La classe

« C’est dans la classe que se vit, de la façon la plus concrète, l’ouverture internationale de l’établissement, à travers les activités de découverte et d’échanges proposées par les équipes pédagogiques » 183 . Pour le Ministère, toutes les disciplines sont concernées et tous les programmes peuvent se prêter à une introduction de l’Afrique et des problèmes de développement, dans les cours. Dans la réalité, l’éducation au développement reste surtout l’apanage des cours d’histoire, géographie, économie et de l’éducation civique dont elle est la plus proche. Des initiatives sont prises aussi en Sciences de la vie et de la terre, langues vivantes, philosophie, musique et arts plastiques mais elles sont plus rares. Le facteur individuel est prépondérant : tout dépend de la motivation des enseignants. Une difficulté tient au manque de concertation, à l’absence d’harmonisation entre les programmes des différentes matières.

En Histoire et géographie, l’enquête menée auprès d’enseignants de l’Académie de Grenoble, montre que ceux qui voulaient vraiment faire quelque chose, n’ont pas été très embarrassés par les programmes. Ils étaient assez variés pour qu’on puisse les utiliser à un moment ou à l’autre de l’année et pratiquement à tous les niveaux. La moitié des enseignants qui répondent, disent s’être appuyés sur eux et les avoir infléchis dans le sens du Tiers Monde. L’autre moitié a fait plus et a privilégié nettement les pays en développement et leurs problèmes sans grands inconvénients. On retrouve la trace de quelques expériences où la sensibilisation au Tiers Monde a bien été au centre du cours. Dans un collège de Savoie, un enseignant s’est donné comme thème général sur deux ans, le travail des enfants. De nombreuses parties du programme ont été l’occasion d’approfondir ce thème. En Isère, un enseignant de 5° ( PEGC histoire-géographie-français ) a organisé son cours autour des cultures africaines avec des montages de textes, l’étude de « L’enfant noir » de Camara Laye, des extraits des « Cahiers d’outre-mer » pour les questions économiques, des films et diaporamas. Muté au centre de formation des PEGC, il a contribué à former des générations de jeunes enseignants dans cet esprit. Quelques

rapports d’activités demandés par l’Inspection académique, mentionne quelques thèmes abordés. Au lycée Sommeiller d’Annecy, l’art nègre et le cubisme ont été étudiés en 1°. Une autre classe a entamé une correspondance avec une classe africaine…

Les programmes des classes d’examen imposent quand même quelques contraintes, notamment en Terminales. Les problèmes de développement, l’Afrique y apparaissent plus ou moins selon les programmes successifs mais leur lourdeur risque de généraliser le cours magistral qui se prête mal à l’éducation au développement et de voir utiliser les heures d’E.C.J.S. pour terminer le programme. L’enquête de l’APHG mentionnée plus haut montre que quand il faut choisir et sacrifier une question, c’est le Sud qui est le plus touché parce qu’il est plus éloigné de nous et donc paraît moins utile à la formation d’un jeune Français. L’européocentrisme reste très présent. Ces dernières années, les relations Nord-Sud semblent devenir plus marginales dans les cours. Quelques enseignants l’expliquent par d’autres urgences, la construction européenne par exemple.

De tous les thèmes possibles sur le « Tiers Monde », la faim, l’analphabétisme, le travail des enfants et pour les élèves plus âgés, les dysfonctionnements économiques ont été privilégiés. L’histoire et les cultures de l’Afrique ont été le parent pauvre, même s’il se dessine une évolution. Elles ont été cependant au programme à plusieurs reprises et dans plusieurs niveaux de classe ( 2° et Terminales en particulier ) mais souvent en option. L’histoire de l’Afrique est surtout traitée à partir de l’intervention européenne : pour l’Afrique Noire, les thèmes principaux sont toujours la traite, la colonisation et la décolonisation, l’étude des cultures a été particulièrement sacrifiée par les enseignants qui choisissaient plutôt d’étudier les civilisations du Maghreb, à cause de l’importance de l’immigration et sans doute aussi parce que beaucoup d’entre eux connaissaient mal ou pas l’Afrique subsaharienne.

