suite. Des colloques sont organisés, dans le cadre des ateliers de Sèvres sur le thème, par exemple, de « L’éducation au développement au lycée ». La production et la diffusion de documentation et de matériel pédagogique a été aussi un souci du ministère. Une circulaire de septembre 1981 129 contient une liste de trois pages de documents utilisables, avec les adresses où l’on peut se les procurer : organismes internationaux ( FAO, UNESCO, UNICEF, OMS ), associations ( Comité français contre la faim, SOS Sahel International ), organismes éducatifs ( CRDP, CDDP, Commission coopération – jeunesse ), Ministère de la coopération, institutions européennes. Le CNDP et les CRDP publient parfois des séries de diapositives ou des dossiers. Mais les émissions de radio et de télévision scolaire sont plutôt rares et pas toujours bien adaptées à une réelle éducation au développement. Citons cependant « Kenya : histoire d’un haricot » en 1994. La Documentation française édite aussi des dossiers d’un grand intérêt. La MAFPEN, souvent en collaboration avec des ONG organise des universités d’été et publie le compte-rendu de leurs travaux.

Que peut apporter Internet à l’éducation au développement ?Depuis les années 90, le Ministère encourage la pénétration des T.I.C.E. ( technologies de l’information et de la communication ) dans tous les établissements scolaires, en les dotant de matériel, en proposant des formations aux enseignants. Les établissements et les personnels peuvent communiquer entre eux et avec les services grâce à la messagerie électronique. Ils peuvent accéder à des sites internet et en ouvrir. L’objectif du « Plan d’action 2003-2006 » est la généralisation de ces nouvelles technologies à tous les niveaux d’enseignement et à long terme « l’invention d’une culture sans laquelle la compréhension du monde serait compromise ». Les Echos de l’Académie, journal du rectorat de Grenoble, dans son numéro de septembre 2001, signale la multiplication des sites abrités par l’académie de Grenoble. Une véritable « explosion » de demandes d’hébergement venant des établissements scolaires permet de mesurer l’intérêt porté à ces nouvelles pratiques par certains enseignants et beaucoup d’élèves. D’autres académies qui veulent faire passer des informations ou en recueillir, sont en relation avec Grenoble. L’APHG l’a bien compris et a ouvert, depuis 1997, dans sa revue Historiens et Géographes une nouvelle rubrique baptisée « Internet », tenue par quelques enseignants. Ils y signalent les références de sites divers dont la consultation peut aider leurs collègues dans leur travail ( Sites officiels du Ministère et des rectorats, sites d’établissements scolaires, sites personnels d’enseignants ayant réalisé une action intéressante…). En outre une commission consacrée aux TICE a été crée au sein de l’APHG.

TABLEAU N° 6 : Les établissements connectés au serveur académique et à Internet ( juin 1997 )
  ARDECHE DRÖME ISERE SAVOIE HAUTE SAVOIE Total
Ecoles 15 6 61 0 39 121
Collèges 5 5 22 3 27 62
Lycées 5 6 28 7 21 67
Total 25 17 111 10 87 250
Nombre total d’établissements ( 1994-1995 ) 554 620 1421 573 785 3953

Il est difficile de mesurer l’ampleur des changements que ces nouvelles techniques peuvent apporter aux pratiques d’enseignement. Nous n’avons pas le recul nécessaire. En outre, aux yeux de beaucoup d’enseignants, la généralisation de l’informatique à l’école doit être précédée d’une réflexion qui est encore embryonnaire. Certains y voient une découverte qui va complètement transformer les méthodes d’enseignement ( les établissements scolaires, tels qu’ils sont actuellement, vont-ils disparaître ? ). Pour d’autres, Internet est simplement un moyen supplémentaire d’assurer la diversité pédagogique, qui ne peut remplacer ni le livre ni l’audiovisuel. En histoire et géographie notamment, il n’y a pas encore beaucoup d’utilisateurs réguliers. Cela tient sans doute à une certaine résistance des modèles d’enseignement (le Ministère parle « des doutes de la communauté enseignante» ), à la pression des effectifs ( il y a rarement de la place pour 36 élèves dans les salles d’informatique ) et des programmes et au coût que cela représente pour l’établissement. Les informations fournies ne sont jamais non plus parfaitement adaptées au niveau et aux besoins des élèves. Internet demande, en outre des élèves vigilants et critiques, qu’il faudra bien former à son utilisation.

L’intérêt d’Internet paraît particulièrement important pour ce qui concerne l’éducation au développement. Cela peut faciliter la recherche d’informations et les échanges d’expériences. Par exemple, une enseignante de Grenoble qui a participé avec quelques jeunes à un voyage d’étude au Mali, offert par la Région, a mis sur Internet des séances de cours et des travaux pratiques sur ce pays 130 . Le thème sur les villes d’Afrique en Terminales a fait l’objet de recherches pédagogiques présentées sur des sites d’enseignants. Les associations humanitaires, les organisations internationales et les instituts de recherche sur l’Afrique ou sur le développement peuvent fournir aussi de la documentation. Les appariements entre établissements scolaires sont une autre possibilité : des jeunes de pays et même de continents différents peuvent enquêter, débattre sur les mêmes thèmes et se « rencontrer » par ordinateurs interposés. Mais actuellement, seules quelques écoles dans des pays différents sont connectées entre elles et ce sont des écoles européennes. Le sous-équipement des établissements africains ne permet que très rarement d’entrer en contact avec eux, par ces voies. Tous les projets en cours mentionnés sur le site Educnet 131 du Ministère sont aussi des projets européens qui concernent le développement des sciences expérimentales et l’environnement.

Notes
125.

Note de service du 24/8/1981.

126.

B.O.E.N. n° 15 du 15/4/1982

127.

B.O.E.N. n° 24 du 22/6/2000

128.

Cf. « La recherche », 3° partie.

129.

B.O.E.N. n°32 du 10/9/1981

130.

Source : enquête personnelle auprès des enseignants de l’APHG.

131.

Educnet ( mars 2004 )