Mais une minorité d’établissements engagés à long terme

Beaucoup d’établissements ont mené des actions plus ou moins ponctuelles au cours des 40 dernières années mais ils sont relativement peu nombreux à considérer l’éducation au développement comme une priorité et à s’y engager à long terme.

Nous n’avons aucune évaluation pour l’ensemble de l’Académie et pour les périodes les plus anciennes. Mais la présentation des activités internationales de l’Académie de Grenoble montrent à l’évidence que les relations concernent surtout l’Europe et que les pays du Sud apparaissent peu 170 . Par contre, quelques enquêtes ont été faites en Savoie. Pour l’année scolaire 1989-90, une association humanitaire évalue à 18, le nombre de collèges et de lycées savoyards ayant un club « Tiers Monde ». Certains ne font que de l’information mais la majorité couple information et relations avec des P.E.D. ( correspondance, aide ). Une autre enquête, menée par l’Inspection Académique de Savoie, en 1999, a pour thème, « la présence et les activités des clubs Solidarité dans l’enseignement Secondaire et Technique ». Elle exclut donc tout ce qui se fait dans le cadre de la classe et dans l’enseignement primaire en général. Le tableau suivant permet de visualiser les résultats de cette enquête.

TABLEAU N° 15 : Les Clubs Solidarité dans l’enseignement secondaire et technique en Savoie

Sur 72 établissements contactés ( 56 établissements publics et 16 privés), 33 n’ont pas répondu, 1 réponse a été perdue. L’enquête s’appuie donc sur 38 réponses utilisables mais on peut affirmer, sans grands risques de se tromper, que la plupart des établissements qui n’ont pas répondu, ne devaient pas avoir d’action à signaler. 11 établissements seulement déclarent posséder un club qui se consacre à la solidarité internationale ou la pratiquent dans le cadre plus large du Foyer socio-éducatif. Tous les établissements qui s’engagent, participent à une action dans un PED et 5 y ont organisé des voyages. Presque tous collaborent avec l’extérieur ( associations ou collectivités locales ). Nous possédons en Savoie une autre liste d’établissements engagés, ceux qui participent à l’action du Conseil Général : « Un cœur gros comme le monde » 171 . En 2000, sur 76 établissements de l’enseignement secondaire et technique, 28 sont engagés. A ce chiffre, il faut ajouter des groupements d’écoles primaires et 1 établissement d’enseignement supérieur. Ces résultats plus positifs montrent qu’une action de grande envergure et bien impulsée peut mettre en branle le milieu scolaire.

Ces constatations sont recoupées à la fois par des enquêtes nationales 172 et desinformations sur quelques établissements,trouvées dans les archives. Elles montrent que la majorité d’entre eux n’ont pas fait, de l’éducation au développement, une priorité àlong terme.Les innovations pédagogiques telles que les 10 % ou les P.A.E. qui se prêtaient bien à l’éducation au développement, ont été sous-utilisées. Un lycée de Grenoble, au milieu des années 70 organise une consultation sur l’utilisation des 10% : 33 propositions sont présentées, aucune ne concerne le Tiers Monde. Les archives départementales d’Annecy contiennent un dossier sur le lycée Sommeiller. Dans une lettre à l’Inspection académique, le Proviseur signale qu’il n’y a eu aucune utilisation systématique des 10 % dans son établissement. Il mentionne aussi l’accueil réservé de certains professeurs et l’indifférence des parents. En 1982, lors de la consultation nationale des lycées, une journée avait été banalisée pour permettre à toutes les parties prenantes ( jeunes et adultes ) de réfléchir ensemble. Dans le rapport qui en est sorti, l’ouverture sur le Tiers Monde n’apparaît pas. En 1984-85, la brochure annuelle sur les PAE de la Drôme, en mentionne 96 dans l’enseignement secondaire dont un qui concerne les problèmes de l’alimentation ( St Jean en Royans ). En 1986-87, la situation est à peu près la même : 65 PAE dont un sur la découverte de la civilisation africaine à travers « L’enfant Noir » ( Collège Debussy à Romans ). Il n’y en a plus ensuite à cause de la concurrence du bicentenaire de la Révolution. En 1987-88, 13220 PAE ont été déposés au niveau national dont 250 concernaient l’éducation au développement.

Dans les centres de documentation et les bibliothèques des établissements, les documentalistes reconnaissent, pour la plupart, qu’il y a peu d’ouvrages et de revues intéressant l’Afrique parce qu’il y a peu de demandes de la part des élèves et peu d’activités dans l’établissement sur ce thème. Par exemple, une promenade dans la bibliothèque d’un lycée savoyard, en 2000, révèle la présence d’un rayon sur la géographie de l’Afrique, de quelques livres classiques sur les civilisations africaines, de quelques extraits d’auteurs africains, de quelques revues généralistes qui parlent parfois de l’Afrique. Mais il n’y a pas de rayonnage consacré à l’histoire de l’Afrique à la différence du Moyen-Orient, de la Chine, de l’Amérique Latine…Il n’y a pratiquement pas d’œuvres d’auteurs africains ( Les poèmes de Senghor sont absents ). Les foyers socio-éducatifs se sont multipliés après 1968 mais on ne sait pas très bien quels clubs existent à l’intérieur. Le nombre des « clubs Tiers Monde » semble y être limité. En 1971 le bulletin d’une association de parents d’élèves de collèges et lycées de Grenoble, dans la présentation de chaque établissement, signalent 9 foyers socio-éducatifs pour 22 établissements et un club UNESCO et un club-débat.

On pourrait aussi interpréter les efforts du Ministère pour rappeler avec insistance quelques temps forts de la sensibilisation au Tiers Monde, comme un signe qu’elle n’est pas vraiment partie intégrante de l’Education.

Ce qui est plus étonnant, c’est qu’on peut faire des constats analogues dans les établissements internationaux. Le lycée international de Grenoble 173 a été, pendant plusieurs années, un des secteurs du lycée Stendhal. Depuis 2001, il est installé dans de nouveaux locaux et totalement autonome avec l’appellation de « Cité internationale ». Les enseignants interrogés témoignent du souci constant de donner une dimension internationale, la plus vaste possible, à l’établissement. Ils mettent en avant la multiplication des langues vivantes, récemment, le portugais et l’arabe, la présence d’un tiers d’enseignants étrangers et de beaucoup d’élèves étrangers ( souvent les enfants des chercheurs de l’INPG ou de cadres diplomatiques ). Mais même si le recul est insuffisant, on constate que cette dimension internationale exclut en grande partie le Sud. Les enseignants sont conscients de ce risque d’européocentrisme : on s’intéresse aux pays dont les langues sont utilisées. En 2001, il n’y avait pas d’élèves africains, ni d’enseignants, pas de relations avec des établissements du Sud, pas de club Tiers monde ou Solidarité ou Afrique. Si quelques actions ponctuelles se sont développées, aucune activité à long terme n’est engagée. Selon un des responsables de l’établissement, les lycées internationaux ne sont pas des laboratoires pour mettre au point une éducation à la compréhension internationale.

Notes
170.

Cf. ANNEXE 5.

171.

Cf. 3°partie, A : Etudes de cas.

172.

Leurs résultats sont généralement publiés dans les bulletins des associations.

173.

Entretiens personnels avec une enseignante et un administrateur de l’établissement.