Dans les autres disciplines ( Français, langues vivantes, sciences économiques et sociales, sciences de la terre, enseignements artistiques ), l’Afrique et l’éducation au développement ne font presque jamais l’objet d’une rubrique dans le programme et cependant elles peuvent constituer des thèmes porteurs. Tout dépend des objectifs de l’enseignant et des choix des manuels.
C’est en Français que l’Afrique pourrait être évoquée le plus facilement, à travers la littérature francophone. C’est entre le Français et l’histoire-géographie que la collaboration prônée par le Ministère pour l’éducation au développement, peut s’installer aussi le plus naturellement. Si les programmes insistent peu sur la littérature francophone africaine, ils laissent une relativement grande latitude aux enseignants. Le ministère va dans ce sens en les encourageant, depuis les années 80, à travailler sur des textes d’auteurs étrangers francophones ou même d’auteurs étrangers traduits 137 . Donc rien ne s’oppose à l’étude des auteurs africains.
Depuis quelques années, la littérature africaine progresse dans l’enseignement français. Pour l’éducation aux droits de l’Homme, les programmes de 1985, pour les 6° et les 5°, mentionnent B.Diop, Camara Laye, Senghor mais aussi l’écrivain et cinéaste Sembène Ousmane. Quelques auteurs sont apparus également dans les programmes de Terminales qui comportent quatre œuvres et qui tournent tous les deux ans. Cela a été le cas d’A.Césaire qui n’est resté d’ailleurs qu’un an au programme à cause des protestations que sa présence a soulevées, y compris parmi les enseignants. En 1997, c’est, pour la première fois, une œuvre de Senghor, « Les Ethiopiques », qui est programmée alors que Senghor fait partie de l’Académie française depuis 1983. Le nouveau programme de Français de Seconde prévoit l’introduction de la littérature francophone. En classe de 1°, les enseignants doivent faire travailler les élèves sur la création littéraire avec des ouvertures sur les espaces culturels européens et francophones.
On constate aussi que les manuels plus récents font une plus large place à la littérature africaine. « Le Lagarde et Michard » du XX° siècle, en 1988, fait une allusion, dans l’introduction, à la littérature francophone. Dans la présentation de la poésie depuis 1940, figure un paragraphe sur « la poésie de la négritude » avec quelques extraits de A.Césaire et un poème de Senghor « Prière aux masques ». Le commentaire insiste sur la conjonction des influences venues de France et des images africaines. Quelques années plus tard, un autre manuel 138 contient un chapitre sur la littérature d’expression française des années 50 et cite G.Tchicaya U Tam Si, peu connu cependant, M.Beti et A.Kourouma et pour les années 60, T.Ben Jelloun et Kateb Yacine. Les éditions Hatier, en 2000 139 , consacre un chapitre de manuel de Seconde à la littérature francophone et mentionne six auteurs: L.Senghor, A.Kourouma, D.Chraïbi, F.Bebey, S.Zinsou, P. Chamoiseau. Par contre un autre manuel établit une liste des 70 grands noms de la littérature au XX° siècle, parmi lesquels, un seul est africain ( Senghor ). Les auteurs africains francophones sont absents des programmes des concours d’entrée aux Ecoles Normales Supérieures et de l’Agrégation de Lettres.
La littérature n’est pas la seule forme d’écrit que l’on puisse utiliser en Français. Pour apprendre aux élèves à argumenter, à organiser leurs idées…le Ministère encourage également le recours à des articles de presse, des essais…L’analyse de films, d’émissions de télévision, l’utilisation d’un fait divers et même l’étude de documents statistiques sont des exercices recommandés. L’Afrique peut servir de thème.
Les programmes de langues vivantes et notamment d’Anglais, n’imposent pas de donner un aperçu particulier des pays et de la littérature francophones d’Afrique mais on peut constater que les manuels, dans le choix des textes, n’évacuent pas ce thème. Si l’enseignant est inspiré ou si l’actualité fait naître un intérêt chez les élèves, l’Afrique anglophone peut devenir un thème de travail. L’étude de quelques manuels de Seconde des années 90 donne des résultats très disparates : dans l’un d’entre eux, le thème de l’Afrique Noire se limite à l’évocation de la rencontre entre Stanley et Livingstone. Dans un autre, dix pages lui sont consacrées avec des fiches, des textes, des photos, une carte. L’Afrique du Sud est nettement privilégiée mais on trouve aussi le témoignage d’un étudiant africain qui rentre au Ghana, une étude sur le rôle des femmes dans le développement vu du côté africain et sur la minorité blanche au Zimbabwe.
En Sciences économiques et sociales, les programmes ne comportent aucune étude spécifique de l’Afrique ( d’après un enseignant interrogé, elle n’intéresse pas vraiment les économistes ). Ils insistent plutôt sur les mécanismes du développement et la construction européenne. Sa situation peut être abordée quand même à travers les inégalités du développement, les échanges internationaux, le problème de la dette et, ces dernières années, la mondialisation, le développement durable. Mais comme dans d’autres disciplines, la place de l’Afrique dépend beaucoup des pôles d’intérêt de l’enseignant, qui peut la prendre ou non comme exemple pour illustrer des thèmes plus généraux.
En Philosophie, aucun aspect du programme n’est en liaison directe avec le développement. Mais cette matière incite à réfléchir sur les rapports entre les hommes et les cultures, sur les poids des mentalités, sur les traditions et leurs conséquences… qui interviennent dans les analyses sur le développement.
En Sciences de la vie et de la terre, l’Afrique et l’éducation au développement peuvent être abordées avec l’alimentation et la santé des hommes, les problèmes d’environnement et le rôle des hommes dans la gestion des ressources et des milieux naturels.
La technologie et les enseignements artistiques sont concernés également. La technologie fait apparaître les clivages entre le mode artisanal et le mode industriel. Elle
offre aussi aux établissements techniques la possibilité d’une coopération directe avec les P.E.D. L’étude des réalisations artistiques des autres cultures et de leurs interférences avec la nôtre peut être une source de réflexion.
Presque tous les programmes fournissent donc la possibilité d’aborder l’Afrique et le développement. Le problème se situe surtout dans la manière dont on l’aborde. Les manuels continuent à véhiculer souvent une vision négative de ce continent : calamités naturelles, instabilité politique et guerres, marasme économique...Les aspects positifs, en particulier les efforts de certaines populations pour émerger, sont peu évoqués. Les élèves restent donc souvent sur une impression d’impuissance. En outre, parce qu’ils s’adressent à un public jeune, ces manuels ont tendance à fournir des analyses un peu trop simplistes. Le sous-développement est encore souvent expliqué par les caractères physiques et la démographie. Les populations apparaissent plus comme assistés que comme partenaires.
Cf. B.O. spécial du 5/2/1987.
Cf. Itinéraires littéraires, J.M.Maulpois, Hatier, 1991.
La littérature en Seconde, Hatier, 2000.