Historiquement, les clubs UNESCO ont été les premiers à s’ouvrir à la dimension internationale. Nous avons évoqué leur naissance après la guerre 185 . Ils sont, dans les établissements, le seul « lieu de dialogue et de discussion, destiné à faire évoluer le regard sur le monde ». Même si les débats sont très encadrés par les adultes, ils ont constitué
une véritable bouffée d’oxygène pour beaucoup d’élèves, notamment les internes. Les principaux thèmes abordés ont été les droits de l’Homme, la paix et le désarmement, le dialogue interculturel, les rapports Nord-Sud. Ils ne sont donc pas spécialisés dans une meilleure connaissance du Tiers Monde, mais ils ont néanmoins beaucoup contribué à la pénétration du Tiers Monde à l’Ecole. Dans les années 60 en particulier, ce sont souvent les clubs UNESCO qui prennent en charge la campagne nationale contre la faim dans les établissements scolaires. Les publications de la Fédération française des clubs UNESCO sont particulièrement nombreuses sur le thème de l’éducation au développement. Les objectifs sont bien résumés dans un texte d’avril 2003 : faire connaître et comprendre l’autre, faire prendre conscience de l’interdépendance et des dysfonctionnements dans les relations mondiales.
Il est impossible de décompter avec précision les clubs UNESCO de l’académie de Grenoble, tout au long de la période. En 1964, un rapport 186 mentionne qu’ils existent dans presque tous les établissements de l’Isère…une évaluation sans doute très excessive par comparaison avec des informations trouvées par ailleurs. Au hasard des documents d’archives, on découvre que tel établissement, à telle date, possédait un club UNESCO : une vingtaine d’établissements secondaires émergent ainsi. Les documents ne fournissent pas beaucoup de détails sur leurs activités, ni sur leur influence, ni sur leur durée de vie. Depuis les années 80 surtout, leur nombre diminue. Il semble plutôt faible dans la région Rhône-Alpes. En 1985, une enquête révèle que deux collèges de la région, à Romans et Echirolles, possédaient un club UNESCO, alors que dans la région Provence-Côte d’Azur, il y en avait 13, en Bourgogne, 16 et en Ile de France, 31. En 2004 il n’existe pas de clubs UNESCO dans l’Ardèche, la Savoie, et il y en a 3 dans la Drôme, 13 dans l’Isère et 1 en Haute-Savoie. Mais au niveau national, la fédération continue à jouer un rôle important. Elle a organisé des stages de formation, des rencontres entre jeunes, accueille des groupes étrangers, publie de la documentation pédagogique et s’oriente vers des partenariats Nord-Sud. Mais si les clubs UNESCO sont moins nombreux, parallèlement d’autres structures se sont créées et spécialisées dans la sensibilisation au Tiers Monde.
Comment se mettent en place des activités périscolaires ? Des groupements éphémères peuvent d’abord se constituer lors de journées ou de semaines initiées par le Ministère ou internationales, à l’occasion de campagnes lancées par des associations. Ces actions peuvent se prolonger par la création d’une structure permanente. La structure permanente peut exister aussi antérieurement et prendre en charge ces opérations ponctuelles. On parle alors souvent de « clubs ». L’appellation de « clubs Tiers Monde » a été longtemps la plus fréquente, elle a tendance à disparaître actuellement car la notion de Tiers Monde devient de plus en plus floue. Quand des relations directes se sont établies entre des établissements et un pays en développement, d’autres noms sont apparus: « Clubs Afrique » ou « Clubs Sénégal » ou « Clubs Burkina Faso ». Les « clubs Solidarité » ou « Sans frontières » se sont aussi multipliés. Récemment des noms plus originaux et qui évoquent l’Afrique sont plus courants : dans deux lycées chambériens, un « Club Baobab » et un « Club Yiki’ya », ce qui veut dire « levons-nous » en moré, une des langues du Burkina Faso.
A l’origine, il y a le plus souvent l’initiative d’un enseignant qui veut faire partager un message ou essayer une pédagogie plus novatrice. Mais la demande des élèves existe aussi à la suite d’une famine ou d’une guerre qui les a marqués. C’est souvent la conjonction des deux, quand des élèves qu’on a ouvert à ces problèmes, souhaitent un prolongement dans l’action. L’exemple du collège de la Chapelle en Vercors, en Isère, est significatif. Le point de départ a été une réflexion du club Santé sur l’hygiène alimentaire et la surconsommation de médicaments ici. La réflexion s’est poursuivie aussi dans les classes par une évocation des pays pauvres d’où est né le projet de soutenir un orphelinat au Tchad. Une correspondance s’est établie entre des classes de 6° et 4° et des enfants de l’orphelinat. Des dossiers ont été échangés sur la présentation du Vercors et de la région du Tchad… premier contact, pour beaucoup de jeunes d’ici avec les cultures africaines. Pour mieux gérer cet échange, deux nouveaux clubs ont été crées, un « club plantations » pour envoyer des boutures et un « club UNESCO » pour s’informer.
