Avant les années 80, il est difficile de trouver la moindre trace de recherche sur cette question. La première que nous ayons retrouvée date de 1979 et elle est due à une initiative de la Commission française pour l’UNESCO. Dans le cours des années 80, au moment où le ministère fait des efforts pour impulser l’éducation au développement, des projets et des expérimentations commencent à apparaître. Entre 1984 et 1987, plusieurs ateliers de Sèvres lui furent consacrés. Des modules de formation destinés aux stages MAFPEN furent élaborés à cette occasion.
Mais c’est au sein de l’INRP, sous l’influence d’une équipe animée par L.Marbeau et M.Margairaz principalement, que l’évolution est la plus nette. Par la suite, on glissera vers les questions de l’environnement et de la citoyenneté et la recherche sur l’éducation au développement reculera. Une première expérience est lancée en collège à la fin des années 70, par des chercheurs de l’INRP en collaboration avec quelques établissements. Elle doit durer 4 ans, pour pouvoir suivre les élèves tout au long du 1° cycle ( 1978-82 ). Quelques années plus tard, une expérience analogue est menée en lycée, sur les trois années du second cycle ( 1983-1987 ) : le lycée E.Mounier de Grenoble était partie prenante. Dans les deux cas, l’expérimentation devait se faire en interdisciplinarité, histoire, géographie, éducation civique, sciences économiques, français, anglais, espagnol. La recherche avait les mêmes objectifs : intégrer l’éducation au développement dans les disciplines enseignées et non créer une discipline nouvelle ; utiliser la pédagogie par objectifs et, en général, des méthodes pédagogiques novatrices ; au delà de l’acquisition de connaissances, changer aussi les comportements, promouvoir la tolérance et convaincre que la diversité culturelle est un enrichissement ; faciliter l’évaluation par les élèves eux-mêmes. Il ne s’agissait pas de bâtir un schéma idéal mais de proposer les voies d’une généralisation dans les cadres administratifs et pédagogiques qui existaient.
Ces deux expérimentations ont donné lieu à deux publications de l’INRP, en 1984 et 1988. Les équipes de chercheurs et enseignants ont insisté sur les conclusions qui suivent. L’éducation au développement doit se faire tout au long de la scolarité, de la maternelle à l’université. Elle entraîne, pour être efficace, des changements dans l’enseignement : la pédagogie par objectifs s’est révélée bien adaptée, en partant des représentations des élèves et en essayant d’élaborer une démarche cohérente, qui progresse d’un objectif à l’autre, avec des méthodes actives. Il faudrait également prévoir de remodeler, au moins partiellement, les programmes, à la lumière de l’éducation au développement, pour pouvoir l’intégrer dans les différentes disciplines, sans la noyer. La concertation est une nécessité… concertation entre les disciplines, qui a été parfois difficile et ne s’est pas toujours réalisée dans certains établissements concernés par l’expérience, concertation entre les établissements et les associations de solidarité internationale. L’éducation au développement est une tâche qui ne peut pas relever seulement de l’Ecole et qui implique une ouverture sur l’extérieur. Les relations avec les associations ont souvent été fructueuses mais chacun doit conserver ses objectifs spécifiques et sa démarche propre. L’évaluation doit être une préoccupation importante. Le questionnaire d’évaluation, en annexe 244 , a permis de tester l’expérience menée en lycée mais il était destiné aussi à tous les enseignants, pour leur permettre de mieux apprécier l’évolution de leurs élèves.
Ces expériences ont concerné des professeurs volontaires qui étaient ouverts à une rénovation pédagogique et qui avaient envie de collaborer, mais elles ont fait apparaître un certain nombre de besoins pour lesquels l’institution a un rôle à jouer. La formation des enseignants s’est révélée insuffisante sur ces questions complexes, qui évoluent vite et donnent lieu à « des débats troublants » : l’enseignement supérieur devra la prendre en charge. La surcroît de travail a été souvent difficile à gérer, les enseignants attendent du Ministère, des décharges, des heures de concertation, du matériel approprié…s’il veut que ce type d’expérience se généralise.
Les comptes-rendus de ces recherches mentionnent également les limites de l’expérience. Ils constatent une nette amélioration des connaissances des élèves concernés par rapport au groupe de référence et une tolérance un peu plus importante, mais une relative inertie dans leurs représentations. Les expérimentateurs se sont aussi posé la question de savoir si cet acquis est transposable dans la vie courante. En effet, un gros obstacle tient à la société en général, pour laquelle « la compréhension internationale n’est pas une démarche spontanée ».
Par la suite, il est difficile de repérer l’existence d’autres expériences concernant spécifiquement l’éducation au développement ou l’Afrique et d’en trouver des comptes-rendus, ni à l’INRP, ni dans les autres organismes. Une équipe a travaillé en 1980-81, au lycée E.Mounier de Grenoble, sur les civilisations d’Afrique Noire. Quelques recherches dans des domaines voisins peuvent aussi apporter des éclairages intéressants. En Education civique, une expérience a été menée, en liaison avec les nouveaux programmes de l’enseignement primaire et de 6° ( 1995 et 1996 ). L’étude devait durer trois ans, de 1996 à 1999. Le Centre historique et juridique des droits de l’Homme, rattaché à l’université P.Mendès-France de Grenoble, propose des axes de recherche qui peuvent intégrer l’Education au développement. Il est en relation avec l’Université de Dakar. Un contact avec le GFEN laisse penser que l’éducation au développement n’est pas un sujet qui a beaucoup retenu l’attention sauf au début des années 2000 où il a organisé un forum sur la solidarité internationale et la rencontre interculturelle. La revue Les Cahiers pédagogiques a consacré un dossier à l’éducation au développement 245 . Il faudrait citer aussi le rôle du GEMDEV 246 . C’est un groupement crée en 1983 par le Ministère de l’Education Nationale, des équipes de chercheurs et des formations doctorales de la région Ile de France. Il entretient des relations avec des équipes de recherche de province et de l’étranger ( Afrique subsaharienne et Maghreb ). Il travaille dans le domaine des sciences humaines et sociales sur la mondialisation, les formes de développement, la coopération Nord-Sud. Son rôle consiste à mettre en rapport les chercheurs par l’organisation de séminaires, à publier des comptes-rendus de recherche sous la forme de « Cahiers du Gemdev » ou d’ouvrages.
Cf. ANNEXE 6
Les Cahiers pédagogiques, n° 405, juin 2002.
G.E.M.D.E.V. = Groupement Economie mondiale, Développement.