Dans les années 60 et 70

Des engagements politiques

Les années 60 et le début des années 70 surtout, sont, dans les universités, une période d’effervescence, avec des revendications universitaires mais aussi des remises en cause de la société ici et des inquiétudes et des questionnements face aux évènements du monde. Le Tiers Monde est au centre de beaucoup de ces luttes et sert souvent de support ou de références à des mouvements politiques.

Ce qui a mobilisé les universités, à cette époque, sur le plan politique, c’est d’abord la lutte contre la guerre du Viet Nam et à travers elle, contre « l’impérialisme ». La guerre du Biafra a aussi été un moment fort. Les archives ont conservé la trace des positions politiques, quelquefois antagonistes et pas toujours très claires, que ce dernier conflit a suscitées parmi les étudiants ( en particulier ceux qui étaient originaires du Tiers Monde ). Des tracts violents  accusent les pays occidentaux, certains pays du Tiers Monde ( Algérie, Egypte… ), l’URSS, l’O.U.A 208 , l’O.N.U. d’être complices du massacre des Biafrais. L’un d’entre eux est intitulé « SOS Biafra : les assassins sont parmi nous », un autre « Non à la solution finale du peuple biafrais ». Les intérêts pétroliers des « Grands » sont mis en cause : la France est accusée de vouloir mettre la main sur le pétrole, en profitant des divisions du Nigeria. D’autres tracts renvoient dos à dos Gowon et Ojukwu traités « d’alliés de l’impérialisme ». Il faut y ajouter les mouvements revendicatifs de certains étudiants africains contre l’autoritarisme de leurs gouvernements. A Grenoble, la FEANF et l’UNECI 209 dénoncent « la politique réactionnaire, au service de l’étranger », du gouvernement de Côte d’Ivoire et les pressions, dont les étudiants sont l’objet, pour qu’ils cessent leurs critiques et acceptent les dirigeants, qui leur sont imposés. L’UNECI dissoute en 1968 est remplacée par la MEECI 210 , émanation du parti unique de Côte d’Ivoire. Les étudiants sont invités à y adhérer sous peine de non-paiement des bourses. Ils sont surveillés par la police, en relation avec la politique de coopération que la France entretient avec les chefs d’état africains, de même que les étudiants d’origine antillaise par crainte du développement d’un mouvement en faveur de l’indépendance. C’est aussi la lutte pour une autre société ici et pour d’autres rapports dans le monde : des groupes « gauchistes », avant mai 68 déjà, regardent du côté de la Chine et du modèle chinois. Le charisme de quelques grands leaders pousse le Tiers Monde en avant sur la scène politique : c’est Nehru, Mao Zedong, Fidel Castro et surtout Che Guevara. Enseignants et étudiants engagés sont surveillés par les Renseignements Généraux dont les rapports fournissent quelques informations. Par la suite, le mouvement étudiant est affaibli par des divisions internes qui opposent les étudiants gauchistes et les modérés. Dans les années 60, la moitié des étudiants de Grenoble étaient adhérents à l’UNEF et dans les années 70, seulement 1 sur 10. les Renseignements Généraux signalent une baisse des engagements politiques de l’AGEG ( section grenobloise de l’UNEF ) parce qu’elle est « consciente du manque d’intérêt des étudiants pour toute activité politique et syndicale ».

Mais cette mobilisation des universités reste sur le terrain politique surtout. La décolonisation, les engagements mentionnés plus haut ne débouchent pas, en apparence, sur un changement dans les contenus des enseignements universitaires ni sur un investissement dans l’humanitaire ou alors il en reste peu de traces. Il y a cependant une exception : un groupe d’enseignants de la faculté de droit et de l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Notes
208.

O.U.A. = Organisation de l’unité africaine.

209.

F.E.A.N.F. = Fédération des étudiants d’Afrique Noire francophone, U.N.E.C.I. = Union nationale des étudiants de Côte d’Ivoire.

210.

M.E.E.C.I. = Mouvement des étudiants et des élèves de Côte d’Ivoire.