Le fonctionnement des clubs présente une certaine variété mais ils ont, globalement, les mêmes droits et les mêmes contraintes. Les clubs Tiers Monde…Solidarité…Afrique … font généralement partie du Foyer socio-éducatif qui a donc un droit de regard sur leurs activités. Ils doivent faire des rapports à l’Assemblée générale du foyer où siègent des représentants de l’administration, des enseignants, des élèves, des parents. Ce contrôle s’est exercé plus ou moins fortement selon les établissements et les époques. Certains enseignants se souviennent qu’il fallait faire viser par le chef d’établissement, toutes les affiches, tracts, qui annonçaient les activités. Il s’ atténuait en général à partir du moment où le club avait trouvé sa place dans l’établissement.
Les clubs sont gérés en principe par les élèves qui doivent prendre en charge les activités qui ont été décidées, la conduite des réunions, les démarches auprès de l’administration et éventuellement à l’extérieur. Ils sont généralement peu nombreux, souvent moins de 10…assidus mais entourés d’une nébuleuse dont l’importance dépend de la vitalité des participants et de leur charisme auprès de leurs camarades. La diminution du nombre des internes a eu des répercussions sur la fréquentation de ces clubs. L’animateur adulte devrait s’effacer au maximum, son rôle se limitant à gérer tout ce qui ne peut pas relever d’un mineur ( dans le domaine financier par exemple ) et à éviter les dérives. En fait, ce rôle est souvent important, voire dominant surtout avant mai 68 où on avait du mal à donner la parole aux élèves. Il se justifie par le désir d’assurer la qualité de l’information fournie par les élèves à leurs camarades, par la nécessité souvent de piloter une action sur place, ce qui n’est pas toujours à la portée de tous, surtout des plus jeunes, par le souci de la continuité : les élèves ne restent que quatre ans au collège, trois ans au lycée. Si certains sont les premiers à demander aux animateurs une aide qui les rassure, cela pèse davantage à d’autres, plus âgés. Les adolescents éprouvent un besoin d’autonomie et les clubs ne les attirent que si on leur accorde cette liberté. Il leur faut des actions où ils puissent s’exprimer. Ces dernières années, quelques clubs, rares, sous l'influence d'élèves à la forte personnalité, ont réussi à fonctionner en autonomie.
Ils ont une organisation plus ou moins structurée. Quelques uns se sont dotés de responsables, président, trésorier, secrétaire…et listent les décisions prises dans des cahiers de comptes-rendus. Le plus souvent, ce sont des formes d’organisation moins rigides mais une certaine structuration avec des responsabilités bien délimitées, semble être une garantie de l’efficacité d’un club. Dans certains, quelques élèves se plaignent de devoir tout faire alors que les décisions ont été prises en commun. Les réunions des membres ont lieu en moyenne une fois par semaine, à la fin des cours dans les années 70 et à midi ou une heure par la suite : quand les élèves habitent loin, ils sont tenus, le soir, par les horaires de leurs trains ou cars et de façon générale, les mentalités ont changé et ils ne souhaitent plus rester dans l’établissement au delà des heures de cours. Certains clubs ont la chance d’avoir un local où ils peuvent se réunir et faire des affichages. La plupart siègent dans une salle de classe ou un lieu mis à la disposition de tous.
La durée de vie d’un club est inégale. On a du mal à les suivre sur plusieurs années. Ils peuvent changer de noms, de modes de fonctionnement, disparaître puis réapparaître. Ils sont à la merci du départ d’un animateur ou de quelques élèves dynamiques, de modifications dans les horaires des établissements. Ces dernières années, les cours situés entre 12 et 14 heures ont été mortels pour les activités des clubs. Il est donc tout à fait impossible de donner une durée moyenne de vie. On ne peut que citer quelques clubs dont la longévité est exceptionnelle : la Cité scolaire d’Annonay qui, en 1997, possédait un « Club sans frontières » depuis 1984, le lycée Vaugelas de Chambéry où un Club « Tiers Monde » puis « Yiki’ ya » fonctionne depuis 1975 187 .
1° partie A 2° : L’Afrique dans l’enseignement avant 1960.
Archives de l’Isère.
Témoignages d’enseignants-animateurs.