En Français, les enseignants qui en ont le désir, ont la possibilité d’ouvrir leurs élèves à d’autres cultures et de lutter contre certains préjugés. Ils utilisent d’abord des textes de grands auteurs français : Montesquieu, Voltaire et beaucoup d’autres peuvent être le point de départ d’une réflexion sur l’altérité culturelle. Certaines oeuvres posent des problèmes toujours d’actualité et qu’on peut élargir à la dimension du Tiers Monde. Un professeur de 6° qui étudiait V.Hugo a été amenée, sur des questions posées par ses élèves, à déborder sur le travail des enfants et à évoquer le droit à l’éducation. Des romans étrangers sont devenus des classiques pour l’étude du Tiers Monde : « Le riz et la mousson » de K.Markandaya figure dans beaucoup de bibliothèques d’établissements, De plus en plus souvent, les enseignants de français utilisent d’autres documents que les textes littéraires. La presse, le cinéma… deviennent des bases de réflexion sur des problèmes d’actualité...qui peuvent concerner l’Afrique si l’enseignant est motivé.

Il y a aussi la littérature francophone africaine. Les manuels lui font une place plus importante qu’autrefois 184 . Des revues pédagogiques, publient parfois des listes des œuvres susceptibles d’être utilisées : les Cahiers pédagogiques, en décembre 1984, dans un article sur l’enseignement du Tiers Monde cite une dizaine d’auteurs africains, parmi eux, T.Ben Djelloun, F.Oyono, Camara L., A.H. Bâ, L.Senghor, O.Sembène. Mais ces auteurs restent peu étudiés. A part quelques contes pour les plus jeunes, des extraits de « L’enfant noir », quelques poèmes de Senghor surtout les années où les «Ethiopiques » ont été inscrites au programme du bac en Terminales, la littérature africaine reste une parenthèse dans une année scolaire. Les enseignants paraissent réticents à l’égard de cette littérature, sans doute parce qu’ils la connaissent mal eux-mêmes et que les auteurs africains n’ont pas le statut de « grands auteurs ». Leurs œuvres figurent très rarement dans les listes de textes présentées à l’oral du baccalauréat en 1°. Les Inspecteurs n’encouragent pas son étude, ils préfèrent des œuvres plus classiques : une enseignante s’est vu reprocher d’être « à la remorque du club Tiers Monde ». Et cependant, les auteurs africains francophones ont fait beaucoup pour le renom du Français à l’étranger, d’après un enseignant français détaché dans une université américaine. « L’enfant noir » a été traduit en 33 langues.

En SVT ( Sciences de la vie et de la terre ), l’éducation au développement pénètre plus tardivement. D’abord axée sur les thèmes de l’alimentation, de l’eau et de la santé, elle prend plus de place quand, dans les années 80, la réflexion s’oriente vers la relation « environnement et développement » et vers « le développement durable ».

En langues vivantes ( anglais et espagnol surtout ), l’enseignement a été longtemps concentré sur les seuls aspects linguistiques et littéraires. Depuis quelques années, un nouvelle approche apparaît. L’apprentissage de la langue s’appuie sur des textes abordant des problèmes d’actualité vus par l’autre. Des correspondances scolaires de classe à classe sont possibles mais rares. Certains organismes spécialisés dans ces échanges peuvent fournir des adresses en Afrique.

Les programmes de Philosophie ne comportent aucune partie en relation directe avec l’éducation au développement mais cette discipline peut inciter à réfléchir sur la dimension interculturelle et faire évoluer indirectement la manière dont les élèves abordent

les relations Nord-Sud. Mais c’est de la part de l’enseignant un travail au quotidien. Aucune des sources utilisées ne rapporte d’expérience particulière dans ce domaine.

Par contre, quelques expériences ont été faites en enseignements artistiques. Elles avaient pour but de faire découvrir l’art nègre, son influence sur la peinture moderne et de montrer le caractère universel de l’Art, de même en musique, la jonction entre le jazz, la musique africaine, la musique occidentale. Les groupes de musiciens africains sont nombreux dans la région. Ils ont parfois été invités à entrer dans les classes pour une initiation aux percussions.

L’Afrique a fait aussi l’objet de travaux interdisciplinaires. Les 10 %, les PAE ont pu servir de cadre à une initiation à ce continent. Les thèmes transversaux, en 5°, ont officialisé la sensibilisation au Tiers Monde puisqu’un des thèmes était « le développement ». Plus récemment, les itinéraires de découverte en collèges et les TPE en lycée se prêtent bien à l’éducation au développement mais ils soulèvent aussi des problèmes.

TABLEAU N° 17: TPE, les thèmes nationaux des séries générales de 1° ( 2003-2004 )

Les bilans qui en ont été faits mentionnent un travail énorme pour les enseignants, l’insuffisance des services de documentation. En outre, les directions indiquées par le Ministère et le choix des élèves ne vont pas actuellement dans le sens de l’éducation au développement. Il semble que ces cadres soient sous-utilisées.

Notes
183.

Site Internet « www.eduscol.éducation.fr »

184.

Cf. 2° partie : « L’évolution des programmes et des manuels ».