A l’intérieur d’un établissement, une minorité d’enseignants et d’élèves concernés

Il est rare qu’un établissement entier se mobilise, sauf à l’occasion de drames suscitant une émotion ponctuelle ( guerres ou famines ) et déclenchant de grandes opérations nationales. Contrairement à ce que dit le B.O., l’éducation au développement est rarement inscrite dans le projet d’établissement. Il est rare également que des équipes pédagogiques se forment sur ce thème pour une année scolaire, avec l’ambition d’agir sur l’ensemble de l’établissement. Le plus souvent ces actions ne touchent que quelques élèves d’une classe où l’enseignant est motivé, ou quelques élèves fréquentant un club. Mais ils sont loin d’être la majorité. Quelques constats faits à des époques différentes le prouvent : En 1975, une enquête est parue dans Historiens-Géographes, la revue de l’APHG, sur les listes de questions présentées au baccalauréat quand l’histoire et la géographie étaient encore des matières d’oral 174 . En histoire, sur 53 enseignants qui répondent, 7 ont étudié une ou deux civilisations extra-européennes dont 2, une civilisation du Tiers Monde. En géographie, la moitié n’a étudié aucun pays du Sud et un tiers n’a pas traité le chapitre sur « le sous-développement ». En ce qui concerne les activités périscolaires, les clubs de

solidarité internationale, ne fonctionnent souvent qu’avec une dizaine d’élèves et un ou deux animateurs dans des collèges qui comptent plusieurs centaines d’élèves et des lycées dont les effectifs dépassent parfois les 2000.

Une incursion dans d’autres types d’enseignement ne donne pas une impression différente. Nous prendrons comme exemple les classes Freinet. L’enseignement selon Freinet a une dimension internationale très marquée. Il met en avant la notion d’altérité culturelle pour éviter de « s’enfermer dans la contemplation de sa petite patrie » 175 . Les éditions scolaires du mouvement Freinet ont été parmi les premières à publier des documents sur la faim, les pays pauvres. Mais les pratiques Freinet semblent très marginales et en diminution actuellement : elles ne concerneraient que 1 à 2% des classes primaires. Peu de classes Freinet sont entrées en relation avec des classes d’autres continents : en Haute Savoie, une classe de Vuibens a établi une correspondance avec une école marocaine en 1954. Un journal de classe, Le petit Patapont de Pont en Royans mentionne des correspondants à Wallis et Futuna, un échange de classe à classe avec le Sénégal, des rencontres avec des voyageurs qui viennent aider les élèves à écrire des articles sur quelques aspects de l’Afrique. Mais les numéros de ce journal ne sont pas assez nombreux pour qu’on puisse juger de la fréquence des préoccupations sur l’Afrique.

L’enseignement catholique, dont un rapport de 1957-58 souligne qu’il n’a qu’un « rôle d’appoint » dans l’académie de Grenoble, s’y développe beaucoup depuis les années 60. Une tradition caritative entretenue par l’action missionnaire, est présente dans les écoles : « l’éducation à la charité » a été une des bases de l’enseignement moral et religieux, c’est par là que le Tiers Monde a pu pénétrer dans les établissements scolaires. Au début du XXI° siècle, « l’ouverture à l’universel » est une des missions de l’enseignement catholique et une commission nationale « Tiers Monde / Ouverture à l’universel » s’est crée pour promouvoir l’éducation au développement. Elle recommande à tous les établissements catholiques d’inscrire cette ouverture dans leur projet. On retrouve donc à travers des témoignages et dans les bulletins catholiques les traces d’ initiatives en faveur du Tiers Monde. Elles paraissent particulièrement nombreuses au moment des campagnes de carême. Mais il serait hasardeux de faire une comparaison avec l’enseignement public et de dire si l’enseignement catholique a été plus préoccupé de ces questions. A beaucoup d’égards, ils présentent le même visage dans les contenus, les pratiques : la sensibilisation a été plus active dans les années 70-80 et il y aurait un certain repli actuellement malgré les efforts de certains directeurs départementaux, enseignants et formateurs 176 .

Notes
174.

Historiens et Géographes , n° 252 ( mai 1975 ).

175.

H.PEYRONIE, « C.Freinet : Pédagogie et émancipation », Hachette 1999, 125 p.

176.

Sources : Archives de l’enseignement catholique et rencontres avec le Directeur de l’enseignement catholique en Savoie et une formatrice.