L’Ecole n’a pas l’exclusivité de l’éducation au développement

Il existe d’autres lieux où les jeunes se forgent des représentations et qui échappent à l’influence de l’Ecole. C’est l’influence de l’éducation reçue dans la famille d’abord : on constate que beaucoup d’élèves motivés ont des parents sensibles ou engagés au Sud ou participant à la vie associative. Ils soutiennent les initiatives de leurs enfants, leur montrent souvent l’importance qu’ils y attachent et sont là pour des actions ponctuelles. L’éducation au développement a été souvent l’occasion d’une rencontre fructueuse entre l’élève et tous ceux qui participent à son éducation.

Les médias peuvent jouer aussi un rôle important. La télévision reste un outil d’information privilégié pour beaucoup de jeunes, surtout dans les milieux modestes. Ce qu’on a appelé le « charity business » s’adresse en particulier à eux. Si la télévision peut attirer l’attention sur des situations dramatiques, elle sert généralement mal l’éducation au développement, en véhiculant une vision réductrice du Tiers Monde. Le rôle de l’Ecole peut alors consister à permettre aux élèves de prendre leurs distances à l’égard de « ce que dit la télé ». Certains journaux, qui leur sont destinés, font un réel effort pour aborder le problème des relations Nord-Sud, d’une manière approfondie, bien adaptée, avec la volonté de contribuer à une meilleure compréhension internationale. C’est le cas de Phosphore, « le journal des années-lycée » qui figure dans les CDI de presque tous les établissements de l’enseignement secondaire et technique. Les éditions Bayard ( presse catholique ), Fleurus et plus récemment Milan vont dans le même sens. Elles publient des journaux pour chaque classe d’âge et tous abordent cette question. Selon leur âge, les élèves y trouvent des dossiers sur des pays en développement, des articles de fond sur les relations Nord-Sud, des récits d’expériences faites en classe et pour les plus grands, des adresses pour partir après les études.

L’éducation peut se faire aussi dans les mouvements de jeunes, qu’ils soient religieux ou laïcs et dans les aumôneries. Des sections d’éclaireurs, de scouts ont essayé de réfléchir sur les relations Nord-Sud mais l’importance qu’on accorde à ces thèmes dépend des orientations personnelles des animateurs. Par exemple, les archives de l’Ardèche possède quelques numéros du « Journal des éclaireurs de France » de Crussol pour les années 1970-71. Cette section semble être extrêmement active mais les responsables, dont

un, cependant, a été coopérant au Gabon, n’orientent pas leur groupe vers ces préoccupations. Il est parfois question de compréhension internationale mais il n’y a aucune

trace d’une action en faveur du Tiers Monde. La même analyse est valable pour les aumôneries. Depuis Vatican II surtout, certains prêtres sont allés au delà du catéchisme habituel et ont introduit une dimension nouvelle dans l’éducation des jeunes qu’ils avaient à former : le Tiers Monde a souvent été une source de réflexion. Cela a été le cas, entre autres, d’une équipe de prêtres de Chambéry. Plus récemment, les JMJ ( journées mondiales de la jeunesse ) ont été un moyen de faire vivre en direct les relations Nord-Sud.

La musique a été également une porte d’entrée vers le Tiers Monde. L’importance des musiques des autres continents, en particulier des musiques africaines et afro-américaines, chez les jeunes, est un réel phénomène social. Une enquête de la SOFRES, en 2002, révèle que «  dans les deux ou trois choses qui comptent le plus » pour les adolescents, la musique apparaît dans 20 % des réponses, après le métier, le bonheur familial, l’amour, le sport et la liberté ( 13 % des réponses en 1978 et 15 en 1987 ) 249 . Ecouter de la musique est la 2° activité par le temps qu’ils lui consacrent. Le plaisir de la musique et l’engouement pour certains groupes ne débouchent pas forcément sur une sensibilisation aux problèmes des pays d’origine, ni sur un désir d’aller plus loin dans leur connaissance. Mais ce « bain musical » crée des conditions favorables à une meilleure compréhension de l’autre. La musique est d’ailleurs de plus en plus présente dans les actions menées dans le cadre de l’éducation au développement 250 .

Parmi toutes ces influences, il est impossible de déterminer lesquelles ont joué le plus, quelle est la part de l’Ecole dans l’intérêt que manifestent certains élèves pour les pays du Sud. Pour tenter de faire néanmoins une évaluation approximative, pour l’Académie de Grenoble, nous nous appuierons sur les trois critères suivants :

L’impact de l’éducation au développement d’après quelques enquêtes et évaluations.

La présence de l’Afrique et des PED en général, dans les journaux lycéens.

La participation des élèves aux activités périscolaires concernant le « Tiers Monde

Quelques archives, des publications, une enquête et des entretiens avec des élèves, des enseignants seront utilisés pour recouper ces constatations.

Notes
249.

SOFRES : Enquête sur Les valeurs des ados, à la demande de Télérama ( Novembre 2002 ).

250.

Cf. 3° partie : les moyens de l’éducation au développement.