Sources : Comptes-Rendus d’activités du Collectif
Entretiens avec des animateurs
Archives personnelles
Ce groupe « inter-écoles » de Chambéry a fonctionné à partir de la rentrée 1984. Son histoire s’étale donc sur vingt ans. Elle est révélatrice, jusque dans les difficultés actuelles, des objectifs, des modes de fonctionnement, des activités et de l’évolution de beaucoup d’établissements engagés dans la « sensibilisation au Tiers Monde ». Mais en même temps, ce « Collectif » présente une originalité : il a été, au moment de sa création et peut-être encore maintenant, la seule structure permanente de coopération entre plusieurs établissements scolaires et sur la durée. Son étude permet de faire comprendre ce qu’est le quotidien d’élèves et d’enseignants qui ont choisi de s’engager dans des activités périscolaires en direction d’un pays du Sud.
Quelques enseignants d’établissements scolaires différents, dans le cadre de la commission-éducation d’un « Centre d’information Tiers Monde », ont cherché comment rendre le Tiers Monde plus présent dans les écoles, soit dans le cadre des cours, soit à travers des activités socio-éducatives. De là, est né le projet de former un collectif d’établissements et de travailler ensemble. Cela a entraîné la création de clubs Tiers Monde dans les établissements où ils n’existaient pas encore. Dans d’autres au contraire, des clubs fonctionnaient déjà et avaient collaboré, pour des actions dans le Tiers Monde, avec des O.N.G. ( « le Comité français contre la faim », « Terre des Hommes » ou « Frères des hommes » le plus souvent ). On retrouve quelques traces de ces actions dans les archives de certains établissements.
Sensibiliser les adultes et les jeunes, à la fois aux problèmes de développement et de « sous-développement » et à l’existence d’autres cultures
Prendre en charge un ou plusieurs projets de développement dans le Tiers Monde : une action concrète est un support qui facilite l’information et la mobilisation des élèves.
Créer une coopération entre les établissements : cela permettait des rencontres entre enseignants et élèves et des échanges d’expériences. En regroupant ses forces, on pouvait aussi envisager des actions plus importantes, aussi bien au niveau de l’information ici, que des projets en Afrique.
En 1984, une douzaine d’établissements s’étaient engagés dans le Collectif, 8 établissements publics et 4 établissements privés, 5 collèges, 5 lycées et 2 L.E.P. Deux écoles primaires ont participé mais beaucoup plus ponctuellement (en particulier en faisant bénéficier le Collectif du montant de la vente des cartes de vœux au moment de Noël ). L’intention était de faire entrer le maximum d’établissements chambériens dans le Collectif. Les premières années, de nouveaux établissements ont été invités à des réunions mais sans grand succès. Quelques efforts faits en direction de l’Université de Savoie se sont révélés vains. C’est le contraire qui s’est produit : au fil des années, le nombre de participants n’a cessé de décroître. En 2004, le Collectif se limitait à 4 établissements scolaires.
Il se réunissait, une fois par mois en moyenne, un peu moins souvent à la fin des années 90. C’est là que se prennent les décisions pour la conduite de l’action et que s’élaborent les activités communes. Ces réunions sont ouvertes à tous, élèves et animateurs-adultes, mais les élèves y sont venus rarement, sans doute impressionnés par le nombre d’adultes. Ils préfèrent nettement les activités dans le cadre de leur établissement. Le Collectif a également collaboré avec des partenaires extérieurs à l’Education Nationale. Le Centre d’information Tiers Monde dans le cadre duquel il était né lui a fourni de la documentation et parfois des intervenants. Il a disparu au début des années 90, le Collectif s’est alors transformé en association - loi 1901. Il a participé à des activités et reçu un appui de collectivités locales et d’associations.
Si les objectifs sont les mêmes : informer et rassembler l’argent nécessaire à la réalisation des projets communs, les établissements conservent une grande autonomie. Ils décident de leurs activités internes et peuvent même prendre en charge un projet spécifique. La plupart des établissements dans les années 80 avaient au moins un deuxième projet : parrainage d’enfants, soutien à des centres de handicapés, action de développement dans un autre pays africain ou sur un autre continent (les établissements privés par exemple participaient à une action par l'intermédiaire d'une O.N.G. catholique)/
Après l’eau , c’était une priorité pour les habitants. La construction d’une école primaire à 6 classes ( 2 CP, 2 CE, 2 CM ) a donc été engagée. La première classe a été ouverte à la rentrée 1988, Les autres ont suivi, en 1990, 1992, 1993, 1994, 1996 avec quelques problèmes pour la 4° dont la toiture a été emportée par une tornade. Outre les salles de classe, il a fallu financer les logements des instituteurs, des latrines et un magasin où sont entreposées les fournitures scolaires et des vivres pour la cantine. Le Collectif prend également en charge l’équipement des classes et en collaboration avec les parents d’élèves, les fournitures scolaires.
A cause des matériaux utilisés et du climat, les constructions se sont vite dégradées. Des travaux ont du être engagés pour sécuriser les salles de classe. Les logements sont presque tous inutilisables actuellement et les maîtres ne résident pas sur place.
