Les origines de cette situation

Nous avons vu que la formation des enseignants en France n’est pas vraiment une tradition. L’éducation au développement apparaît comme encore moins nécessaire. Il y a plusieurs raisons à cela.

Les besoins de formation sont déterminés en général par des orientations ministérielles et des situations difficiles sur le terrain. Le Ministère, malgré des déclarations d’intention, les enseignants ou les élèves-maîtres, sont confrontés à d’autres urgences. Les contenus de la formation initiale et continue sont un bon révélateur des préoccupations de l’Ecole. La mise en place de nouvelles techniques pédagogiques qu’il faut apprendre à maîtriser, l’utilisation de nouvelles technologies, des programmes qui changent souvent, la promotion individuelle par des concours internes, la lutte contre l’échec scolaire et le climat de plus en plus pénible, qui règne dans les établissements, sont des préoccupations autrement insistantes. L’Education au développement, sauf dans des cas très particuliers, n’est pas ce qui aidera le mieux à résoudre ces situations difficiles. C’est très net actuellement où l’ECJS, dont l’éducation au développement est une dimension importante, est de plus en plus tirée vers la lutte contre les incivilités et vers la réaffirmation des valeurs propres à rendre l’ambiance des établissements, plus supportable.

On a également beaucoup de mal encore à concevoir ce que pourrait être une formation à la compréhension internationale. Les formateurs comme les enseignants de base se sentent souvent démunis faute d’une réflexion approfondie. Les recherches pédagogiques menées notamment par l’INRP ne vont pas dans ce sens là, pour la grande majorité. Si, en outre, la demande n’est pas forte, on comprend que les plus motivés se découragent. Toute la communauté éducative n’y est pas non plus favorable. Un certain

nombre de formateurs, d’enseignants, de stagiaires, des autorités locales considèrent que c’est du temps perdu. La pratique des stages à l’étranger est parfois perçue comme du « tourisme pédagogique ». Ils préfèrent une formation plus classique et se méfient de ce qui est appris hors de l’Institut d’origine et que le formateur ne maîtrise pas.

La formation à la compréhension internationale pose aussi des problèmes matérielsmultiples. Reprenons l’exemple des contacts avec l’étranger, des stages par exemple. Comment intégrer ces expériences dans la formation initiale alors qu’à l’IUFM, il y a qu’un an de formation pédagogique ( la 1° année étant réservée à la préparation du concours ) ? La plupart des stages sont courts à cause de cela. Le fonctionnement du système éducatif devient compliqué, si un certain nombre d’enseignants sont en stage à l’étranger. Malgré les encouragements officiels aux stages internationaux, les recteurs ne tiennent pas à devoir nommer des remplaçants. Il faudrait pouvoir aussi évaluer ce travail effectué à l’étranger. Cela ne peut être fait qu’en collaboration avec les formateurs de l’institut du pays étranger, qui prendraient alors le relais des formateurs français, mais faudrait-il encore qu’on s’entende sur les critères d’évaluation. Pour la formation continue, des parents d’élèves vivent déjà mal la formation sur le temps de travail, ils tiennent encore moins à voir partir des enseignants à l’étranger. Des syndicats freinent : on veut « former les enseignants à la promenade ». Le manque de formateurs a souvent été incriminé aussi, bien que l’on s’étonne qu’il n’y ait pas eu plus de contacts et de collaboration entre formateurs et enseignants et que les expériences de chacun n’aient pas pu être utilisées davantage.

L’impulsion officielle n’apparaît pas suffisante.Au niveau local, les enseignants ne sont pas toujours au courant de ce qui se fait, ils n’en ont pas de compte-rendu. Les Inspecteurs, à leurs yeux, devraient davantage jouer le rôle de «relais». Globalement, les formateurs qui essaient de concevoir une véritable éducation au développement, ne se sentent pas soutenus. Par exemple, dans les IUFM, il n’y a pas de collaboration systématique entre inspecteurs et formateurs . « On peut passer un an sans les voir », « on ne les voit qu’une seule fois dans l’année au moment des jurys d’examens ». Un certain nombre de formateurs incriminent aussi la tradition de centralisation qui caractérise le système français et qui aboutit à la déperdition de beaucoup d’initiatives.

Ces réserves qui existent pour la formation internationale, même quand elles concernent les relations avec les pays européens, sont encore plus fortes quand il s’agit des pays du sud. Il semble que le système éducatif se soit engouffré dans des relations avec des partenaires européens et que cette priorité donnée à l’ouverture sur l’Europe, ait gravement hypothéqué les chances d’un partenariat éducatif avec les pays africains par exemple.

Ces carences ont facilité la pénétration des ONG au niveau de la formation.