Le contenu

Après des années de pratiques diverses, l’expérience a montré que la correspondance, pour être efficace, devait obéir à certaines règles qui sont de plus en plus observées. Les enseignants des deux côtés se mettent d’abord en relation, indiquent ce qu’ils attendent de la correspondance, leurs centres d’intérêt et le cadre de travail, de manière à définir un projet commun. Certains « correspondants » se mettent aussi d’accord sur le nombre d’envois dans l’année : 4 envois de part et d’autre paraît être un maximum si on veut rester réaliste. Une information préalable sur les partenaires et les réalités du Tiers Monde est également nécessaire pour éviter les maladresses et les malentendus et établir la correspondance sur un vrai pied d’égalité : les Africains doivent pouvoir aussi valoriser leurs cultures et leurs réalisations.

Les échanges peuvent prendre plusieurs formes. La correspondance collective est certainement la plus efficace et la plus enrichissante. Elle peut mettre en relation des classes ou des établissements. Des dossiers sont réalisés par les élèves et expédiés aux partenaires. Les thèmes les plus courants concernent la présentation de la classe ou de l’établissement, la description de la ville ou du village, la vie quotidienne, les fêtes et les traditions, le sport, la musique, l’environnement… Avec des élèves plus âgés, des sujets sociaux et économiques sont parfois abordés : dans une relation entre un établissement savoyard et un centre de jeunes du Burkina Faso, le racisme et la condition féminine ont pu être évoqués après une « négociation » entre les établissements. Nous retiendrons deux expériences récentes dans l’Académie de Grenoble, qui ont fait l’objet d’une publication. La première intitulée « Je t’offre ma ville », date de 1999 et s’inscrit dans le cadre du jumelage entre Grenoble et Ouagadougou : le collège de la Villeneuve et l’école du Lac à Grenoble ont réalisé un grand nombre de reportages et d’interviews qui ont été expédiés au collège protestant de Ouagadougou. Ils concernent plus particulièrement l’histoire de Grenoble, ses quartiers, ses musées, ses grands hommes, ses activités…Le collège de Ouagadougou évoque ses traditions, son histoire, son art et son artisanat, les marchés, la vie quotidienne difficile, les problèmes des jeunes, les sports…Une élève de Grenoble témoigne de l’émotion au moment où on faxait les textes à Ouagadougou : « c’est magique ». Une autre expérience a été menée, en 2002-2003, par 5 écoles primaires savoyardes et 7 écoles de Bignona, au Sénégal. Elle a débouché sur la publication d’un petit livre de contes : « Il était une fois à Bignona et en Savoie ». Les écoliers savoyards ont retranscrit 8 contes traditionnels qui ont été illustrés par les écoliers sénégalais, qui ont eux-mêmes retranscrit 7 contes africains, illustrés par les jeunes savoyards. Cela a été l’occasion d’une rencontre des cultures que les maîtres ont jugée très enrichissante. Un lycée chambérien est également jumelé avec le lycée de Bignona depuis 1995 : les deux établissements entretiennent une correspondance, étudient des thèmes communs, publient un journal, font une lecture croisée des mêmes œuvres littéraires…

Cette correspondance entre classes ou établissements peut se doubler d’échanges pédagogiques entre enseignants. Les enseignants africains, conscients de l’insuffisance de leur formation sont parfois demandeurs. Peut-on alors parler d’un véritable échange et que peuvent apporter les enseignants français à des collègues qui travaillent dans des milieux et des conditions matérielles aussi différentes ? Les échanges entre enseignants pourraient porter aussi sur l’éducation à la citoyenneté, aux droits de l’homme, au développement. Comment les enseignants africains les conçoivent-ils ? Est-ce que ce sont des thèmes qu’ils traitent avec leurs propres élèves ? Peu d’expériences sont connues. Nous avons eu connaissance d’un club « Fillettes en vie » monté par des instituteurs du Burkina Faso, qui s’étaient, donné pour mission de promouvoir la lutte contre l’excision, dans les écoles et auprès des villageois.

Quelques écoles, surtout dans le passé, ont fait aussi l’expérience des correspondances individuelles. Les jeunes ont souvent envie de relations personnelles. Mais, en dehors du fait qu’il est difficile de faire profiter une collectivité des informations données dans ces conditions, ce type de correspondance se prête à beaucoup de dérives et entraîne beaucoup de déceptions.