Des actions plus ponctuelles ont été menées aussi, dans le cadre de l’école : en 1990 et 1996, en collaboration avec une autre association, une cantine scolaire a été mise en place pour permettre aux enfants, dans une période de pénurie alimentaire, de suivre une scolarité à peu près normale, un petit élevage de moutons a été pris en charge par les élèves et les maîtres eux mêmes. L’objectif était de former les jeunes et de dégager des bénéfices pour les fournitures scolaires.
L’école comprend environ 250 élèves, la première promotion a passé le certificat d’études et l’examen d’entrée en 6° en juin 1994, avec des résultats remarquables, bien supérieurs à la moyenne nationale et qui ont été reproduits depuis.
Une petite pharmacie, destinée en priorité aux enfants de l’école a été constituée. Pour rassembler et acheminer les médicaments, le Collectif a collaboré avec deux associations, « Chambéry-Ouahigouya » et « Pharmaciens sans frontières ». Cette action est stoppée actuellement parce que le gouvernement burkinabé a souhaité prendre en charge l’approvisionnement en médicaments.
Rabiatou, une élève de l’école, était handicapée ( séquelles de poliomyélite ). Le Collectif a contribué à son appareillage et à sa rééducation. Elle a poursuivi quelques études au collège et suit actuellement une formation professionnelle .
En 1996, une épidémie de méningite cérébro-spinale a obligé à envoyer de l’argent pour faire vacciner les enfants. Deux cas se sont déclarés mais il n’y a pas eu de décès.
Un moulin à mil a été installé à la fin de l’année 1994, pour soulager les femmes d’un travail long et pénible. Mais il a connu des problèmes de technique et de gestion, qui ne sont pas encore réglés actuellement.
Des relations avec le lycée Yadega de Ouahigouya ( au Burkina Faso ). Il est situé dans la ville voisine du village de Sambtinga. Un professeur de Français et l’Intendant du lycée avaient crée une sorte de club-solidarité pour que leurs élèves réfléchissent aux problèmes du pays. Ce club a servi d’intermédiaire dans les relations du Collectif avec Sambtinga : les élèves et les adultes sont allés, à plusieurs reprises, sur la demande du Collectif, constater où en étaient les travaux. Le Collectif, avec l’aide de C.D.I., de librairies de Chambéry et de parents d’élèves, a envoyé du matériel scolaire, des manuels et des livres pour la bibliothèque. Une correspondance s’est établie pendant quelque temps entre les élèves. Ces relations ont été interrompues au bout de quelques années car l’équipe du lycée de Ouahigouya semblait moins intéressée par l’échange.
Un autre élevage de moutons a été subventionné, dans une autre école de la région, à la demande du Directeur qui connaissait l’action du Collectif à Sambtinga.
Une contribution financière à une campagne de sensibilisation contre l’excision. Un groupe d’instituteurs de la région de Ouahigouya a essayé de lutter contre cette pratique, auprès des villageois et dans les écoles, par la création d’une association « Fillettes en vie ». Actuellement le relais a été pris par la ville de Chambéry.
Le financement de travaux hydrauliques dans le nord du Mali : ils avaient comme objectif, de faciliter l’élevage dans une région particulièrement sèche.
Une nouvelle action du Collectif : le projet A.S.E.D. à Ouahigouya
Depuis quelques années, le Collectif participe à une initiative départementale, lancée par le Conseil Général, à l’occasion du passage à l’an 2000 et intitulée « La Savoie : un coeur gros comme le monde ». 36 cantons savoyards sur 37, ont répondu à cet appel et participent, chacun, à une action de développement dans un pays en difficultés. Le Collectif s’est uni à deux autres associations pour le canton de Chambéry-sud-ouest.
A Chambéry : L’association « Chambéry-Ouahigouya »(Action de la mairie)
L’association Edelweiss-Espoir
Le Collectif des clubs Tiers Monde
A Ouahigouya : L’ASED est une association burkinabé qui s’occupe d’enfants déshérités, orphelins, enfants des rues. Ils sont une soixantaine à être accueillis au Centre dans la journée, scolarisés ou mis en apprentissage. Ils sont aussi nourris, vêtus et soignés. Le soir, ils rejoignent des familles.
Ce sont des enseignants, animateurs de clubs et des élèves issus d’établissements différents. Les élèves ont été généralement choisis parmi ceux qui participaient le plus efficacement et depuis le plus longtemps, aux activités de leur club. Ils s’étaient engagés, après leur retour, à intervenir dans des établissements scolaires pour raconter ce qu’ils avaient vu.
Il a été assuré, en partie, par les participants eux-mêmes. Les établissements scolaires, les Mairies ( en particulier la Mairie de Chambéry ) ont accordé des subventions.
A Ouagadougou : Visite de la ville A Ouahigouya:
Au lycée Yadega , contacts avec l’administration et quelques enseignants, cours.
Rencontres avec les autorités locales ( Le Maire ), avec une O.N.G. burkinabé et une association de femmes.
Promenade dans les environs : visite d’un barrage et de périmètres irrigués
A Sambtinga :
Une fête pour l’inauguration de l’école ( discours, danses, musique, poèmes et saynètes jouées par les enfants de l’école )
Promenade dans le village et rencontres avec les habitants
Réunion à laquelle assistaient les représentants du comité villageois et l’association des parents d’élèves.
A Bobo-Dioulasso : Visite de la ville
Les premiers mois après le retour ont été occupés à élaborer un montage de diapositives et à préparer des panneaux d’exposition
Elles consistent à informer et à organiser des activités permettant de rassembler les sommes d’argent nécessaires à la réalisation des projets. Elles varient selon le nombre d’élèves, leur âge, et les souhaits de tous les participants. Dans la plupart des établissements, on se réunit une fois par semaine, souvent entre midi et deux heures.
En 1992 : une kermesse,avec des panneaux d’information, des jeux « tiers mondistes », la vente d’objets…
La participation à des manifestations organisées par la Mairie de Chambéry en faveur du Burkina Faso : par exemple, tous les deux ans, une exposition-vente d’objets africains, accompagnée de conférences, de la projection d’un film d’un réalisateur africain, de musique…Le Collectif participe à l’organisation, y tient un stand et y fait de l’information.
En outre, pendant plusieurs années, des tee-shirts portant un logo au nom de Sambtinga ont été vendus.
D’autres activités pourraient être évoquées. Par contre un projet n’a jamais pu être réellement concrétisé, c’est la formation des enseignants qui souhaitaient s’engager dans uneaction de sensibilisation. Le manque de temps, les initiatives d’autres organismes explique qu’elle ait été limité à quelques rencontres avec des intervenants.
Outre les actions rémunératrices mentionnées plus haut, le Collectif a fait à plusieurs reprises l’objet d’attribution de sommes d’argent importantes :
Un prix « Jeunes « de la Solidarité offert par le Conseil Général ( 20.000 FF ) en 1987
Le montant d’ une collecte organisée par les amis d’un enseignant animateur du Collectif, disparu prématurément ( 25.000 FF en 1994 )
Des subventions de la mairie de Chambéry et de quelques municipalité avoisinantes, lors des voyages. La Mairie a accordé aussi une aide en nature aux activités du Collectif : prêt gratuit de locaux, prêt de matériel…
L’acheminement des sommes d’argent s’est fait longtemps par l’intermédiaire du diocèse de Ouahigouya. Son responsable financier les remettait à un groupe de responsables du village. Le Directeur de l’école, le Comité villageois, l'Association de parents d’élèves, étaient systématiquement tenus au courant. Un nouveau mode de fonctionnement a été inauguré récemment. L’argent est versé sur un compte bancaire ouvert par le Comité de partenariat de Sambtinga. Trois responsables du Comité doivent accuser réception de tout versement.
Après de nombreuses années d’activités et de partenariat efficaces, le Collectif, depuis la deuxième moitié des années 90, connaît des problèmes. Outre les difficultés pour donner vie aux activités périscolaires ici 167 , le partenariat avec Sambtinga a eu tendance à s’étioler.
Les effectifs du Collectif se sont beaucoup réduits. De douze établissements au début des années 80, il est tombé à huit à la fin des années 80 et 4 en 2003. Il s’agit d’un lycée et de 3 collèges dont 2 n’ont plus de club Tiers Monde ou Solidarité : les animatrices envisagent seulement une action ponctuelle importante au cours de l’année. Cela change naturellement la nature de « l’éducation au développement ». Certains établissements en sont sortis souvent à la suite de retraite ou de mutation d’un animateur. Mais ils ont pu se réengager autrement par la suite. D’autres établissements de la région chambérienne semblent préférer, surtout quand il s’agit de gros établissements, disposant de moyens matériels et financiers importants travailler seuls, avec l’aide d’organisations extérieures.
Les animateurs se sont un peu découragés, d’autant plus que la communication avec le village a été plus difficile depuis quelques années. L’action semblait piétiner et les villageois se démobiliser : le dernier voyage avait montré que les installations étaient malentretenues, et que les habitants avaient peu de projets : ils donnaient plutôt l’impression d’ attendre une assistance. Les raisons en sont sans doute diverses. Le partenariat est ancien : c’est peut-être une source de démobilisation. Le manque de cohésion du village, sur laquelle un groupe d’établissements scolaires peut difficilement agir, est sans doute aussi en cause. Pour mieux comprendre ces dysfonctionnements et pour mieux apprécier les besoins qui existent, le Collectif a demandé à un bureau d’études burkinabé, spécialisé dans les actions de développement, d’aller sur place faire une évaluation qui a demandé plusieurs mois. Pour clarifier les relations entre le village et les établissements scolaires, une convention de partenariat a été élaborée, fixant les engagements de chacun. Un comité local de partenariat s’est constitué, il est dorénavant le seul interlocuteur et toutes les parties intéressées y sont représentées. Mais la dynamique qui caractérisait les premiers temps de la coopération est longue à revenir. C’est une des raisons pour lesquelles le Collectif a engagé, avec l’ASED, une collaboration dont il a été question plus haut et dont il attendait un nouveau souffle.
Cf. 4° Partie B 1° : « Des difficultés croissantes ».